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1031 MESSE DANS L’EGLISE LATINE, LA CONTROVERSE RERENGARIENNE 1032

figuratif, ni dans la seule présence réelle du corps et du sang du Christ et pourquoi dans les deux réunis ? » Col. 815-821.

La célébration du corps du Christ, répond Alger, n’est point seulement un mémorial vide et une figure. Autrement, la Nouvelle Alliance ne serait point supérieure à l’Ancienne. Le Christ nous apporte la réalité. Col. 816.

b. Identité de victime et de prêtre à la messe et au Calvaire. — Notre sacrifice quotidien est le mîm3 que celui par lequel Jésus-Christ s’est offert sur la croix, à raison de l’identité de victime olïerte, quantum ad eamdem veram hic et ibi corporis substanliam. I, xvi, col. 786. Cette victime à l’autel ce n’est pas seulement le corps naturel du Christ immolé sar la croix, c’est aussi très véritablement son corps mystique. Alger « traduit cette vérité par une formule remarquable : In altari, Ecclesia concorporalis et consacramentalis est Christo. L'Église forme avec le Christ sur l’autel un seul corps et un seul sacremjnt, et par conséquent une seule oblation. » Lepin, op. cit., p. 143 ; Alger, ibid., i, xvi, col. 789.

Victime du sacrifice, le Christ universel et éternel est aussi le vrai prêtre du sacrifice eucharistique. III, vm, col. 840, 841. De là l’efficacité de ce sacrifice, même offert par des prêtres indignes.

c. Efficacité des oblations eucharistiques. — Le problème se pose de concilier la vérité, l’efficacité, la multiplicité des oblations quotidiennes avec l’unité, la vérité, la suffisance de l’oblation rédemptrice du Christ. Alger le résout en déduisant la similitude d’effets produits à l’autel et au Calvaire de la présence de la même victime : prorsus eadem hic et ibi nostree salutis est gratia ; hic et ibi vera, sufficiens et semper necessaria, quia hic et ibi idem verus Christus potens est ad omnia. I, xvi, col. 787 C. Cette phrase veut être lue à la lumière, de celle où il affirme la pleine suffisance du sacrifice de la croix : Licet enim ejus oblatio in cruce semel suffecerit ad omnium salulem et redemptionem. Col. 787 B.

Autre problème : celui de la valeur des messes offertes par des prêtres in digues. Peu importe pour la validité du sacrifice que le ministre soit bon ou mauvais, catholique ou hérétique et schismatique ; l’essentiel est qu’il opère selon les rites le sacrifice que le prêtre invisible consacre. III, ix, col. 842. Comment alors justifier l’affirmation (alors courante) d’après laquelle le schismatique ne consacre pas le corps du Christ ? Cette parole, dit Alger, ne se rapporte pas au corps naturel du Sauveur qui est réellement consacré, mais à son corps mystique intégral, tête et membre, dont le schismatique ne peut produire l’unité. Hors de l'Église, il ne peut s’unir lui-même au Christ et à l'Église, universum corpus Christi, caput scilicel cum membris, non conficit. III, xii, col. 847B.

2. Le caractère commémoratif et figuratif de la messe. — La vérité du sacrifice eucharistique n’exclut point en lui le caractère de commémoraison et de figure que la tradition lui assigne.

Durand de Troarn reconnaît ce caractère à la cène et au sacrifice quotidien qui la renouvelle : véritable oblation de la chair du Seigneur pour la vie du monde, la cène préfigurait sous un signe sensible, in sacramento, l’immolation réelle et efficace, in pretio, du Calvaire. De corp., ni, P. L., t. cxlix, col. 1381. « Reproduction de la cène, notre sacrifice quotidien consiste donc lui-même en une figuration rétrospective de l’immolation réelle de la croix. Et qui pourrait nier, accorde-t-il à Bérenger, qu’on appelle à bon droit similitude ou figure ce qui représente, représentât, la passion du Fils unique, réalisée une fois pour toutes précédemment ? L’auteur en vient à cette formule très remarquable : « Parce que le Christ

ressuscité d’entre les morts ne meurt plus, nous proclamons chaque jour sa mort passée, afin d’obtenir par elle plus promptement la miséricorde du Père. Ainsi ce mystère de salut est à la fois significatif de la mort du Seigneur et productif de. la réconciliation humaine, mortis dominiese significativam, reconciliationis humanx effectivam. » Lepin, op. cit., p. 105 ; Durand de Troarn, xi, col. 1392 ; xvi, col. 1401.

On retrouve chez Lanfranc la même idée d’immolation figurative dans des passages où il commente la lettre à Boniface : « Ainsi lorsqu’est brisée l’hostie, lorsque le sang est versé du calice dans la bouche des fidèles, quelle autre chose est-elle signifiée que l’immolation du corps du Seigneur en croix ? » Lanfranc, De corp., xiii, P. L., t. cl, col. 422-423. « De même que l’immolation de sa chair qui est accomplie par les mains du prêtre est appelée passion, mort, crucifieniiiit du Christ, non pour la réalité de la chose, mais pour la signification du mystère, rei verilate, sed signifiante mysterio, ainsi le sacrement de la foi est la foi. » Id., xiv, col. 423-425.

A l’idée d’immolation figurative Lanfranc joint celle de commémoraison : « Cette mort est proclamée dans le sacrement du corps du Christ en ce qu’elle est célébrée chaque jour par les fidèles en mémoire de sa imrt. » In Epist. I ad Cor., col. 194 B.

De l’ensemble des textes de l’abbé du Bec, il résulte que la représentation de l’immolation sanglante se fait à la communion par la fraction de l’hostie et l’effusion du sang répandu dans la bouche des fidèles. C’est l’idée des Pères, ibid., col. 424. Lanfranc semble y ajouter un symbolisme nouveau tiré du fait que la communion a lieu au corps et au sang pris séparément : Sumitur quidem caro per se, et sanguis per se, non sine certi mysterii ratione. Ibid., col. 425.

Guitmond en face des mêmes problèmes et des mêmes objections donne des réponses semblables. La fraction du pain, comme l’immolation du Christ à l’autel, sont des images. De corp.. t. I, PL-, t. clxix, col. 1434. L’idée de signe et de figure trouve son application dans la célébration de l’eucharistie, elle est en connexion avec celle de commémoraison de la passion. Ce que saint Augustin appelle signe ou figure, ce n’est pas la nourriture de l’autel, mais la célébration du corps du Seigneur. C’est ce que nous croyons, « car toutes les fois que se fait la célébration du corps du Seigneur, nous ne réitérons pas la mise à mort du Christ, non iterum occidimus, mais nous rappelons sa mort dans cette célébration et par cette célébration. La célébration elle-même est une sorte de commémoraison de la passion du Christ. La commémoraison de la passion signifie la passion elle-même. En conséquence, la célébration du corps et du sang du Christ est un signe de la passion du Christ. La célébration de la messe n’est pas la passion même du Seigneur. Elle est par rapport à celle-ci une simple commémoraison significative, significativa commémorai io. » Ibid. t. II, col. 1455-1456. Ces derniers mots traduisent bien l’idée de Guitmond : celle d’immmolation figurative et commémorative.

Alger reprend la même idée et l’expose avec beaucoup de force. Non seulement il la fait valoir « en mettant en opposition vérité et figure, immolation réelle et immolation imaginaire ou représentative », Lepin, p. 107, mais il ébauche la raison profonde du caractère figuratif du sacrifice eucharistique. Tout d’abord, il explique le fait : « que si notre sacrifice est appelé une copie, exemplum, c’est-à-dire une figure ou une image, figura vel forma, de celui qui a été offert une fois, ce n’est pas que le Christ soit ici essentiellement autre qu’il était là, mais pour montrer que, sur la croix une fois, et sur l’autel chaque jour, il est offert et immolé d’une façon différente, là dans la vérité de