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    1. MESSE DANS L’EGLISE LATINE##


MESSE DANS L’EGLISE LATINE, PASCHASE RADBERT

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en fait, mais il est immolé chaque jour en mystère afin que nous recevions dans le pain ce qui a été suspendu à la croix, et dans le calice ce qui a coulé du côté du Christ. » Epist. ad Frudeg., col. 1353. Voir aussi De corp., ix, 1, 6, col. 1293, 1297. Par quelle partie de la messe est figurée à l’autel l’immolation du Calvaire ? Il ne paraît pas que Paschase se soit posé la question. Tout au plus peut-on conclure d’un passage du De corpore, xix, 3, col. 1328, qu’il met en rapport la consécration avec l’idée de production du Christ à l'état de victime apparemment immolée. Mais ici sa pensée va plutôt à la figuration de la passion par le calice dont le contenu fait penser au sang répandu : sanguinis vero in calice ac si in passione fusus est. Il n'établit point de rapport entre le calice du sang et le corps juxtaposé. Aussi faut-il conclure, avec M. Lepin, que l’idée d’une immolation figurée par l’acte de séparation du corps et du sang est loin de l’esprit de Paschase.

b. Son aspect réel et divin. — Derrière le prêtre visible et l’ensemble des rites extérieurs, il faut voir par la foi la vérité qui se cache, iii, 2, col. 1275. Cette vérité c’est le corps et le sang du Christ identiques avec son corps historique, c’est la personne du Verbe incarné, prêtre, victime, autel du sacrifice eucharistique.

Le Christ est le prêtre véritable du sacrifice chrétien dans la vertu de l’Esprit. C’est le souverain prêtre selon l’ordre de Melchisédech qui consacre, crée, offre, distribue la victime à l’autel et interpelle pour nous. Ce rôle se manifeste surtout à la consécration : celle-ci est le point culminant de la messe ; elle s’opère in sacerdotio Christi.xii, 1, col. 1311.

Vue par rapport au Christ qui l’opère par sa parole dans la vertu de l’Esprit, elle est une création : in verbo et virtute Spiritus Sancii nova fil creatura in corpore creatoris ad nostræ reparationis salulem.xii, 3, col. 1312 ; cf. iv, 1, col. 1277. Efficace comme la parole : crescile et multiplicamini, la parole divine accompagnée de la bénédiction et de la fraction produit une nouvelle créature, xv, 1, 2, col. 1322, 1323, et Exp. in Matth., t. XII, c. xxvi, col. 892.

C’est dans la vertu de l’Esprit que s’opère cette œuvre semblable à l’incarnation : Voluit in mysterio hune pancm et vinum vere carnem suam et sanguinem consecratione Spiritus Sancti potentialiter creari, creandos vero quolidic immolari, ut sicut de Virgine per Spiritum vera caro sine coïtu creatur, ita per eumdem ex substantia panis ac vini mijstice idem corpus et sanguis consecretur. iv, 1, col. 1277. Du point de vue des éléments qui reçoivent l’action divine, cette opération est une conversion radicale du pain et du vin au corps et au sang du Christ, xx, 2 ; xv, 1, col. 1330, 1322 et passim.

Le rôle du Christ prêtre s’affirme aussi dans la communion. On ne peut recevoir la chair du Christ que de sa main, la prendre que là où elle est, sur l’autel de son corps, viii, 1, 3 ; xiii, 1, col. 1280, 1288, 1311. Comme prêtre enfin Jésus-Christ s’offre actuellement à l’autel et interpelle pour nous : Se Patri offerendo, idoneus exorator intervenit. viii, 8 col. 1293.

Le Christ victime. — Au terme de l’action sacerdotale du souverain prêtre à la messe, il y a le vrai corps et le vrai sang du Christ identique à son corps historique, produit sur l’autel pour y être offert et vraiment immolé quoiqu’en mystère. C’est la thèse centrale de Paschase. Voir ii, iv, v, vu et x.

La messe est la répétition de l’oblation du Calvaire, quoique celle-ci seule soit rédemptrice, ix, 1, col. 1293. Quoiqu’il n’y ait pas d’immolation suivie de mort à l’autel, il y a cependant une véritable immolation in mysterio : non enim jam moritur, sed tamen in mysterio veraciter immolatus in ablutionem delictorum comeditur. ii, 3, col. 1274.

Le mystère eucharistique ne mérite proprement ce nom qu'à condition qu’il y ait à la messe une mise en état de victime de la chose offerte. En fait, on dit que le prêtre immole à l’autel, parce que le Christ est mis à l'état de victime, viclimatur, soit comme une hostie pour le péché, soit comme un aliment sacrificiel de salut. Non enim immolatio recte dicitur juxla proprietalem nominis et verbi, nisi et mactatio victimse consequatur. Attamen in pane islo et vino sacerdos recte immolare dicitur quoniam in eo Christus ut ita falcar, Deo Patri in hac oblatione, ac si hoslia pro peccalis nostris seu in cibo salulis viclimatur. Exp. in Matth, , xxvi, col. 894 D. Voir aussi Epist. ad Frudeg., col. 1358 C. L’identité de victime à la Croix et sur l’autel crée l’unité d’immolation. Exposilum, col. 1358 CD.

En quoi consiste cette immolation réelle quoique mystérieuse qui n’aboutit point à la mort de la victime, mais à sa mise en état de nourriture ? On peut le déduire de quelques expressions de Paschase. Elles sont d’un réalisme qui tranche sur la tendance des théologiens antérieurs à chercher dans l’eucharistie un rite seulement figuratif de l’immolation sanglante du Calvaire. Ainsi la phrase suivante : Is qui jam non moritur, adhuc per hanc (hostiam) in suo mysterio pro nobis iterum patitur. Nam quolies ei hostiam suse passionis ofjerimus, toties nobis ad absolutionem nostram passionem illius reparamus. De corp., ix, 11, col. 1302 B. A la prendre à la lettre, elle impliquerait que le Christ dans le mystère eucharistique endure de nouveau sa passion, palitur.

Ainsi encore les récits de miracles eucharistiques que Paschase présente comme révélateurs du mystère. Tel le prodige où saint Basile est montré au moment de la communion tenant un enfant entre ses mains et le partageant aux fidèles, xiv, 2, col. 1317. Telle l’histoire racontée par l’abbé Arsénius, citée déjà par le pseudo-Germain, d’après laquelle l’ange au moment de la fraction immole le Christ enfant et reçoit son sang dans le calice, xiv, col. 1318-1319.

Toutes ces expressions et images témoignent par elles-mêmes d’un ultra-réalisme. Il faut les corriger sans doute par celles où notre auteur déclare que le Christ a une seule fois souffert dans sa chair, ix, 5, col. 1297 B, que ce qui se passe à l’autel est spirituel, Epist. ad Frudeg., col. 1356 B, qu’il réprouve enfin l’idée d’un partage du Christ en morceaux : Unus idemque Christus consumi non potest denlibus, nec dividi per parles. Ibid., col. 1358 A.

De tout cet ensemble de textes il résulte cependant que l’immolation du Christ à l’autel pour Paschase n’est pas seulement figurative, elle est réelle : elle implique une mactatio, une mise en état de victime « qui est instituée à ses yeux par le fait que le Christ est rendu présent à l'état de nourriture. Cette façon de concevoir les choses, il faut en convenir, diffère de tout ce que nous avons vu jusqu'à présent. Elle tranche sur la pensée générale des Pères, telle qu’elle nous est clairement apparue. Elle s'écarte de la tendance qu’ont montré jusqu’ici tous les théologiens, et Paschase lui-même, à chercher dans l’eucharistie un rite proprement figuratif de l’immolation sanglante. » Lepin, op. cit., p. 124.

Le Christ autel du sacrifice. — Prêtre et victime du sacrifice de la messe, le Christ en est aussi l’autel d’où l’on reçoit le corps eucharistique. Pas n’est besoin pour comprendre le sens de la prière, Jubé hsec perferri in sublime allare luum, de songer à un mouvement local qui transporterait le pain-consacré sur un autel lointain en face de la majesté divine. Dieu et ses mystères sont en dehors de l’espace. De corp., vin, 2, col. 1287 C. Après la consécration, le corps et le sang du Christ, pain descendu du ciel, sont là sur