Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/51

Cette page n’a pas encore été corrigée
87
88
MARONITE (ÉGLISE), PATRIARCHES, X V IlJe SIÈCLE


causes qui viciaient l’autre élection. D’abord, on ne pouvait se prévaloir d’un droit de dévolution, puisqu’on n’avait pas obtenu, au préalable, une sentence du supérieur, cassant l’élection ou la déclarant non avenue. En second lieu, l’ordination des deux évêques était illégale, et, partant, la formation d’un nouveau collège électoral contraire aux canons. Enfin, Mgr de Chypre avait été élu au milieu du tumulte populaire et avec l’ingérence du pouvoir séculier. Voir Relazione di alcuni accidenti, p. 16-19 ; l’allocution de Benoît XIV au consistoire du 13 juillet 1744, dans De Martinis, Jus pontif., t. iii, p. 152. Les deux élections furent donc déclarées nulles et les droits des électeurs dévolus au souverain pontife. La législation de l’Église maronite n’ayant rien indiqué touchant cette question, l’assemblée cardinalice ne voyait pas comment s’en tirer autrement. On se réclamait, sans doute, du c. 23, X, De electione et electi potestate, I, vi, et de sa Glose ou du c. 18, De electione et eiecti potestate, I, vi, in VI. Mais dans le cas présent, l’adaptation en était, peut-être, un peu forcée. Quoi qu’il en soit, la résolution, homologuée par le pouvoir suprême, avait force légale ; elle créait un précédent juridique. En effet, le pape, déclarant se réserver, pour cette fois, la provision du siège patriarcal, rendait toute objection inutile. Voir les brefs Quod non luimana, 13 mars 1743, et Magna non minus, 14 mars de la même année, dans De Martinis, Jus pontifie., t. iii, p. 96-98.

Mais le lendemain, Benoît XIV se hâta de rassurer l’épiscopat maronite au sujet de ses droits électifs, ibid., p. 96-97. C’est donc le pape qui, se substituant aux électeurs, allait pourvoir ex integro à la collation de la dignité patriarcale. Son choix se porta sur le doyen de l’épiscopat, Simon’Aouad, archevêque de Damas. Est ille inter episcopos maronitas decanus ; aberat longe a turbarum præsentium tumultu, quibus se minime miscueral ; seseque ab omni ambitu alienum stenderat, cum omnem operam posuisset, ne patriarcha eligeretur. Allocution consistoriale du 13 juillet 1744, dans De Martinis, Jus pontif., t. iii, p. 153. Voir aussi le bref Nuper ad nos, 16 mars 1743, ibid., p. 99-103. Au surplus, ’Aouad était un prélat instruit et d’une doctrine sûre.

Mais comment procéder à l’exécution de la sentence pontificale ? Dans certains milieux de la curie, on se montrait inquiet : imposer d’office un patriarche qui n’a pas été élu, ne serait-ce pas pour les maronites une cause de schisme ? On fit part de cette crainte au souverain pontife. Mais on raisonnait sans tenir compte du long passé d’un peuple. Les maronites, fort jaloux de leurs traditions catholiques, ne pouvaient guère songer à une révolte contre un ordre venu de Rome. Néanmoins, le pape crut plus sage d’employer quelques précautions. Il nomma un ancien custode de Terre-Sainte, le P. Giacomo di Lucca, ablégat et commissaire apostolique aux fins de signifier aux maronites les décisions du Saint-Siège. Mais le P. Giacomo n’était pas à Rome ; la Propagande l’avait chargé d’une mission en Palestine. D’autre part, on ne voulait pas notifier aux agents des deux patriarches les mesures pontificales. On envoya à l’ablégat les brefs et les instructions nécessaires par un homme de confiance, le P. Luigi di Casai Maggiore, également mineur obsérvantin. Bref Nuper ad sedandas, 16 mars 1743, dans Jus pontifie., ibid., p. 104. Le pape le chargeait aus :  ; i par le même bref de mettre la main à l’exécution des ordres confiés au P. Felice. A ces documents, le cardinal Petra, préfet de la Propagande, joignit deux lettres au consul de France à Sidon et au grand émir du Liban, les priant de prêter leur concours à l’envoyé pontifical.

Ayant reçu les instructions de Rome, le P. Giacomo se rendit au pays des maronites, et il s’acquitta de son

mandai à la satisfaction générale. Idem reverenctissimus ablegatus vesler, écrivaient les évêques maronites au pape, munere suo apud nos prudenter, sapienter. ai : studiosissime defunclus est. Jus pontifie., p. 155. Les pourparlers ne traînèrent pas en longueur. Les lettres pontificales étaient parties de Rome au mois de mars 1743 ; et le 7 octobre suivant, l’épiscopat maronite se trouvait déjà réuni au couvent de Harisa pour témoigner publiquement de son obédience au nouveau patriarche et procéder à son intronisation rituelle, qui s’accomplit le. Il du même mois. Après quoi, plusieurs documents furent rédigés, qui attestaient la pleine soumission des maronites aux ordres du Saint-Siège : procès-verbal des actes de l’assemblée de Harisa, lettres adressées au pape par le patriarche, les évêques et la famille El-Khazen, procuration chargeant Assémani de solliciter le pallium. Le tout fut porté à Rome par le P. Desiderio da Casabasciana, secrétaire de l’ablégat.

Au consistoire du 13 juillet 1744, Benoît XIV fit l’éloge des maronites et accorda le pallium à Simon’Aouad. Voir les Actes de ce consistoire dans Jus pontifie, t. iii, p. 151-156, et dans Anaïssi, Bull., p. 292-308. Voir aussi la Relazione di alcuni accidenti. p. 19-30 ; diverses lettres pontificales du. Il août 1744 et du 20 juillet 1746, dans Jus pontifie, t. iii, p. 157159, 289-294, et dans Anaïssi, Bull, p. 308-316.

La paix, ainsi rétablie dans l’Église maronite, fut de courte durée. Une querelle surgit bientôt entre le patriarche et cinq évêques. Ceux-ci poussèrent l’audace jusqu’à contester la juridiction de leur chef, à défendre au clergé et aux fidèles de leurs diocèses de le reconnaître, et à nommer provisoirement un vicaire ou administrateur patriarcal. Patriarche et dissidents portèrent leurs plaintes, en 1745, devant la cour romaine. La majorité numérique, qui soutenait le patriarche, était aussi la pars sanior du clergé et de la nation. Le pape députa au Liban un homme bien qualifié pour rétablir la concorde, Fr. Desiderio da Casabasciana, custode de Terre-Sainte. Il le chargea aussi de promouvoir l’observation du synode libanais et des différentes ordonnances pontificales, rendues à cette occasion. Voir les brefs A dilecto filio au patriarche, 10 juillet 1746 ; Nemini sane au P. Desiderio, 22 juillet 1746 ; Non possumus aux cinq évêques en question, et Prseclara de constanti au clergé et aux fidèles de leurs diocèses, même date, dans Jus pontifie., t. m. p. 289-294.

Les 28-30 novembre 1755, Simon’Aouad réunit, obéissant à une lettre de Benoît XIV (6 mars 1754), une assemblée synodale pour assurer la mise en pratique du concile du Liban. Les actes de cette assemblée sont dans Chartoûnî, Les synodes maronites, Beyrouth, 1904, p. 9-14 ; cf. la lettre de Benoît XIV, Quoniam, dans Jus pontifie, t. iii, p 560-561. Au rapport du patriarche Mas’ad (cité par le P. Harfouche dans Al-Macliriq. t. vi, p. 890), le même prélat aurait tenu un premier synode, le 12 septembre 1744. Malgré nos recherches au Liban et ailleurs, nous n’en avons pu trouver le texte nulle part.

C’est sous le pontificat de Simon’Aouad que se produisirent les premières agitations causées par la célèbre visionnaire Hendiyé ou Hendiyah. De son vrai nom Anne, surnommée ensuite Hendiyé, elle naquit de la famille’Ajeymi, à Alep, le 6 août 1720. Élevée pieusement par sa mère, elle se livra, dès l’enfance, à l’enthousiasme d’une mystique exagérée. A l’âge de douze ans, elle fut admise dans la confrérie du Sacré-Cœur, fondée à Alep par les jésuites, puis dirigée par les lazaristes. A dix-huit ans, elle se mit sous la conduite du P. Antoine Venturi, S. J. Celui-ci eut le tort de ne pas régler son mysticisme, et de laisser son esprit trop imaginatif s’enivrer d’illusions roma-