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MESSE DANS L'ÉGLISE LATINE, SAINT AUGUSTIN


corps du Christ tout entier tête et membres. Les éléments eucharistiques signifient tout d’abord l’offrande et le sacrifice du Calvaire : « Par ces objets le Seigneur a voulu nous rappeler, commendarè, son corps et son sang répandu pour nous, pour la rémission de nos péchés. » Serm., ccxxvii, t. xxxviii, col. 1099. « Sous la forme d’esclave, le Christ a mieux aimé être sacrifice que de recevoir le sacrifice : il est le prêtre puisqu’il offre, il est aussi l’oblation : Per hoc et sacerdos est ipse ofjerens, ipse et oblatio, Et il a voulu que le sacrifice quotidien de l'Église fût le signe de cette réalité. » De civ., X, xx, t. xli, col. 298.

Les éléments eucharistiques sont aussi l’expression sensible, la traduction visible de l’offrande de l'Église : « Nous sommes tous un seul corps dans le Christ : voilà le sacrifice des chrétiens. C’est ce que l'Église célèbre dans le sacrement de l’autel où il lui est enseigné qu’elle est elle-même offerte dans la chose qu’elle offre. » De civ., X, vi, t. xli, col. 284.

Le symbolisme expressif des offrandes eucharistiques est surtout expliqué par Augustin dans ses sermons Ad infantes, cclxxii, ccxxvii, ccxxix. C’est à la lumière de ce symbolisme de l’eucharistie, figure du corps mystique du Christ, que l’on comprend les expressions suivantes : « C’est votre mystère que vous recevez ; c’est ce que vous êtes que vous ratifiez en répondant : amen. » Serm., cclxxii, t. xxxviii, col. 1247 ; ccxxix, col. 1103.

(3) La réalité invisible. — Sous ce symbolisme complexe se cache la double offrande réelle du corps du Christ et de ses membres.

L’oblation de la victime jadis immolée. — A l’autel en effet comme sur la croix, Jésus-Christ est prêtre et victime. C’est là qu’il se révèle prêtre selon l’ordre de Melchisédech « Le livre de l’Ecclésiaste dit que le seul bien de l’homme est de manger et de boire. De quoi vraisemblablement parle-t-il, sinon de ce qui concerne la participation à cette table que le prêtre médiateur du Nouveau Testament nous présente, selon l’ordre de Melchisédech avec son corps et son sang. A la place de tous ces sacrifices anciens, son corps est offert et il est distribué aux participants. » De civ., XVII, xx, 2, t. xli, col. 555, 556.

Que le corps offert sur l’autel et distribué aux fidèles soit bien le corps jadis immolé, et non seulement le corps mystique, ceci ressort du contexte et d’autres passages.

C’est le corps que le Verbe s’est bâti dans le sein de la vierge Marie. Ibid. C’est le veau gras, jadis immolé par les Juifs, maintenant offert et consommé dans la célébration de l’eucharistie. Qwest, ev., II, xxxiii, t. xxxv, col. 1346. C’est l’aliment sacrificiel qui nous fut préparé par les Juifs au jour de l’immolation du Calvaire : ceux-ci, en tuant le Christ, nous préparèrent notre repas sans le savoir. Serm., cxii, 1, 4, 5, t. xxxviii, col. 643 sq. C’est le repas dans lequel les Juifs viennent boire le sang que, sous l’empire de la fureur, ils ont répandu. Serm., lxxvii, 4, ibid., col. 485.

C’est « le sacrifice de notre prix », où l’on distribue « la sainte victime ». Saint Augustin en parle à l’occasion de la mort de sa mère. Celle-ci y assistait durant sa vie tous les jours, car elle savait que là était distribuée la sainte victime. Conf., IX, 27, 32, 36, t. xxxii, col. 775-778.

C’est donc dans les textes les plus divers, empruntés à différentes époques de la vie du saint Docteur, que s’affirme sa foi traditionnelle en l’oblation réelle à l’autel de la victime jadis immolée au Calvaire.

L’oblation du corps mystique. — Mais sur l’autel Jésus n’est pas seul à s’offrir, c’est bien le corps mystique tout entier, chef et membres, qui offre et qui s’offre. La messe, en d’autres termes, n’est point seulement le sacrifice du corps et « du sang que les Juifs

dans leur fureur ont répandu, et que, convertis, ils reçoivent comme prix de leur salut », elle est l’expression sensible, mais très réelle, de l’immolation de l'Église qui sur l’autel ne fait qu’une seule et même chose avec le victime du Calvaire.

En les configurant au Christ prêtre, le baptême associe intimement les fidèles à son sacerdoce et leur donne qualité pour offrir avec lui le sacrifice de la messe ( sans préjudice d’ailleurs de l’action du prêtre qui bénit et consacre les éléments eucharistiques). Enarr. in Ps. xxvi, 2, t. xxxvi, col. 200.

C’est à l’autel que l'Église, corps du Christ, apprend du Sauveur qui est sa tête, à offrir : « Étant le corps de cette tête, l'Église apprend elle-même à s’offrir par la tête. Les sacrifices anciens des saints étaient les symboles multiples et variés de ce vrai sacrifice. » De civ., X, xx, t. xli, col. 298. Ce qu’elle offre, c’est elle-même incorporée à la victime du Calvaire. « Ici tout le corps rejoint activement son Chef dans une unique immolation » G. Gasque, L’eucharistie et le corps mystique, Paris, 1925, p. 74. « Le sacrifice le plus glorieux, le plus excellent qui puisse lui être offert, c’est nous-même, c’est-à-dire sa cité. Mystérieuse réalité que nous célébrons dans nos oblations bien connues des fidèles. » De civ., XIX, xxiii, 5, t. xli, col. 655. « Toute la Cité rachetée, c’està-dire l’assemblée des fidèles et la société des saints, est le sacrifice universel offert à Dieu par le grand prêtre qui s’est offert pour nous dans la passion pour faire de nous le corps d’une tête si noble. Tel est le sacrifice des chrétiens : être tous un seul corps en Jésus-Christ, et c’est ce mystère que l'Église célèbre dans ce sacrement de l’autel où elle apprend à s’offrir elle-même dans l’oblation qu’elle fait à Dieu. » De civ., X, vi, t. xli, col. 284.

Le corps mystique ainsi offert comprend tout d’abord les fidèles vivants : « Les choses vouées sont les choses offertes à Dieu, surtout l’offrande du saint autel, sacrement par lequel est exprimé le vœu très ardent selon lequel nous nous vouons à rester dans le Christ. C’est le sacrement de ceci que nous tous nous sommes un seul pain, un seul corps. » Epist., cxlix, 16, t. xxxiii, col. 637. Il renferme aussi les fidèles décédés dans le Christ : les martyrs lui appartiennent. « Pour ce qui est du sacrifice lui-même, c’est le corps du Christ ; il n’est pas offert à eux (les martyrs), car eux-mêmes sont ce corps. » De civ., XXII, x, t. xli, col. 772. Ainsi, c’est l'Église tout entière qui s’unit étroitement à son chef sur l’autel dans une seule et même oblation.

On comprend de ce point de vue auguslinien de l’oblation du corps mystique la merveilleuse 'unité du sacrifice chrétien et son identité avec celui du Calvaire. « L’unité de l’Eglise chrétienne ne se laisse pas partager en plusieurs hosties et en plusieurs sacrifices. Tous ces fragments d’holocaustes, si nous pouvons ainsi dire, font partie d’un seul holocauste d’une plénitude universelle. Tant de victimes ne sont que les membres d’une victime unique qui célèbre sur la.croix son oblation sanglante, et dans l’eucharistie son oblation non sanglante, et qui s’incorpore toute oblation, sanglante ou non, de ses membres comme des éléments de sa propre immolation. » Thomassin, De Verbo incarn.. I. X, xx, n. 4, édit. Vives, t. iv, p. 388.

b. L’eucharistie participation réelle au corps et au sang du Christ. — Dans sa description du sacrifice eucharistique, Augustin unit souvent l’idée de communion à celle d’offrande : Corpus efus offertur et participantibus ministratur. Vitulus offertur Patri et pascit totam domum, etc.

L’offrande étant celle du corps jadis immolé, la communion se fait à ce corps immolé. Ce n’est donc point seulement une participation subjective à un