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MESSE DANS L'ÉGLISE LATINE, SAINT AUGUSTIN


et vos aliquando obtulistis, in quibus et vota populi et nicmbra Christi portata sunt. Ces allusions expressives témoignent nettement de la foi de l'Église d’Afrique au rve siècle au réalisme sacrificiel du mystère eucharistique.

Saint Augustin. - - Pas plus que ses prédécesseurs, l'évoque dllipponc n’eut à prendre part à une controverse eucharistique. Aussi ne consacre-t-il aucun traité ex pro/essok}a. doctrine de l'Église sur ce point. Il n’en reste pas moins que le mystère de l’autel tient une grande place dans sa pensée et ses écrits. Augustin est amené à en parler fréquemment soit pour en instruire les néophytes au lendemain de leur baptême, soit pour faire comprendre à ses fidèles le sens et la portée du sacrifice dont ils vivent, soit pour commenter les passages de l'Écriture où il en est question, soit pour rappeler la doctrine de l'Église dans ses controverses avec les pélagiens, avec les manichéens et les douât istes.

C’est sans doute surtout dans ses sermons ad infantes, dans les homélies sur saint Jean, dans la Cité de Dieu que l’on trouvera son enseignement systématique ; mais pour se faire une idée complète de sa doctrine, il ne faudra négliger ni les sermons, ni les homélies sur les psaumes, ni les écrits de controverse où il expose sa pensée sur la religion, les sacrifices et l'Église, corps du Christ.

Saint Augustin nous apparaît dans toutes ces œuvres en continuité avec le passé touchant la doctrine du sacrifice eucharistique. Il a connu et utilisé les écrits de Basile, de Grégoire de Nazianze, de Chrysostome. Par Hilaire de Poitiers qu’il loue pour sa doctrine sur la chair eucharistique du Christ, Opus imp. contra Julian., VI, 33, P. L., t. xlv, col. 1587, il reçoit l’influence d’Origène. Ambroise, Optât de Milève lui ont fait connaître une doctrine où l’idée réaliste de la chair eucharistique et celle de l’identification du sacrifice de la croix et du sacrifice eucharistique sont fortement marquées. De saint Ambroise, il ne semble pas cependant avoir connu le De mysteriis ; Grégoire de Xysse, avec sa théorie sur la conversion eucharistique, lui paraît aussi inconnu. Cf. K. Adam, Die Eucharistielehre des heil. Augustin, Paderborn, 1908, p. 37-61. — Il est surtout ! e témoin de l'Église africaine, le continuateur de Cyprien et de Tertullien. C’est par eux qu’il faut l’expliquer. Mais, s’il a hérité de leurs idées, il faut dire qu’il a enrichi grandement cette doctrine et l’a marquée de l’empreinte de son génie. Par son enseignement sur le sacrifice eucharistique comme par ses autres doctrines, il est un maître de premier plan pour les théologiens de l’Occident.

La conception augustienne du sacrifice eucharistique se dégage tout naturellement de ce qu’enseigne le docteur d’Hippone sur le sacrifice en général, sur le sacrifice absolu de la croix et les sacrifices relatifs qui s’y rapportent.

a) Le sacrifice en général. - Le sacrifice a pour but de nous unir à Dieu. Aussi, le vrai sacrifice c’est toute œuvre accomplie dans cette fin : Verum sacrificium est omne opus quod agitur ut suncta societate inhæreamus Deo. De civ. Dei, X, vi, t. xli, col. 283.

Cette union se produit par les sentiments intérieurs de la volonté. Là est l'élément principal du sacrifice. Le sacrifice visible est le sacrement, c’est-à-dire le symbole sacré du sacrifice invisible : Sacrificium ergo visibile invisibilis sacrificii sacramentum, id est sacrum signum est. lbid., X, v, col. 282. Dieu, qui repousse le sacrifice d’un animal égorgé, veut le sacrifice d’un cœur contrit, et le sacrifice qu’il veut est représenté par le sacrifice qu’il ne veut pas… Ce que tous appellent sacrifice est le symbole du vrai sacrifice. Ibidem.

De ce point de vue, la miséricorde est un vrai sacn

fice. L’homme voué à Dieu est un sacrifice en tant qu’il meurt au monde afin de vivre pour Dieu. Notre corps mortifié par la tempérance en vue de Dieu est un sacrifice… La cité rachetée dans son ensemble, c’està-dire la société des saints, est le sacrifice universel dont Jésus-Christ est le grand prêtre, et dont le sacrement de l’autel est le signe et qui est offert pour faire de nous le corps d’une tête si noble. Ibid., X, vi, col. 284.

fc) Sacrifice absolu et sacrifices relatifs. - Le sacrifice par excellence est celui qui a été offert par JésusChrist sur la croix : dans ce monde, en elîet, rien de pur à offrir pour les hommes : seule la chair innocente du Christ pouvait être une victime agréable : seipsum obtulit mundam victimam. Enarr. in Ps. exux, n. G, t. xxxvii, col. 1953.

Jésus a ainsi réconcilié et uni l’homme à Dieu de la façon la plus étroite : Idem ipse unus verusque mediator, per sacrificium pacis reconcilians nos Deo, unum cum illo maneret cui offerebat, unum in se faceret pro quibus offerebat, unus esset ipse qui offerebat, et quod offerebat. De Trin., IV, xiv, t. xlii, col. 901.

Le sacrifice du Calvaire est au centre de toute l'économie des sacrifices anciens et nouveaux. Ceux de l’Ancien Testament l’annonçaient, celui du Nouveau le commémore : « Tous ces sacrifices ont de diverses manières symbolisé le sacrifice unique dont nous célébrons la mémoire. » Contra Faustum, VI, v, t. xlii, col. 231. « Toutes les choses qui sont appelées sacrifice ont lieu à la ressemblance d’un certain vrai sacrifice… Les unes en sont des contrefaçons… les autres annoncent le seul vrai sacrifice qui devait être offert pour les péchés… Maintenant de ce sacrifice consommé les chrétiens célèbrent la mémoire par la sacrosainte offrande et participation du corps et du sang du Christ, unde jam peracti ejusdem sacrificii memoriam célébrant sacrosancta oblatione et participationc corporis et sanguinis Christi. » Ibid., XX, xviii, col. 382, voir aussi xxi, col. 385.

Qu’il n’y ait eu qu’une seule immolation réelle de la grande victime, celle du Calvaire, ceci ressort nettement de l'Épître à Boniface : « Est-ce que le Christ n’a pas été immolé une seule fois en lui-même, et pourtant est-ce qu’il n’est pas immolé tous les jours par les peuples en sacrement, en sorte que l’on ne ment pas lorsqu’on répond qu’il est immolé? Si en effet les sacrements n’avaient pas quelques rapports avec les choses dont ils sont les sacrements, ils ne seraient pas du tout des sacrements » Epist., xcvii, 9, t. xxxiir, col. 363. Ce texte se retrouvera chez presque tous les auteurs du Moyen Age ; il est classique.

Nous sommes ici dans l’ordre du signe visible : sur la croix, il y avait une immolation réelle, à l’autel nous avons la représentation commémorative de cette immolation. Le sacrifice chrétien est par rapport au sacrifice de la croix, un sacrifice relatif commémoratif.

c) Le sacrifice eucharistique : Sa réalité. — Si le sacrifice eucharistique est essentiellement un mémorial, voir De cliii, quæst., xi, 2, t. xl, col. 49, il n’est point pour cela une commémoraison purement verbale et figurée de la passion, c’est Voblation réelle et véritable du corps du Christ, tête et membres, c’est la participation réelle au corps et au sang de JésusChrist, source de vie.

a. L’eucharistie ablution réelle de la victime de la croix, tête et membres. La pensée de saint Augustin sur ce point est dominée d’une part par cette idée fondamentale que l'Église est le corps mystique de cette tête qu’est le Chris ! historique, et de l’autre par l’idée que dans tout sacrifice l’offrande visible symbolise le sacrifice invisible.

y.) Aspect symbolique de la réalité invisible. — -Le symbolisme de la messe est double : il est relatif au