Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/499

Cette page n’a pas encore été corrigée

os :  ;

MESSE DANS L'ÉGLISE LATINE, SAINT ISIDORE

984

l’usage des messes basses ou privées qui font leur apparition vers son époque. » fixeront, Histoire des dogmes, 3° édit., t. iii, p. 386.

3. La misse apostolique.

Nous n’avons pas à nous occuper ici de l’activité liturgique du grand pape ; mais il faut souligner du point de vue théologique ce qu’il dit dans sa lettre à Jean de Syracuse sur la place du Pater à la messe, aux origines et à son époque. Epist., IX, 12, t. lxxvii, col. 957. « Nous disons la prière du Seigneur immédiatement après le canon, inox post precem, parce que c'était la pratique des apôtres de consacrer l’offrande du sacrifice, oblalionis hostiam, par cette seule prière, ad ipsam solummodo orationem ; aussi il me paraissait bien regrettable que nous dussions, dire la prière, preeem, que quelque savant a composée sur l’oblation sans avoir à dire la prière transmise par notre Rédempteur, sur son corps et son sang, et ipsam tradilionem quant Redemptor noster composuit super ejus corpus et sanguinem non diceremus. »

Il nous paraît clair que saint Grégoire oppose ici la propre prière du Seigneur, le Pater, à la prière, le canon, composée par un savant, scholasticus. On peut en conclure qu’aux yeux de Grégoire cette prière — le canon — composée par un scholasticus n’a pu être employée par les apôtres, puisqu’elle n’existait pas alors. Saint Grégoire n’a point ici la pensée que le texte du canon est d’origine apostolique.

Il semble clair aussi qu'à Rome au temps de saint Grégoire on ne disait pas le Pater sur l’hostie consacrée, quoiqu’au temps de saint Augustin on le disait déjà en Afrique. C’est le pape Grégoire qui a inauguré à Rome l’usage de le dire aussitôt après le canon. Pour quelle raison a-t-il fait ce changement ? Il semble nous le dire en déclarant que les apôtres consacraient en récitant seulement l’oraison dominicale, qu’il oppose nettement à la prière liturgique courante. Amalaire, sur la foi de cette lettre, n’hésitera pas à admettre le pouvoir consécrateur du Pater. Liber officialis, IV, xxvi, Ribl. nat., cod. lat. 9421, d’après M. Andrieu, Immixtio et consecratio, p. 34 et 35. On se souviendra encore longtemps de cette prétendue consécration apostolique par la seule récitation du Pater chez les liturgistes postérieurs : ainsi Honorius d’Autun, Gemma animas, III, xevi, P. L., t. clxxii, col. 667 et 668 ; un missel du xii° siècle de Colmar cité dans Andrieu, p. 34 et 35, n. 4 ; ainsi encore Bernon de Reichenau, P. L., t. clxii, col. 1055 à 1057. On pourrait aisément multiplier ces exemples, qui se retrouveraient jusqu’au xve siècle.

Aussi de nombreux savants, Bona, De la liturgie, trad. Lobry, Paris, Vives, 1874, 1. 1, p. 147-149, L. Duchesne, Origines du culte chrétien, 4e édit., p. 187, n. 2, Vacant, Histoire de la conception du sacrifice de la messe, p. 25, Fortescue, La messe, p. 478, J. Brinktrine, Der MessopferbegrifJ, admettent-ils l’interprétation proposée par les liturgistes anciens et voient dans cette assertion de saint Grégoire une méprise du grand pape. Probst cependant est d’un avis différent ; il voit dans ipsa oratio une allusion au canon ; parce que, dit-il, lorsque saint Grégoire veut parler du Pater il ajoute toujours l'épithète dominicale. Voir Fortescue p. 478. Mgr Batiffol adopte cette manière de voir. L’eucharistie, 7° éd., p. 353 ; de même Casel, dans Jahrbuch fur Lilurgiemvissenschaft, Murster-en-W., 1924, p. 176.

Quoi qu’il en soit de cette opinion sur la messe apostolique, il reste que le grand pape est à l’aurore du Moyen Age le théologien de l’efficacité du sacrifice eucharistique : il est l’initiateur du mouvement qui va pousser le clergé et les fidèles à envisager spéeulativement la messe surtout dans ses effets, et à chercher pratiquement à mieux s’en approprier les fruits.

2° Saint Isidore de Sêuille († 636). — A côté de saint Grégoire, l'évêque de Séville est un des maîtres les plus écoulés du haut Moyen Age sur la théologie de la messe.

On doit chercher chez lui moins un système personnel d’idées bien liées sur l’eucharistie sacrifice qu’un écho autorisé des témoignages des Pères, et particulièrement de saint Augustin touchant cette question. Il procède à ce sujet, selon sa méthode habituelle, par voie d’analyse d'étymologies ou de définitions. C’est ainsi qu’on trouvera sa pensée sur la messe dans une explication des notions connexes de sacrifice, d’oblation, de sacrement. Isidore connaît encore le mot missa dans le sens de renvoi : Missa, tempore sacriflcii, est quando cedechumeni feras mittuntur. Etym., l, xix, 4, P. L., t. lxxxii, col. 252. La messe est pour lui le vrai sacrifice des chrétiens. Jubilamus in illo scilicet vero sacrificio, cujus sanguine salvatus est mundus. De eccl. ofj., i, xiv, t. lxxxiii, col. 752.

Ce sacrifice institué par Jésus-Christ à la cène consiste pour nous à faire ce que le Maître a fait. Ibid., i, xviii, col. 754. L’eucharistie est un sacrifice parce qu’elle comporte une sanctification, une sacrification, une consécration des éléments offerts. Le sacrifice, en effet, fait passer une chose de l'état profane à l'état sacré.

Le sacrifice est ainsi appelé, en tant que chose faite sacrée (quasi sacrum factum) parce que, par le moyen d’une prière mystique, il est consacré en mémoire de la passion du Seigneur pour nous. Nous appelons donc sur son ordre corps et sang du Christ ce qui, étant pris des fruits de la terre, se trouve sanctifié et devient sacrement par l’opération invisible de l’Esprit de Dieu. Ce sacrement du pain et du calice, les Grecs l’appellent eucharistie, ce qui signifie en latin bonne grâce. Et qu’y a-t-il de meilleur que le corps et le sang du Christ ? Etym., VI, xix, 38, t. lxxxii, col. 255.

Ainsi la messe comme sacrifice supposera d’abord une oblation du pain et du vin que l’on apporte sur l’autel en vue de les sacrifier c’est-à-dire de les rendre sacrés : Fertum enim dicitur oblatio quæ altari ofjertur et sacrificatur a pontifteibus, a quo ofjertorium nominatur. Ibid., 24, col. 254.

Ce n’est point ici une oblation quelconque, mais une oblation sacrificielle. On peut offrir en effet des dons d’argent ou proprement un sacrifice. Il s’agit ici d’un sacrifice, sacrificium autem est viclima, et quæcumque cremantur in ara, seu ponuntur. A la messe, il s’agit d’une consécration du pain et du vin qui peut être dite immolation : Immolatio ab antiquis dicta eo quod in mole altaris posita victima cœderetur, unde et maclalio post immolationem est. Nunc autem immolatio pani et calici convenit, libatio autem tantummodo calicis oblatio est. Ibid, 31.

Comment se fait cette consécration ? Par la vertu de l’Esprit-Saint qui opère, durant la sexta oratio, entre le Sanctus et le Pater, la « conformation » de l’oblation au corps et au sang du Christ. De eccl. ofjic, I, xv, t. lxxxiii, col. 752-753. Saint Isidore n'écarte point par là l’utilité et la nécessité des paroles de l’institution. De substantia sacramenti sunt verba a sacerdote in sacro prolata mgsterio scilicet : Hoc est corpus meum. Epist., vii, ad Redemptum, t. lxxxiii, col. 905. Au terme de la consécration des éléments, il y a le sacrement du corps du Christ : Sanctipcata tamen per Spiritum Sanctum in sacramentum divini corporis transeunt. De eccl. offic, I, lviii, t. lxxxiii, 4, col. 755 ; cf. Etym., VI, xix, 38, t. Lxxxii, col. 255. Dans la communion, les fidèles recevront la réalité invisible, la virlus divina qui se cache sous les apparences visibles du pain et du vin : Cette réalité, qu’Isidore nomme « conformation du sacrement avec le corps du Christ », c’est le corps du Christ, manifestum est