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MESSE DANS L’ÉGLISE LATINE, SAINT AUGUSTIN


pour les médiocrement mauvais ; ils n’accordent aucun secours aux très mauvais, et sont seulement des consolations pour les vivants. Quant à ceux pour lesquels ils sont utiles, ou ils leur obtiennent une pleine rémission, ou ils font que la condamnation leur soit plus tolérable. » Ibid.

Ainsi le veut la tradition des Pères observée par l’Église universelle : on prie pour ceux qui sont morts dans la communion du corps du Christ, lorsqu’on fait leur mémoire en son lieu au cours de ce même sacrifice, et qu’il est mentionné qu’il est également offert pour eux. Serm., CLXxii.

/) Le sacrifice eucharistique : Sa place dans la oie cultuelle et morale de l’Église. — La valeur de l’aliment sacrificiel eucharistique marque la place de celui-ci dans l’ensemble de la vie de l’Église.

L’autel et la table sainte sont au centre de la vie religieuse et morale de la communauté chrétienne. L’autel est la mensa magna où nous recevons le corps du Christ, Serm., xxxi, 2, t. xxxviii, col. 193, la mensa potentis. In Joan., tr. xiii, 2, t.’xxxv, col. 1733. C’est le crime des donatistes d’avoir élevé autel contre autel. Contra epist Parm., II, v, 10, t. xliii, col. 56. — L’autel est entouré de mystère ; seuls les fidèles connaissent ce mystère ; les catéchumènes l’ignorent. De la signification du mystère de l’autel et de la table sainte, saint Augustin est amené à parler souvent ; il y consacre des homélies spéciales. Serm., ccxxvii, ccxxix, cclxxii. Il insiste sur ce fait que toute la vie morale des catéchumènes et des croyants doit être dominée par la préoccupation de ce mystère. De fide et oper., vi, 9, t. xl, col. 202 ; Epist., cuir, 3, 6, t. xxxiii, col. 655 ; Serm., lvi, 6, 10, t. xxxviii, col. 381.

Conclusion. — La doctrine de saint Augustin sur le sacrifice eucharistique est une pièce maîtresse dans sa conception d’ensemble sur la religion et le salut.

La religion étant l’ensemble des liens qui unissent l’homme à Dieu, le sacrifice est pour le grand évêque l’acte religieux par excellence qui nous fait entrer dès ici bas dans la communion divine, en attendant la communion céleste dans la vision béatifiante.

Le seul vrai sacrifice absolu qui est au centre de l’histoire religieuse de l’humanité, c’est le sacrifice de Jésus au Calvaire in forma servi. C’est par la participation à cet unique sacrifice que le fidè’.e obtient le salut.

De ce sacrifice une seule fois accompli par une immolation réelle, les chrétiens célèbrent la mémoire par l’oblation réelle de la victime jadis immolée, et par la participation à cette victime. Le sacrifice de l’autel est essentiellement relatif au sacrifice de la croix, en tant qu’il le représente réellement et nous en applique le fruit. A l’autel et sur la croix c’est le même prêtre et la même victime, sur la croix s’offrant elle-même dans une immolation sanglante, à l’autel s’offrant avec son corps mystique d’une façon non sanglante sous les traits figuratifs de l’immolation passée par l’Église.

Tel est le sacrifice des temps nouveaux, annoncé par le sacrifice de Melchisédech et par la prophétie de Malachie, institué par le Christ la veille de sa mort, célébré tous les jours pour nous communiquer la vie, le prix de la rédemption, le gage de la vie éternelle. Bref, il atteint excellement le but du sacrifice : il nous fait entrer dans une communauté de vie plus intime avec Dieu, il fait l’unité entre les fidèles et leur chef, l’unité des fidèles vivants entre eux, l’unité de l’Église d’ici-bas avec l’Église du ciel et du purgatoire. Ainsi cst-il le centre de la vie de l’Église.

Par cette doctrine, saint Augustin n’innove point ; il met en une lumière plus vive le point de vue où s’étaient déjà placés les Pères plus anciens : saint Ignace, saint Irénée, saint Cyprien.

Grâce aux formules heureuses qu’il a trouvées pour exprimer les idées traditionnelles et commenter les paroles de saint Paul sur l’unité du corps mystique réalisée par la communion à un tel pain, I Cor., x, 17 et Rom., xii, 5, se gardera dans la théologie postérieur le sens d’un des aspects et des effets les plus profonds du mystère eucharistique : l’unification du corps mystique avec son Chef.

Telle est cependant l’insistance de saint Augustin à mettre en relief cet aspect en face du schisme donatien, que certains de ses commentateurs, oublieux de la complexité de sa pensée, laisseront tomber ses affirmations réalistes sur l’oblation du vrai corps du Christ, pour ne se souvenir que de celles qui concernent le corps mystique. A raison même de sa complexité, la doctrine augustinienne offre des possibilités de développement dans des directions diverses. C’est ainsi que Paschase Radbert pourra intégrer à sa conception très réaliste de l’eucharistie des idées bien authentiquement augustiniennes, tandis que Scot Érigènc, Ratramne et Bérenger, utilisant exclusivement d’autres affirmations du saint Docteur sur le symbolisme eucharistique et l’Église corps mvstique, les feront servir à une conception ultra-spiritualiste qui méconnaît tout un aspect de sa pensée.

IL De saint Augustin a saint Grégoire. — Durant cett période, la doctrine du sacrifice de la messe n’est point au premier plan des préoccupations des Pères.

C’est plutôt dans les liturgies, dans les plus anciens éléments des sacramentaires léonien et gélasien qu’il faut aller chercher un témoignage très précis de la foi vivante de l’Église au sacrifice de l’autel. Les évêques et les Pères continuent sans doute à commenter dans leurs homélies cette liturgie pour les barbares venus du paganisme ou de l’arianisme. Mais leur pensée spéculative est tournée davantage vers la méditation des problèmes de la prédestination et de la grâce. C’est l’époque où l’on discute les doctrines augustiniennes dans le sud de la Gaule, chez les Massilienses. Si l’on expose les doctrines eucharistiques, c’est en reprenant les idées de saint Augustin et de saint Ambroise, et en reproduisant parfois leurs expressions.

En somme, la doctrine du sacrifice de la messe progresse peu ; deux écrivains cependant se distinguent par la précision qu’ils apportent dans l’exposé de cette doctrine : saint Fu’.gence qui traite du sacrifice de la messe dans un sens nettement augustinien, en insistant sur le but de ce sacrifice, l’incorporation au Christ, le pseudo-Eusèbe d’Émèse (Fauste de Riez) qui marche plutôt sur les traces de saint Ambroise, en insistant surtout sur le miracle de la conversion durant la messe.

A Rome.

Saint Léon († 461) « s’attache au

langage évangélique et au langage liturgique, interprétés littéralement ». P. Batilîol, L’eucharistie, p. 313.

A une époque sans controverse eucharistique, il ne parle de l’eucharistie que par allusion, comme d’une vérité admise de tous, pour en tirer un argument dans les controverses christologiques. Mgr Batifîol a relevé les passages des sermons et des épîtres où saint Léon fait plus spécialement allusion au sacrifice de la messe et à la communion. Voir art. Léon I er (Saint), col. 288 et 290.

On en peut tirer les conclusions suivantes : 1. C’est à la cène que le Sauveur a institué le sacrifice eucharistique en enseignant à ses apôtres qualis Deo hostia deberet offerri, en leur donnant les sacrements de la passion et de sa mort. Serm., lviii, 3 et 4, P. L., t. liv, col. 333-335. — 2. Il n’y a qu’une seule oblation, un seul sacrifice qui conduit à leur perfection tous les anciens sacrifices, et qui amène jusqu’aux croyants la