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MARONITE (ÉGLISE), PATRIARCHES, XVIII* SIÈCLE


car elle n’en continua pas moins ses relations avec l’ancien. Aussi le P. di Cuneo ne tarda-t-il pas à quitter le couvent de Békorki. P.’Abboud, Biographie de Bendivé, p. 148-151.

Sur ces entrefaites, le patriarche Simon’Aouad mourut à Machmouchet, le 12 février 1750 ; le 28, l’archevêque de Chypre, Tobie El-Khazen, était élu à sa place selon les dispositions du synode du Liban, et préconisé au consistoire du 27 mars 1757. Les actes de ce consistoire et les documents relatifs à l’élection de Tobie EI-Khazen, dans Jus pontifie., t. iii, p. 681686, t. vii, p. 184-186 ; Anaïssi, Bull., p. 354-374.

Le nouveau patriarche établit sa résidence dans le Kasrawân, surtout au couvent de Mar-Rouhana. Au début de son pontificat, il se montra très soucieux de la mise en pratique du synode libanais. A cette. fin, il réunit l’année même de son élection, le 25 août, un concile au monastère de Saint-Antoine de Beq’ata (Kasrawân). Texte" de ce concile dans Chartoùnî, op. cit., p. 14-17. Mais bientôt, il chercha, sans pourtant y réussir, à porter atteinte à la division canonique des éparchies, établie dans l’assemblée de 1736. P.’Abboud Biographie du patriarche Joseph Estéphan, p. 8-10.

Tobie El-Khazen n’était ni adversaire, ni chaud partisan de Hendiyé, dont la réputation allait croissant et dont l’œuvre se consolidait. La lettre de la Propagande avait déclaré fausses, il est vrai, les apparitions, les extases et les révélations, racontées par elle, mais sans rien dire de sa conduite morale, ni de sa congrégation. Rome oubliait, semblait-il, la condamnation portée quelques années auparavant. Du reste, vu les difficultés de communications, les décisions pontificales ne pouvaient atteindre facilement le public. D’autre part, les doctrines théologiques et spirituelles que la voyante se mit à dicter faisaient monter sa personne dans l’estime populaire. Comment pouvait-on croire à une science purement humaine alors que Hendiyé savait à peine lire l’arabe ? Les vérités qu’elle énonçait passaient, aux yeux du public, pour le reflet des connaissances divines. Cette conviction gagnait d’autant plus les âmes simples et pieuses que la supérieure de Békorki affirmait être unie au Christ d’une union réelle, hypostatique ( !). P.’Abboud, Biographie de Hendiyé, append., p. 38-40. En réalité, les doctrines qu’elle propageait n’avaient rien d’original ; c’était tout simplement un amalgame d’idées extraites de divers ouvrages de théologie dogmatique ou morale, exprimées en arabe par quelques élèves de Rome. Rapport du cardinal Boschi, 25 juin 1779, dans P.’Abboud. Relazioni, t. i, p. 287-288. Mais, installée à Békorki, dans un site enchanteur, tout baigné de l’azur du ciel et de la mer, Hendiyé se laissait aller à un enthousiasme mystique que la prudence d’aucun directeur expérimenté ne canalisait. Son couvent devenait un but de pèlerinage. La fièvre ne connut plus de bornes lorsqu’en 1759 et en 1768, Clément XIII accorda des indulgences à la fondatrice, aux religieuses à la confrérie et aux visiteurs de Békorki.’Abboud, Biographie de Hendiyé, p. 155-156 et append., p. 35-37.

Le successeur de Tobie El-Khazen allait donner à l’œuvre de Hendiyé une— impulsion plus forte encore. Tobie mourut le 29 mai 1766. Le neuvième jour qui suivit le décès, le collège électoral s’assembla au couvent de Mar-Challita et, le 9 juin, lui donna comme successeur, à l’unanimité des voix, Joseph Estéphan, que sa vertu, sa science et son profond attachement au Saint-Siège imposaient à l’estime de tous. Voir la lettre synodale des évêques, 10 juin 1766, dans’Abboud, Biographie du patriarche Joseph Estéphan, append., p. 53-54 et l’allocution consistoriale du 6 avril 1767, dans De Martinis, Jus pontifie, t. iv, p. 148. On a prétendu qu’il fallait attribuer l’élection de Joseph Estéphan à des manœuvre i frauduleuses de

Hendiyé ; cette assertion ne repose sur aucun fonde ment sérieux. Le nouveau patriarche fixa sa résidence a Ghosta (Kasrawân), au couvent de Saint-Joseph Al-Hosn, qu’il venait de fonder. Ardent promoteur de la discipline ecclésiastique, il avait à cœur d’appliquer la réforme du synode libanais. Pour aplanir plus sûrement les obtacles, il jugea nécessaire de faire intervenir dans ce but l’autorité romaine. Il écrivit donc à la Propagande, et Clément XIII lui répondit, le 2 août 1767, pour approuver ses projets. Jus pontifie, t. iv, p. 149-150. Fort de ce document, il prépara le synode de Ghosta dont les séances furent tenues du 16 au 21 septembre 1768, en présence d’un délégué apostolique, l-’r. Luigi da Bastia, custode de Terre-Sainte, et de quelques missionnaires franciscains et capucins. Cependant, les actes ne portent que les signatures du patriarche et des évoques. La Propagande en approuva le texte, mais avec certaines restrictions, le 4 septembre 1769. Voir la lettre du cardinal Caslelli, préfet de la Propagande, du 11 décembre 1769 et les instructions jointes à cette lettre, dans P.’Abboud, Relazioni, 1. 1, p. 226-234 de la partie arabe ; le texte de ce svnode dans Chartoùnî, op. cit., p. 18-38.

Pour assurer la stabilité d’une réforme, il importe surtout de former un clergé à la fois pieux et instruit. Joseph Estéphan le comprit et résolut de fonder au Liban, malgré les difficultés, un nouveau séminaire. Le 14 janvier 1789, il convertit en maison nationale d’éducation pour les clercs, le couvent de’Aïn-Warqa, sur lequel sa famille exerçait et exerce encore un droit de patronage. Le nouveau séminaire devait recevoir, à titre gratuit, seize élèves, à raison de deux par éparchie, plus deux de la famille Estéphan. Cette institution dont le besoin se faisait grandement sentir, a rendu, parla suite, les plus grands services. Toute une phalange de patriarches, d’évêques et de prêtres qui honorent l’Église maronite, sont sortis de’Aïn-Warqa. — Joseph Estéphan ne se préoccupait pas seulement de la réforme ecclésiastique. Les prérogatives de son siège et les intérêts spirituels et temporels de son peuple, lui tenaient à cœur. Pour les mieux défendre, il nomma, le 4 janvier 1771, le caré de Notre-Dame de Versailles, l’abbé Allard, son représentant près du Roi très chrétien, « afin qu’il exécute nos commissions et celles de notre siège patriarcal d’Antioche, lequel est placé sous la protection de notre grand Roi, le Roi très chrétien de France et de Navarre. » Traduction française publiée dans Ristelhueber, op. cit., p. 280-281 ; original arabe dans’Abboud, Biographie du patriarche, append., p. 66-67. En outre, il sollicita de Louis XVI, en faveur d’un illustre maronite, le cheikh Ghandour Sa’d El-Khoury, le rétablissement du consulat de France à Beyrouth. Ghandour était secrétaire de l’émir de la Montagne, Joseph (Yousof) Chihàb, et son père avait joué auprès de lui le rôle de premier ministre. L’émir qui entretenait avec Louis XVI des relations particulièrement cordiales et appréciait fort les mérites de son secrétaire, appuya la candidature. Ristelhueber, op. cit., p. 284-285 et 330 ; ’Abboud, Biographie du patriarche, p. 211-212. Par lettres patentes du 4 août 1787. Louis XVI nomma le cheikh Ghandour au consulat de Beyrouth, resté vacant depuis la mort de Naufel El-Khazen (1752). Voir une traduction arabe de ces lettres dans la Chronologie des patriarches maronites. édit. Chartoùnî, p. 58-59.

Les initiatives de Mgr Estéphan, hardies et peut être quelquefois un peu —prématurées, soulevèrent contre lui une forte opposition, notamment dans l’épis copat et les monastères. Une campagne fut menée contre lui, furibonde et à grand fracas. Déjà en 1769, quelques évêques avaient tenu un conciliabule d’op-