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MESSE DANS L'ÉGLISE LATINE, LA FIN DU Ve SIÈCLE

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Sur la fortune de ce texte chez les théologiens postérieurs, voir Lepin, op. cit., p. 43 et 44.

En Afrique.

Saint Fulgence de Ruspe.  —

Tandis que les auteurs précédents, à la suite de saint Ambroise, s’en tiennent au réalisme liturgique et insistent sur la présence à l’autel de la victime du Calvaire, l'évêque de Ruspe, aussi fidèle disciple de saint Augustin dans sa doctrine eucharistique que dans son enseignement sur la grâce, va encore accentuer le point de vue de son maître et envisager tout particulièrement la messe comme l’oblation du corps mystique du Christ.

A travers ses écrits, le sacrifice eucharistique nous apparaît par rapport à la croix comme une commémoraison et une action de grâces, par rapport ajix fidèles comme l’acte de l’Esprit-Saint qui les incorpore au Christ.

a) La messe comfhémoraison et action de grâces de l’immolation passée. — Le sacrifice de l'Église est essentiellement commémoratif et figuratif d’une immolation passée ; c’est pourquoi il est d’abord une action de grâce pour l’immolation rédemptrice. Ideo in ipso sacrifieio corporis Christi a gratiarum actione incipimus ut Christum non dandum, sed datum in veritate monstremus, et in eo quod gratias agimus Deo in oblatione corporis et sanguinis Christi, cognoscamus non adhuc occidendum Christum pro noslris iniquilatibus, sed occisum nec redimendos nos illo sanguine, sed redemptos. Epist., xiv, 44, P. L., t. lxv, col. 432 C.

Même idée dans le De ftde, I. I, 60, col. 699 : In Mis enim carnalibus victimis, significatio carnis fuit quam… ipse fuerat oblaturus, in isto autem sacrifieio, gratiarum actio et commemoratio carnis Christi quam pro nobis obtulit.

b) L’activité de l’Esprit-Saint dans le sacrifice eucharistique en vue de l’incorporation des fidèles au Christ. — Saint Augutin avait déjà faits allusion à l’intervention de l’Esprit-Saint dans le sacrifice. Cidessus, col. 974. Son disciple fut amené à préciser le sens, la nature, les conséquences de cette intervention.

Fulgence se pose ex professa la question de savoir pourquoi l’on demande à la messe l’envoi de l’EspritSaint. Car scilicel si omni Tiinitati sacrificium offertur, ad sanctificandum oblationis nostræ munus, Sancti Spirilus tantummissio postuletur ; quasi vero ipse Pater Deus sacrificum sibi oblalum sanctificare non possit ; aut ipse Filius sanctificare nequeal sacrificium corporis sui quod offerimus nos… aut ila Spiritus Sanctus ad ronsecrandum Ecclesiw sacrificium miltendus sit, tanquam Pater aut Filius sacrificantibus desil ? Ad Monimum, II, vi, P. L., t. i.xv, col. 184.

On demande cet envoi, répond-il, pour que l’Esprit vienne mettre dans le cœur des fidèles les dons d’unité et de charité ; ainsi contribuera-t-il à édifier le corps mystique du Christ, comme il a fait naître son corps historique du sein de la vierge Marie. Ipsa ergo gratia spirilalis per unilatem pacis et caritatem corpus Christi per dies singulos œdificare non desinit, quæ in utero Virginis donum sapientiæ quod est capul hujus corporis fabricavit. Ibid., Ti, col. 189. Ainsi nous donnera-t-il d'être les membres véritables de ce corps mystique dont nous possédons l’expression sensible sur l’autel. Dono autem carilatis hoc nobis confertur ut hoc in veritate simus quod in sacrifieio mijstice celebramus. Ibid.

Bref, l’activité sacrificielle de l’Esprit-Saint à la messe est ordonnée à l'édification progressive de ce corps mystique du Christ. C’est le développement d’un des aspects de la doctrine augustinienne. Saint Fulgence, à la différence des Grecs, se tait sur l’activité de l’Esprit touchant la conversion des éléments eucharistiques. L’idée de conversion substantielle est en dehors de sa perspective, comme elle avait été en dehors de celle de saint Augustin.

Cette doctrine de l’incorporation des fidèles au corps mystique du Christ par l’Esprit entraîne pour Fulgence des conséquences touchant la portée des sacrifices qui se font en dehors de l'Église, et touchant la nécessité de l’eucharistie pour le salut. Ceux qui sont séparés du corps mystique ne peuvent avoir l’Esprit qui réside dans l'Église : leurs sacrifices sont donc privés de l’action sanctificatrice de cet Esprit divin et ne peuvent être acceptés de Dieu. Solius enim Ecclesiie Deus delettatur sacrificiis quie sacrificia Deo facit imitas spirilalis. Ad Monim., II, xi, col. 191. Pour devenir eux-mêmes un sacrifice agréable à Dieu et l’offrir, les hérétiques et schismatiques doivent revenir à l’unité catholique. II, xii col. 192.

Saint Fulgence semble bien étranger ici à l’idée qu’un schismatique, en prononçant les paroles sacramentelles, puisse consacrer validement le corps du Christ. Il se tait tout au moins sur cette question précise. Ce qui l’intéresse avant tout, c’est l’incorporation mystique au Christ qui lui apparaît impossible en dehors de l’unité catholique.

En tout ceci, n’est-il point dans la tradition de l'Église africaine, d’un saint Cyprien en particulier pour qui il n’y avait point de baptême valide en dehors de l'Église catholique ? Il faudra les analyses de la théologie classique au xi c et au xiie siècle, touchant les distinctions à faire entre validité et efficacité du sacrifice, entre corps historique et corps mystique du Christ, pour faire la lumière complète sur la question de la valeur des sacrifices en dehors de l'Église. Voir M. de la Taille, Mijsterium fidei, c. vi, p. 395-430.

Une autre conséquence de la doctrine de Fulgence sur l’incorporation mystique par l’Esprit, c’est la façon dont il comprend la nécessité de l’eucharistie. — L’Esprit-Saint a déjà commencé son œuvre d’incorporation du fidèle au Christ par le baptême ; aussi point n’est absolument besoin du sacrifice eucharistique pour obtenir le salut d’une âme déjà unie au Christ par ce sacrement. Le baptême en effet nous fait déjà membres du Christ, non seulement participant, mais hosties de son sacrifice. Notre incorporation est commencée de ce fait. Le baptisé par la régénération devient ce qu’il vient chercher à l’autel : fit quod est de sacrifieio sumpturus altaris. Epist., xii, 24-26, col. 390-392. Nous avons ici un écho de la doctrine augustinienne dans les sermons Ad infantes. L'évêque de Ruspe, de fait, cite ici tout un de ces sermons, col. 391 et 392.

Ainsi, dans le pratique, le fidèle mourant avec le seul baptême ne se trouve point privé de la participation du sacrement eucharistique, quand il se trouve être lui-même déjà par le baptême ce que se sacrement signifie, un membre du corps du Christ. Quando ipse hoc quod illudsæramentumsignificatinvenitur, col. 392.

L’insistance de saint Fulgence à mettre en relief l’idée de l’oblation du corps mystique, et à voir dans l’incorporation au Christ le but principal de l’eucharistie, l’amène à laisser dans l’ombre l’aspect réaliste de la pensée augustinienne touchant l’oblation du corps du Christ jadis immolé. Il ne méconnaît pas pour autant cet aspect ; il sait affirmer à l’occasion la portée salutaire du sacrifice de l’autel : Sacramentum corporis sui et sanguinis dédit quod ad salulem fidelium oportebal inslilui. Epist., xiv, 43, col. 431. Il distingue dans l’eucharistie comme deux réalités dont l’une normalement produit l’autre : la participation objective au corps et au sang du Christ, et la commémoraison subjective de la passien. Nam et ipsa participatio corporis et sanguinis Domini, cum ejus panem manducamus et calicem bibimus, hoc utique nobis insinuât ut moriamur mundo et vitam nostram habcamus cum Christo in Deo… Sic fit ut omnes fidèles qui Deum et proximum diligunt, etiamsi non bibant calicem corporeie