Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/509

Cette page n’a pas encore été corrigée
1003
1004
MESSE DANS L'ÉGLISE LATINE, FLORUS DE LYON


passé, mais le renouvellent en quelque sorte, et nous en appliquent la vertu.

Ils l'évoquent par le pain, et le mélange de vin et d’eau qui représentent la passion, ils le rappellent en remettant devant notre esprit la charité divine qui a inspiré le sacrifice de la croix, 62 et 63, col. 54 et 55 ; ils le représentent surtout d’une façon réaliste en mettant à la disposition des fidèles sa force vivifiante par l’oblation qui se fait à l’autel du corps du Christ, et par la participation à ce corps jadis immolé : quia in participatione corporis et sanguinis sui, vivificam suam morlem nos annuntiare voluit. 64, col. 55.

Sur l’autel se trouve la véritable oblation en laquelle le Christ est offert, 58, col. 51, le calice dans lequel le sang immmaculé est contenu. 60, col. 53. Là, on reçoit l’hostie vraie et perpétuelle qui communique la vertu salutaire de la passion. 59, col. 51.

L’oblation commémorative de l’autel ne comporte point évidemment d’immolation réelle. In oblatione… cognoscamus non adhuc occidendum Christum… sed occisum. 17, col. 30.

c) Conditions de réalisation du sacrifice chrétien. — Florus les résume dans son 1 er opuscule contre Amalaire : Simplexe frugibus panis conficitur, simplexe botris vinum liquatur : accedit ad hase ofjsrentis Ecclesiee fides, accedit mysticee précis consecratio, accedit divinæ virtutis infusio ; sicque miro et ineffabili modo quod est naturaliter ex germine terreno panis et vinum e/ficitur spiritualiter corpus Christi, id est vitse et salutis nostras mysterium… Corpus igitur Christi, ut prædictum est, non est in specie visibili, sed in virtute spiritali. Opusc, i, 9, col. 77 D.

a. Rôle de l'Église (accedit ad hœc ofjerentis Ecclesiee fides). — L'Église tient un grand rôle dans l’action sacrificielle : c’est elle tout entière qui offre, en raison de sa participation au sacerdoce du Christ. "Voir l’explication des mots qui tibi offerunt hoc sacrificium laudis. Expos, missse, 52, col. 48. A côté de l’oblation de la passion et en union avec elle, l'Église par les prêtres s’offre elle-même avec ses adorations, sa dévotion, car tous élus et mortels sont le sacrifice de l’image agréable à Dieu. Ibid., 58, col. 50. Dans un riche commentaire du Supplices te rogamus, à la lumière de saint Augustin, Florus montre comment le sacrifice de la terre se raccorde à celui du ciel. L’autel sublime invisible, d’où Dieu reçoit un sacrifice éternel de louanges, c’est l’ensemble des élus, anges et hommes, qui aident les fidèles de la terre à offrir leur oblation ; à cet autel unique nous sommes unis ici-bas par la foi, en attendant l’union dans la contemplation, car toute la cité rachetée, c’est-à-dire l’immense assemblée des saints est offerte à Dieu en sacrifice universel par le grand prêtre du ciel. Ibid., 66, col. 58 et 59 ; Opusc, ii, 16, col. 91.

Telle est aux yeux de Florus la nécessité de l’union avec l'Église pour l’offrande sacrificielle, qu’en dehors de cette union, il n’y a pas de vraie sacrifice : quia veri sacrificii extra catholicam Ecclesiam locus non, est… Expos., 53, col. 49 B.

b. Rôle de la prière consécratoire (accedit mysticee précis consecratio). - — Certaines expressions de Florus semblent être un écho de l’idée isidorienna d’après laquelle la prière consécratoire va du Sanctus au Pater. Voir l’explication des premiers et des derniers mots du canon, Expos., 42, col. 43 ; 73, col. 64. Il reconnaît pourtant une importance capitale aux paroles du Christ dans la consécration, et marque en des formules très claires la part principale du divin prêtre, et la part subordonnée des prêtres humains et de l'Église dans l’action consécratoire et l’oblation. Sans les paroles et la vertu du Christ pas de consécration : Sine quibus… nulla pars Ecclesiee conficere potest…

Christi ergo virtute et verbis consecratur et consecrabitur. 60, col. 52 C.

Le Père consacre et accepte l’oblation sanctifiée par le Fils. Celui-ci la lui transmet, interpelle pour nous dans son humanité, et se fait propice à nous dans sa divinité. 43, col. 44. Il est le médiateur unique par qui l’oblation de l'Église peut arriver au Père : Quod ergo offert Ecclesia. offert per illum. 50, col. 47 A.

Le Supplices semble être un moment solennel de la prière consécratoire : Fit… aliquod incomprehensibile… ut per angeliea minisleria et supplicationes tanquam de sublimi altari divinæ majestatis conspectibus offerantur, cum adstantibus sibi minisiris cœlestibus, Christus, ut proposita consecret adesse credendus est. 66, col. 60. Ainsi l’action sacerdotale du Christ s’exerce à l’autel dans la consécration comme telle ; d’une oblation actuelle du Fils de Dieu par lui-même à la messe, notre auteur ne dit rien.

A l’autel le prêtre humain offre et supplie en imitant ce qu’a fait le Christ : Ille sacerdos vice Christi vere fungitur, quidquid Christus fecit imitatur et sacrificium verum et plénum tune offert in Ecclesia Deo Patri si sic incipit offerre quomodo ipsum Christum videt obtulisse. Opusc, ii, 16, col. 91 ; cf. Expos., 43, col. 44.

c. Rôle de l’Esprit-Saint (accedit divinæ virtutis infusio). — L’Esprit-Saint met dans le sacrifice sa vertu divine : Petimus ut hoc Spiritu tuo sanctifiées, ut quod nostrse humilitatis geritur officio tune virtutis impleatur effectu. Expos., 44, col. 44.

Ainsi au terme de cette action harmonieuse de l'Église, du Christ et de l’Esprit-Saint se trouve sur l’autel la victime en qui le sacrifice de la croix non seulement est représenté, mais renouvelé, répété, imité, de nouveau mystiquement immolé, sans que pour cela la victime jadis immolée connaisse une mort nouvelle. Expos., 63, col. 55 ; 59, col. 62.

C’est le très vrai et unique sacrifice des chrétiens, 16, col. 30, où l’on boit le sang qui a coulé du côté du Christ, 63, col. 55, où l’on reçoit le Christ lui-même en nourriture… præparavit cibum seipsum, 59, col. 52 ; Opusc, ii, 7, col. 85, et 8, col. 88.

Il.n’y faut point voir en effet le corps du Christ selon le mode d'être matériel qu’il avait ici-bas, il faut le concevoir comme une puissance vivifiante de l’ordre spirituel : Prorsus panis ille sacrosanctæ oblationis corpus est Christi, non malerie vel specie visibili, sed virtute et potentia spiriluali… Opusc, i, 9, col. 77. Cette terminologie prépare celle de Ratramne.

d. Efficacité du sacrifice chrétien. — Ce sacrifice a une valeur salutaire qui s'étend à tous ceux qui appartiennent au corps du Christ, vivants et défunts. Expos., 68, col. 61. Le commentaire du mémento des vivants est encore fait dans la perspective des messes à intention collective. Ibid., 51, col. 47.

Conclusion. — De cette analyse on peut conclure que l'œuvre de Florus constitue un des témoignages les plus solides et les plus riches qui aient été rendus à la doctrine du sacrifice eucharistique au ixe siècle. Par ses qualités de méthode et de fond, il méritait de s’imposer à la méditation des théologiens et liturgistes du Moyen Age. En fait, nous le retrouverons utilisé dans la suite par plusieurs auteurs. Les ouvrages publiés aux xe et xie siècles ne furent guère que des compilations de Florus et d’Amalaire. Encore faut-il constater que l’aire d’influence du diacre lyonnais est moins grande que celle d’Amalaire ; peut-être faut-il l’attribuer à ce que, par son élévation doctrinale et sa méthode sévère, Florus parlait moins à l'âme Imaginative des fidèles de son temps que, le symboliste Amalaire.

3° Raban Maur avant la controverse paschasienne. — Abbé de Fulda, puis archevêque de Mayence, le disciple d’Alcuin travailla toute sa vie à mettre ses vastes