Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/52

Cette page n’a pas encore été corrigée
39
90
MARONITE (ÉGLISE), PATRIARCHES. XYIIie SIÈCLE


ncsques. Malgré tout, sa dirigée acquit de bonne heure une grande réputation de sainteté. Dès lors, on comprend l’influence considérable qu’elle put exercer dans un pays profondément religieux, facilement enclin au mysticisme, au milieu d’un peuple à la foi vive et à la piété simple. Les jésuites commencèrent par la patronner. Après l’avoir agrégée spirituellement à la Compagnie, ils voulaient la faire entrer au couvent de la Visitation, établi, sous leur direction, à’.Antoura, dans le Kasrawân..Malgré un séjour de près de huit mois chez les visitandines, elle refusa obstinément d’y prendre le voile, persuadée d’avoir à remplir une mission spéciale. Notre-Seigneur lui était apparu à plusieurs reprises, disait-elle, et lui avait intimé l’ordre de jeter les bases d’une nouvelle congrégation sous le vocable du Sacré-Cœur. Ce devait être proprement le but de son action ; et nous la verrons le poursuivre avec opiniâtreté. De’Antoura, on la transféra au couvent maronite de Saint— Jean-Baptiste de Harache, situé dans la même région. Elle y passa près de deux ans, toujours inflexible dans son idée. Enfin, la congrégation projetée fut fondée à Békorki (localité voisine de Harache et de’Antoura) et sa règle approuvée par le patriarche Simon’Aouad et certains évêques maronites. C’était en 1750.

Entre temps, les jésuites s’étaient déclarés contre Hendiyé et avaient fait rappeler en Europe son directeur, le P. Venturi. Naturellement, le patriarche se trouvait être le premier de ses défenseurs. Certains personnages appartenant à d’autres communautés chrétiennes de la Syrie, l’émir de la Montagne lui-même, Molham Chihàb (1732-1754), la’soutenaient. Toutefois, un peu inquiet, Simon’Aouad chargea un prêtre fort instruit, Michel Fadel, de faire une enquête sérieuse sur Hendiyé et sa congrégation. Fadel, à la suite de son enquête, rédigea un rapport élogieux. Le patriarche le publia ; et dès lors, le conflit s’envenima entre lui et les jésuites. Ces derniers, portèrent la question à Rome, et ne manquèrent pas de desservir le patriarche et les évêques auprès du Saint-Siège. Les choses en vinrent au point que’Aouad se crut obligé d’interdire aux maronites, sous peine d’excommunication, tout rapport avec les Pères de la Compagnie. Voir P.’Abboud, Biographie de Hendiyé (en arabe), Beyrouth, 1910, p. 1-50 ; deux rapports de Fr. Desiderio da Casabasciana, ablégat apostolique, dans P.’Abboud, Relazioni délia nazione maronila colla Santa Sede nel secolo XVIII, t. i, Beyrouth, 1909, p. 78 sq., 100 sq. Ce n’est donc pas, comme on l’a prétendu, parce que les jésuites s’étaient déclarés contre la superstition de recueillir et de distribuer en reliques le sang de Hendiyé, que le patriarche porta cette mesure.

Par le bref Ad supremam du 4 janvier 1752, le pape blâma Simon’Aouad de s’être prononcé dans une affaire de telle importance sans avoir, au préalable, consulté le Saint-Siège ; il supprima en même temps la congrégation du Sacré-Cœur et ordonna le transfert de Hendiyé dans un autre monastère. Voir le bref dans Jus. pontifie, t. iii, p. 482-483. Voir aussi un autre bref Alias nostras, 15 janvier 1753, dans R. De Martinis, Benedicti XIV acta, t. ir, p. 122-124 ; une lettre de J. S. Assémani à l’archevêque d’Alep, dans’Abboud, Relazioni, t. i, p. 37-39 de la partie arabe. Puis, le 9 décembre suivant, il envoya auprès des maronites un ablégat apostolique, Fr. Desiderio da Casabasciana, qui avait passé plusieurs années (1743-1750) au milieu d’eux, et le chargea de mener une enquête approfondie sur l’affaire de Hendiyé. Voir les brefs Hasce nostras, 9 décembre 1752 ; Immensa pastorum et Ex ipsis aliorum, même date, dans R. De Martinis, Benedicti XIV acta. t. ii, p. 118-120.

L’envoyé pontifical arriva à Sidon vers la fin

d’avril 1753 ; de là il se rendit auprès du patriarche, au couvent de Machmouchet (Liban sud), où les circonstances avaient obligé Simon’Aouad à fixer sa résidence. Le premier désir de l’ablégat était de réconcilier’Aouad et les jésuites. Les pourparlers dans ce sens furent laborieux ; mais on a tort d’attribuer les difficultés au patriarche. Sur ce point le long rapport de l’ablégat donne toutes les précisions désirables. Texte dans P.’Abboud, Relazioni, t. i, p. 100-118. On peut y voir aussi comment le patriarche justifie sa conduite dans toute cette affaire.

La visite apostolique commença le 18 mai 1753, pour être terminée le 17 juillet suivant. L’ablégat visita le couvent de Békorki aussi bien que les deux monastères de’Antoura et de Harache, où Hendiyé avait séjourné avant la fondation de sa congrégation du Sacré-Cœur. Le résultat de l’enquête fut très favorable à la visionnaire. Voir une déclaration de l’ablégat, ibid.. t. ii, p. 531, et son rapport, 1. 1, p. 134190 de la partie italienne. Dans ces conditions, on ne jugea pas à propos d’appliquer à l’endroit de Hendiyé et de son œuvre les ordres du Saint-Siège. Cette conduite était d’autant plus justifiée que les circonstances n’auraient guère permis d’agir autrement. Ibid., t. i, p. 129-131. Cependant, l’agitation ne touchait pas à sa fin ; elle devait donner lieu, entre Rome et le Liban, à d’autres allées et venues.

De retour à Rome, Fr. Desiderio fit part de ses impressions au souverain pontife. Benoît XIV adressa alors au patriarche la lettre Benedictus Dei.s du 12 mars 1754. Voici le passage qui concerne Hendiyé ; Denique quoad dilectam in Christo filiam Annam A gémi (Hendiyé’Ajeymi) puellam Aleppinam muneris tui parles esse ducimus, ut ipsa a piis prudenti busqué animarum directoribus instruatur atque adsistatur, ut procul absit a publica hominum frequenlia, plausu, et acclamatione, ne uel levisumbra vanitatis virtutem ipsius ofjendat ac periculis exponat, neque novis dissidiis, dissensionibus et offensionibus detur occasio. Ceterum si quidquam amplius hac in re opus juerit, non omiltemus fralernitati tuse significare. Jus pontifie., t. iii, p. 350, n. 1. Mais le pape qui avait en pareilles matières une compétence particulière voulut savoir le fin mot de cette affaire. Il demanda à Fr. "Desiderio d’écrire un rapport circonstancié sur les vertus de Hendiyé et les grâces dont elle prétendait être favo risée. Dans ce travail, il devait faire état uniquement des faits et des informations enregistrés par lui-même. En outre, le pape confia à d’autres, notamment au P. Isidore Mancini, des minimes, le soin d’examiner les écrits relatifs à Hendiyé et à sa congrégation. P.’Abboud, Biographie, p. 126, 129, 134-146. L’ablégat formula ses conclusions dans le sens d’une action sur naturelle. Voir P.’Abboud, Relazioni, t. i, p. 134190. Les autres consulteurs furent d’un avis contraire. Rapport du P. Mancini dans’Abboud, ibid., p. 195211. Voir aussi le résumé d’un autre rapport dans la Biographie de Hendiyé, p. 143-146. Ce que voyant, le pape réunit, au mois de janvier 1755, une assemblée de cardinaux pour trancher la question, et le 25 du même mois, la Propagande écrivait au patriarche en traitant « d’illusions manifestes » les extases, visions et révélations de la voyante et de « crédulité la conduite de ses directeurs.’Abboud, Relazioni, t. i, p. 213 ; voir aussi ibid., p. 289, le rapport du cardinal Boschi de 1779. En conséquence, Benoît XIV imposai ; à la voyante égarée un nouveau directeur spirituel, Fr. Carlo Innocenzo di Cuneo, franciscain de l’observance. Ibid., p. 215. Celui-ci se présenta au patriarche qui donna des ordres conformes à la décision pontificale. Cette histoire ne finit pas pour autant. Hendiyé ne trouva pas la décision de son goût. Elle accepta le nouveau directeur, mais en apparence seulement,