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MISSE DANS L'ÉGLISE LATINE, SAINT GRÉGOIRE

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passtoais, bibant tamen calicem dominicæ caritalis. Contra Fabinn.. fragin. xxviii, col. 789-790.

III. De saint Grégoire a l'époque de Charlemagne. — Parmi les écrivains ecclésiastiques dont le témoignage sur le sacrifice de la messe mérite d'être relevé à cette époque soit pour sa valeur propre, soit pour l’autorité qu’il a exercée sur les âges suivants, il faut citer tout d’abord saint Grégoire le Grand, puis saint Isidore de Séville, le vénérable Bède et le pseudoGermain. On ne peut méconnaître non plus l’inlluence de la piété populaire sur le mouvement théologique à cette époque.

1° Saint Grégoire le Grand († 604). — Moraliste plus que théologien spéculatif, plus soucieux de transmettre au peuple chrétien dans ses Homélies et Dialogues les vérités substantielles qu’il a recueillies ; > l'école d’un Augustin ou d’un Ambroise, que de pousser encore l’analyse de ces doctrines, Grégoire excelle à les envisager sous leur aspect pratique. C’est ainsi qu’admirablement adapté au caractère du peuple et du clergé de l'époque, il fait ressortir avant tout devant eux l’efficacité de la messe pour obtenir les grâces les plus diverses, et en particulier la délivrance des âmes du purgatoire. Par les enseignements, les récits ou légendes de ses Dialogues et de ses Lettres, il ouvre une nouvelle voie qui sera fréquentée par tout le Moyen Age. Enseignements et Técits, si souvent cités, contribueront beaucoup à faire l'éducation eucharistique des générations suivantes. Sur leur influence, voir Ad. Franz, Die Messe im deutschen Mittelalter, p. 1-10, et Lepin, op. cit., p. 40. 41.

1. Signification du mot « messe ». — Le mot de messe, que nous avons vu employé par Avit au sens de congé et de renvoi, reçoit au temps de saint Grégoire et même avant ce pape l’acception que nous lui connaissons aujourd’hui. C’est alors qu’il commence à devenir l’expression technique du sacrifice eucharistique. Grégoire l’emploie sous sa forme plurielle : missarum solemnia. Voir P. Batiffol, Leçons sur la messe, p. 107. La forme plurielle missæ, missarum solemnia, se maintint au Moyen Age. pense Fortescue, peut-être comme un souvenir des deux anciennes missæ, celle des catéchumènes et celle des fidèles. La messe, p. 527.

Plus éclairantes sur le caractère sacrificiel de l’eucharistie sont les expressions suivantes que l’on retrouve souvent sous la plume de Grégoire : immolatio sacrée oblationis, hosiiam salutarem immolare, offerre sacrificium victimæ salutaris, hostiam sacrse oblationis immolare, oblatio sacramenti, offerre sacra mysteria. Voir Dialogues, passim. surtout IV, lv, lvii, lviii, lix, P. L., t. lxxvii, col. 416 sq.

2. Xalure et efficacité de la messe.

On trouve à la fin des Dialogues un passage classique qui dit clairement la nature et l’efficacité du sacrifice eucharistique : « Il nous faut donc à fond mépriser le siècle présent, et offrir à Dieu chaque jour un sacrifice de larmes, chaque jour l’hostie de sa chair et de son sang. Car voilà la victime unique qui sauve l'âme de la mort éternelle, qui renouvelle mystérieusement la mort de ce Fils unique, qui, bien que ne pouvant plus subir la mort depuis sa résurrection, et quoique vivant d’une vie immortelle et incorruptible, est cependant immolé de nouveau pour nous dans ce mystère de l’oblation sacrée. C’est bien en effet son corps que l’on y reçoit, sa chair qui est partagée pour le salut du peuple, son sang qui est répandu, non plus par les mains des infidèles, mais dans la bouche des croyants. Songeons donc à ce qu’est pour nous ce sacrifice qui pour notre pardon reproduit sans cesse en l’imitant la passion du Fils unique. Car, qui donc parmi les fidèles pourrait en douter'? A l’heure de l’immolation, les cieux s’ouvrent à la voix du prêtre, les chœurs des anges sont présents à ce mystère de Jésus-Christ.

Le ciel et la terre sont associés ; c’est l’union entre ici-bas et lù-haut, l’unité entre le monde visible et l’invisible. Mais il est nécessaire qu’en accomplissant ces choses nous nous immolions nous-mêmes dans la contrition du cœur : car nous qui célébrons les mystères de la passion du Seigneur, nous avons le devoir d’imiter ce que nous accomplissons. Alors vraiment l’hostie sera offerte à Dieu pour nous, lorsque nous nous serons faits nous-mêmes l’hostie » Dial., t. IV, c. lviii, lix, P. L., t. lxxvii, col. 425, traduction Lepin, op. cit., p. 40 et 81. Même idée sur l’efficacité toute spéciale du sacrifice de l’autel. Homil. in Ev., t. II, xxxvii, 7, t. lxxvi, col. 1278 D : Mactemus in ara ejus hostias placationis… Singulariter namque ad absolutionem nostram oblata cum lacrymis… hostia suffragatur, quia is qui in se resurgens a morluis, jam non moritur, adhuc per hanc in suo mysterio pro nobis iterum patitur. Nam quoties ci hostiam suæ passionis offerimus, toties ad absolutionem nostram passionem illius reparamus.

Ces deux textes vont à montrer l’efficacité du sacrifice de la messe pour les vivants. C’est en partant du principe qu’il vaut mieux se libérer à l'égard de la justice divine soi-même de son vivant que d’attendre d’autres sa libération après sa mort, que saint Grégoire est amené à dire comment le sacrifice de l’autel peut servir à cette libération.

La raison de son efficacité se tire de sa nature qui comporte une double immolation sacrificielle : celle de la victime du Calvaire, et celle des fidèles qui doivent imiter la passion. Ce n’e§t point à dire que la messe renouvelle effectivement l’immolation sanglante du Calvaire, le Christ ne meurt plus, il ne subit aucune modification réelle, il est incorruptible, mais elle imite, elle reproduit par mystère, c’est-à-dire par manière de symbole expressif, la passion du Seigneur, elle comporte sur l’autel au moment de l’immolation quotidienne la présence de la victime jadis immolée en vue d’unir le ciel à la terre.

Le caractère représentatif de l’immolation eucharistique consiste en ce fait que le corps du Christ est pris et partagé pour le salut du peuple, que son sang est répandu dans la bouche des fidèles : « C’est donc à la communion que le saint docteur voit réalisé le rappel sensible de la passion. » Lepin, op. cit., p. 87. Saint Grégoire aime à illustrer cette doctrine de l’utilité du sacrifice pour les vivants par des exemples : entre autres celui de cette femme qui faisait offrir le sacrifice pour son mari captif et obtenait que les liens du prisonnier tombassent tous les jours à cette heure. Dial., IV, lvii, t. lxxvii, col. 424.

A la suite de saint Augustin, le grand pape montre aussi l’efficacité de la messe, pour les défunts. Il le fait avec d’autant plus d’insistance que s'épanouit alors davantage dans la conscience chrétienne, la croyance à la communion des saints et au dogme du purgatoire. « Le dogme du purgatoire, en se dégageant complètement à l'époque que nous étudions, entraîne comme conséquence une estime de plus en plus grande de la messe comme sacrifice expiatoire et propitiatoire, et comme moyen de soulager les défunts. Saint Grégoire a sur ce point donné, surtout par ses Dialogues, une impulsion décisive. A l’interrogation de Pierre : Quidnam ergo esse polerit quod mortuorum valeat animabus prodesse ? le pape répond :.S7 culpse posl morlem insolubiles non sint, mullum solet animas eliam post mortem sacra oblatio hostile salutaris adjuvare, ita ut hanc nonnunquam ipsse defunctorum animie expeterc oideantur, et il raconte immédiatement à l’appui (le son assertion deux traits dont le second est l’origine de la dévotion du trentain grégorien. Dial., IV, lv. Cette indication de saint Grégoire a été suivie et elle a dû contribuer pour sa part à introduire