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989 MESSE DANS L'ÉGLISE LATINE, LA EIN DE L’AGE PATRISTIQUE 990

brait-on un petit nombre dé messes. Le synode d’Auxerre. teniien 578. défendait encore dédire deux messes le même jour au même autel… Jusqu’au xii° siècle on recommandait ensemble à la messe toutes les intentions des assistants et des bienfaiteurs de l'Église. Voir concile de Lérida en Espagne tenu en (>i>0, canon 19. i Vacant, Histoire de la conception du sacrifice de la messe, p. 26.

Si la messe publique, présidée par l'évêque entouré de la communauté chrétienne, offerte pour les besoins spirituels et temporels de toute l'Égiisc, de la cité et particulièrement des offrants, restait en quelque sorte la règle idéale, rendue vivante et expressive par les prières même de la liturgie, il fallait cependant pour la pratique multiplier les messes, pour donner aux populations la facilité d’y assister ; il fallait aussi répondre aux besoins légitimes des fidèles qui voulaient qu’on célébrât des messes à leurs intentions. Plus le peuple connut et apprécia la valeur de la messe, plus il voulut s’en approprier personnellement les fruits De là, à côté des messes stationales, les messes privées. Nous les voyons apparaître à l’occasion de l’anniversaire d’un défunt dès le temps de Tertullien. Saint Augustin y fait allusion, et recommande cet usage. Enchiridion, ex. « La messe célébrée dans les cimetières sur la tombe d’un défunt à l’anniversaire de la mort est le type de la messe privée, par contraste avec la messe stationale. Des messes privées peuvent être célébrées ailleurs que dans les cimetières et à d’autres intentions que les défunts » P. Batilïol, Leçons sur la messe, p. 44.

C’est ainsi, nous l’avons vii, qu’un fidèle demande à Augustin de lui envoyer un prêtre pour offrir la messe à ses intentions particulières. Vers le milieu du ve siècle, l’auteur du De promissionibus et prædictionibus, parle d’une messe d’action de grâces pour la délivrance d’une possédée. IV, x, P. L., t. li, col. 842. Noir aussi l’allusion à une messe pro liberatione populi, dans Grégoire de Tours, De gloria marlyrum, xin, P. L., t. lxxi, col. 718. Ainsi était-on amené tout naturellement à une spécialisation des intentions, et plus tard à l'établissement des messes votives pour exprimer ces intentions particulières.

Il n’est pas difficile de déduire des prières de la messe dans les Constitutions apostoliques, où elles se trouvent réunies dans une même demande, toutes les différentes intentions qui s’exprimeront ensuite séparément dans des messes votives spéciales. D’après la liturgie des Constitutions, on prie pro pace, pro familia, pro episcopo, pro infirmis, pro dœmoniaco, pro serenilate aeris, pro frugibus, pro vivis, pro defunctis, pro picnilenlibus, pro rege. Voir Franz, Die Messe im deulschen Mittelalter, p. 166.

Cette création des messes votives pour exprimer les intentions particulières du peuple commence avant que ne soit réunie la collection du sacramentaire léonien, lequel en effet en contient déjà un certain nombre.

Le gélasien marque un riche développement du nombre de ces messes : il en contient soixante. Que ces messes soient à rattacher au fond primitif du gélasien ou datent des vie et vu » siècles, elles manifestent les besoins de la vie des cloîtres et de la piété populaire en face des calamités publiques ou des misères individuelles. La liturgie gallicane et le sacramentaire grégorien connaissent aussi ces messes. Sur les messes votives, voir Franz, op. cit., p. 114 à 154.

La spécification des intentions devait entraîner la multiplication des messes. Celle-ci dut se faire plus grande encore du fait de l’importance croissante accordée par la piété chrétienne aux fruits de la messe. Tout contribuait, au début du Moyen Age, à mettre en relief cette importance, et le développement de la foi

au purgatoire, et la croyance bien vivante au dogme de la communion des saints, et la doctrine ainsi que les récits de saint Grégoire.

C’est alors, du vi° au ixe siècle, que s’exercent les influences décisives qui amènent à généraliser l’usage qui s’est perpétué jusqu'à nous : celui d’offrir chaque messe pour une intention spéciale. Les fidèles, convaincus que chaque messe étant un sacrifice propitiatoire et impétratoire a une valeur déterminée aux yeux de Dieu, auront à cœur de faire oITrir autant de messes qu’ils ont d’intentions spéciales. Dans leur piété pour les âmes du purgatoire, ils aiment à faire offrir une série de messes pour leurs défunts. D’où la pratique de multiplier la célébration privée. D’autre part, la dévotion, le pieux désir d’accomplir aussi souvent que possible une action si sainte stimuleront aussi les prêtres à la célébration privée. L’acceptation enfin d’un honoraire pour cette célébration devait naturellement agir dans le même sens. On connaît des cas de célébration quotidienne dès le vie siècle. Dans les siècles suivants, la pratique se répandit largement. Voir Fortescue, op. cit., p. 245.

C’est ainsi que, sous la pression de la logique vivante de la piété populaire, guidée d’ailleurs par la doctrine des théologiens, s’accomplissait une évolution qui a produit des effets très importants pour la liturgie, le droit canonique et même l’architecture religieuse. « L’antique système de l’assistance de tout le clergé avec communion ou même concélébration fut remplacé depuis le haut Moyen Age par la messe séparée dite par chaque prêtre isolément. » Fortescue, op. cit., p. 244.

6° Conclusions : L’idée du sacrifice de la messe d’après les Pères latins du IV' au IXe siècle. — Les Pères dont nous venons d’analyser les textes eucharistiques, sauf saint Augustin, chacun pris à part, ne révèlent qu’un aspect de la doctrine sacrificielle : celui qu’ils exposent à l’occasion d’un commentaire, d’une homélie ; aucun ne songe à donner ex pro/esso un exposé synthétique de la doctrine complète de l'Église sur le sacrifice eucharistique. Cependant, leurs textes éclairés les uns par les autres, envisagés dans leur ensemble, représentent comme le grand courant de la tradition patristique latine sur le sacrifice de la messe. Ils vont prendre, du moins les principaux, un relief exceptionnel dans la théologie des trois siècles suivants. Théologiens et prédicateurs y trouveront l’expression concrète de la foi de l'Église et la norme pratique de leur enseignement. C’est dire qu’il y a tout intérêt à en essayer la synthèse après en avoir présenté l’analyse. De ce point de vue, on peut dégager les conclusions suivantes :

1. L’eucharistie contient un sacrifice. C’est une idée que l’on ne discute pas ; les Pères la reçoivent de la tradition.

2. Le sacrifice eucharistique est essentiellement un mémorial du sacrifice de la croix ; il inaugure, comme dit saint Jérôme, le culte de la passion ; il est, d’après tous les Pères, essentiellement relatif au sacrifice de la croix.

3. A ce titre de mémorial, il suppose dans le passé l’immolation rédemptrice qui est unique ; son rôle est de la représenter symboliquement, d’en continuer l’oblation, d’y faire participer les fidèles, d’en communiquer les effets, d’en perpétuer ainsi efficacement le souvenir.

a) La messe immolation purement mystique ou représentative de l’immolation réelle du Calvaire. - - Tous les Pères, aussi bien saint Augustin que saint Ambroisc, aussi bien saint Isidore de Séville que saint Grégoire le Grand, parlent d’une immolation à l’autel.

Mais quelle idée faut-il se faire de cette immolation ? Ils ne connaissent qu’une immolation réelle rédemp-