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MESSE DANS L'ÉGLISE LATINE, FLORUS DE LYON


à consacrer le vin. Pour ce dernier, Amalaire ne paraît plus songer au rôle sanctificateur du rite de l’immixtio : Si militer et dubitatio au/ertur de die l’arasceves de qua aliqui dubitant utrum in ea corpus Domini consecretur an non. In eadem die apostolica consecralio rccolitur quæ tantum dominicain orationem super corpus et sanguinem Domini dicebat. lgitur nisi esset admonitum ex Romano ordine ut reservaretur corpus Domini a quinta feria usque in sextam, non esset necessarium reservari, quoniam suffïceret sola oratio dominica ad consecrandum corpus, sicut sufficil ad consecrandum vinum et aquam. IV, xxvi, dans le Codex M. 9421 de la Bibl. nationale. Andrieu, p. 35.

Troisième explication : hiterdiction par la tradition romaine de « célébrer les sacrements » pendant les deux jours qui précèdent Pâques. — A la suite d’un voyage à Rome où il put s’instruire directement de la bouche même de l’archidiacre, Amalaire fut amené à modifier considérablement ses premières vues sur la liturgie des présanctifiés. Le vendredi saint ni le pape, ni les assistants ne communiaient ; dès lors les deux premières explications devenaient inutiles, si l’on voulait s’en tenir à la tradition romaine.

Aussi écrivit-il dans l'édition définitive de I, xv : In superius memorato libro [ordine Romano] inveni scriplum ut duo presbyleri afferant post salulalionem crucis corpus Domini quod pridie reservalum fuit, et calicem cum vino non consecralo quod tune consecretur et inde communicet populum. De qua observalione inlerrogavi romanum arehidiaconum et ille respondit : In ea slalione ubi aposlolicus salutat crucem nemo ibi communicat. Qui juxta ordinem libelli per commixtionem panis et vini consecral vinum, non observât traditionem Ecclesiæ, de qua dicit Innocentius isto biduo sachamenta penitus non celebrari. P. L., t. cv, col. 1032. Ainsi ce serait aller contre la tradition de l'Église que de continuer désormais à consacrer le vin par l’immixtion de l’hostie, non pas que, sur l’efficacité consécratoire du rite du mélange, la pensée d’Amalaire fût changée, mais parce que ce serait, « célébrer les sacrements », malgré la défense d’Innocent I er. — Semblablement l'édition définitive se tait, pour la même raison, sur la consécration par le Pater.

Ceci n’empêche pas que l’on se souviendra encore longtemps de la « messe apostolique » c’est-à-dire de l’idée de la prétendue consécration par la seule récitation du Pater que la lettre de saint Grégoire avait inspirée à Amalaire.

La théorie amalarienne de la consécration par contact est de toute évidence injustifiable, n’ayant point de racine dans la spéculation théologique antérieure. Exprime-t-elle cependant une idée propre à Amalaire ? De ce que nous trouvons sous la plume de ce liturgiste la plus ancienne expression de cette théorie, il ne s’en suit pas qu’il en soit l’inventeur. Et du fait que cette théorie ne lui fut jamais reprochée, on peut conclure qu’elle ne choquait point, et devait être une donnée du milieu. Si elle n’a pu naître de la spéculation désintéressée des théologiens au courant des vues patristiques, elle a pu être suggérée par des besoins pratiques à une époque où l’on avait des idées fort imprécises au sujet de la théologie sacramentaire, peut-être au vrae siècle. Depuis longtemps, en vue de la distribution de la communion sous les deux espèces, on mélangeait le précieux sang au vin ordinaire dans les églises de Rome ; depuis le jour où avait cessé la réserve du viii, on « sanctifiait » le calice à la messe des présanctifiés par l’immixtion d’une parcelle d’hostie, de même pour faire communier en viatique pratiquaiton l’usage de l’hostie trempée dans du vin. Voir M. Andrieu, p. 5-152. On devait réfléchir sur ces usages et en chercher une explication plausible. Amalaire, à la suite d’autres sans doute, crut la trouver

dans la théorie de la consécration par contact. Grâce à l’influence de ses ouvrages, cette théorie fut vite popularisée, on la rencontre chez le pseudo-Alcuin. Liber de divinis ofjiciis, P. L., t. ci, col. 1211 ; chez Bernold, Micrologus, c. xix, P. L., t. eu, col. 989 ; chez Rupert de Deutz, De divinis ofjiciis, t. VI, c. xxiii, P. L., t. clxx, col. 167 sq.

Ce ne sera qu’au xiie siècle, quand les théologiens auront énoncé avec netteté les conditions essentielles de la consécration eucharistique, que la théorie sera l’objet d’une protestation formelle et d’une condamnation définitive. Cette théorie d’ailleurs ne fut jamais universellement admise. « Une multitude de livres du haut Moyen Age, tels que ceux de Paris, de Cluny, sont entièrement muets sur les effets consécratoires de l’immixtion. » M. Andrieu, p. 245, cf. p. 153-184, les livres liturgiques contraires à la théorie de la consécration par contact.

2. Florus († 860). — En face de l’interprétation souvent subjective, allégorique, d’Amalaire, le savant diacre de Lyon ne se contente point d’une critique purement négative ; il propose, à son tour, une interprétation plus objective, plus réaliste, plus strictement traditionnelle des prières de la messe, tout d’abord dans son Exposilio missæ, écrite vers 835, P. L., t.cxix, col. 15-72, puis un peu plus tard dans ses trois Opuscula adversus Amalarium, ibid., col. 71-95.

Il caractérise très heureusement sa méthode dès le début de son exposition, col. 15 et 16. Son œuvre ne sera pas seulement une compilation, mais une utilisation judicieuse des écrits des Pères et des anciennes liturgies en vue non plus d’une exposition purement littérale, mais d’un commentaire du sens profond et de l’esprit du texte. C’est la transition entre l’ancienne Exposilio missæ et les traités De corpore et sanguine Domini. La pensée de l’auteur s’y meut surtout dans le cadre de la tradition augustinienne sur le sacrifice chrétien ; Florus y insiste particulièrement sur l’excellence, le caractère commémoratif, les conditions de réalisation et l’efficacité du sacrifice eucharistique.

a) Excellence du sacrifice nouveau. — Son introduction au commentaire du canon établit cette excel lence par rapport au sacrifice d’Aaron.

Elle ressort de la qualité du prêtre et de la victime de ce sacrifice nouveau : c’est Jésus-Christ, le Verbe anéanti dans l’incarnation et obéissant jusqu'à la mort pour devenir dans son humanité notre sacrifice et notre nourriture. Expos., 3, col. 17. C’est donc par lui que l'Église offre à Dieu ses demandes et ses louanges. 22, col. 33. Comme prêtre, il continue éternellement son interpellation médiatrice en présentant devant son Père son humanité. 4, col. 18-20 ; 23, col. 34. L’activité sacerdotale du prêtre du Nouveau Testament ne se perpétue pas seulement au ciel, mais sur terre dans le sacrifice commémoratif de la messe.

b) Caractère commémoratif du sacrifice chrétien. — Florus ne se contente point de. souligner fortement dans les termes de saint Fulgence, le caractère central du sacrifice de la croix et le caractère commémoratif du mystère de l’autel, 4, col. 20 ; 17, col. 30 j il cherche à déterminer comment se fait cette commémoraison de la croix à la messe. Elle ne consiste point comme le pense Amalaire en une représentation symbolique de la vie et de la passion du Christ ; elle ne se fait point en raison des paroles prononcées, mais en raison des mystères qui s’accomplissent sur l’autel : Illius ergo panis et calicis oblatio morlis Clirisli est commsmoratio et annuntialio quæ non tain verbis quam mysteriis ipsis agitur, per quæ noslris menlibus mors illa pretiosa allius et forlius commendatur. 63, col. 54. Ces mystères non seulement évoquent, représentent le sacrifice