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    1. MESSE DANS L’ÉGLISE LATINE##


MESSE DANS L’ÉGLISE LATINE, SAINT BEDE

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enim eos viverc qui corpus ejus attingunt. De ceci. o)J., I, xviii, 8, t.Lxxxiii col. 750. Isidore regarde le sacrifice de la messe non seulement comme utile aux vivants dans la communion, mais comme utile aux fidèles défunts pour la rémission de certains de leurs péchés : il en appelle pour l’établir aux paroles du Maître. Mat th..xii, 32, à la coutume apostolique et à saint Augustin, De civitate Dei, XXI, xxiv, et De cura pro mortuis, c. i et xxviii.

Dans l’ensemble de sa doctrine, il s’inspire surtout du Docteur d’Hippone. Avec lui, il insiste sur le rôle de l’Esprit-Saint d’une part, de la prière mystique d’autre part, dans la consécration des éléments. Plus nettement que lui il met en relation l’idée de consécration avec l’idée foncière du sacrifice.

En résumé, d’après Isidore de Séville, la messe est un sacrifice en tant qu’elle est « la sanctification », la « consécration », « la sacrification » des éléments eucharistiques ofïerts sur l’autel, par la vertu du Saint-Esprit au moment de la prière mystique. Cette consécration a pour effet d’élever les éléments à la dignité de sacrement du corps du Christ, de donner aux fidèles la réalité et la vertu de ce corps, de remettre les péchés des fidèles qui sont en purgatoire. Elle est faite en mémoire de la passion. Cette définition est anthropocentrique, elle va à nous dire beaucoup plus ce qu’est pour nous le sacrifice dans ses effets, qu’à expliquer ce qu’il est par rapport à Dieu.

Bède le Vénérable († 735). —

Esprit encyclopédique comme Isidore de Séville, comme lui disciple de saint Augustin, il est avec lui l’une des voix écoutées qui font connaître aux théologiens de l’époque carolingienne d’abord, aux écrivains du Moyen Age ensuite, les vérités traditionnelles sur la messe. Dans ses Homélies et Commentaires, il tend surtout à montrer dans la messe la perpétuelle commémoraison qui rappelle symboliquement et efficacement la passion et la mort du Christ.

1. La messe commémoraison symbolique de la passion.

Le symbolisme des éléments consacrés est développé dans le sens augustinien et isidorien ; Bède insiste comme ses prédécesseurs sur la nécessité de mêler l’eau au vin pour que le tout symbolise l’offrande du corps mystique. In Luc., t. VI, P. L., t. xcii, col. 597 ; voir aussi De tabern., t. II, c. ii, t. xci, col. 428 ; Exp. in Lev., vii, t. xci, col. 343.

Geiselmann, Die Eucharistielehre der Vorscholastik, Paderborn, 1926, p. 48, cite une série de textes où Bède pousserait très loin ce symbolisme et présenterait les sacrements, et particulièrement l’eucharistie comme une « compensation » de la présence personnelle du Sauveur. « Pour Bède, écrit-il, les sacrements sont un remplacement (Ersatz) de la présence personnelle. Ils sont le manteau laissé sur terre par Élie. En montant au ciel le Maître a laissé à l’Église les sacrements, les signes de l’humanité qu’il avait prise (Homil., t. II, ix, P. L., t. xciv, col. 180). L’eucharistie, elle aussi, est un remplacement (Ersatz) de la présence personnelle. Le mystère eucharistique est aussi le tombeau vide du matin de Pâques. Les anges qui entourent le mystère du Corps du Christ sont les consolateurs de notre regret de ne pas trouver le corps du Seigneur (Homil., t. II, iv, ibid., col. 151, 152). » Nous expérimentons, d’ailleurs, positivement la présence de la divinité du Sauveur dans l’eucharistie. Si au lendemain de sa résurrection il n’est plus présent par son humanité qui est au ciel, il est présent divinitus, par sa divinité qui remplit le ciel et la terre, à tous ceux qui le désirent. Il nous sera ainsi présent particulièrement dans la fraction du pain, cum sacramentum ejus corporis, casta ac simplici conscientia sumimus. Homil., t. II, iii, t. xciv, col. 148. — Si les saintes femmes cherchaient avec tant d’ardeur le corps mort de Notre-Seigneur, combien plus convientil que nous, qui le savons ressuscité des morts, monté aux cieux, partout présent par la présence de sa divinité, qui potentia diuinæ majestatis ubique prwsenlem cognovimus, nous nous tenions avec révérence sous ses regards et célébrions ainsi ses mystères ! Ibid., ]. II, iv, col. 150.

Dans ces passages, Bède évidemment ne parle point de multilocation d’un même corps, mais d’ubiquité de la divinité du Sauveur ; il semble qu’il oppose ici l’habitation localisée du corps du Christ au ciel, à l’omniprésence de sa divinité sur la terre : il s’orienterait ainsi, du moins dans ces textes, vers « un spiritualisme excessif ». Geiselmann, op. cit., p. 49.

Mais il ne faut pas que ces textes, qui semblent faire abstraction de la présence de la victime du Calvaire à l’autel, fassent oublier d’autres textes très clairs, où Bède affirme qu’à l’autel nous offrons le corps et le précieux sang qui nous a rachetés, corpus sacrosanctum et preliosum Agni sanguinem quo a pecc(dis redempti sumus, denuo Deo in profectum nostræ salutis immolamus. Ibid., t. II, i, col. 139.

2. La messe comme mémorial efficace de la passion.

La messe est un sacrifice dont celui de Melchisédech était la figure, « que Jésus-Christ a offert le premier, et qu’il a confié à l’Eglise pour qu’elle l’offrît perpétuellement en rémission des péchés ». Hexæm., t. III, t. xci, col. 151.

Comme à la cène et au Calvaire, le Christ est offert sur l’autel in remissionem peccatorum. Sans doute, le baptême remet aussi les péchés, Homil., t. I, xiv, t. xciv, col. 75, mais l’efficacité spéciale du sacrifice de la messe pour effacer les péchés lui vient de ce qu’il contient, et de ce que l’on y reçoit le corps et le sang rédempteurs. Cum panis et vini creatura in sacramentum carnis et sanguinis ejus incfjabili Spiritus sanctifteatione trans/ertur, sicque corpus et sanguis illius non infidelium manibus ad perniciem ipsorum junditur et occiditur sed fidelium orc sumitur ad salutem. Ibid.

Pour conférer aux éléments sacrificiels cette efficacité, il faut une double action divine : celle de l’EspritSaint qui les sanctifie, relie du Christ présent surl’autel qui les consacre. Jésus… altaribus sacrosanctis inter immolandum, utpote proposita consecralurus adesse non dubitatur. In Luc, t. VI, t. xcii, col. 597 D. Rien d’étonnant qu’au terme de cette action, il y ait sur l’autel comme aliment offert aux fidèles la chair de la victime jadis immolée au Calvaire, convivium, caro et sanguis. In Gen., iv, xxxi, t. xci, col. 217 D et 259 B ; In Samuel, t. I, c. ii, t. xci, col. 506 C ; Homil., t. II, xxiii, t. xciv, col. 261. Cette participation au corps et au sang du Christ est d’une si haute valeur que, sans elle, il n’y a pas de vie éternelle. Hexæm., t. III, t. xci, col. 151 C.

Il n’y a donc point de doute, Bède est un témoin de la doctrine du réalisme sacrificiel de la commémoraison eucharistique. On peut souligner chez lui le souci augustinien de distinguer entre le sacramentum et la virtus sacramenti, d’établir un étroit parallèle entre le baptême et l’eucharistie, de concevoir le contenu du sacrement de l’eucharistie comme une vertu ; le fait aussi de parler avec insistance de l’absence du corps du Christ ici-bas d’une part, et de l’omniprésence active de sa divinité surtout dans la fraction du pain d’autre part ; tout cela dénote sans doute une tendance à voir surtout dans l’eucharistie Paspecl spiritualiste et dynamique.

Mais ne voir que cet aspect serait méconnaître ce réalisme traditionnel qu’il reçoit de ses prédécesseurs, et particulièrement de la liturgie : il utilise en même temps qu’Augustin, Ambroise, Grégoire, Isidore de Séville et d’autres ; dans son milieu il trouve la liturgie