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MESSE DANS L’ANTIQUITÉ : CONCLUSIONS


la nécessité du baptême et des dispositions morales avant la communion (Actes de Jean, de Pierre, de Thomas).

L’eucharistie peut encore être utile aux absents. N’est-elle pas l’offrande de l'Église : aussi y prie-t-on pour elle (Didachè, Justin, Hippolyte, Cyprien). On y recommande aussi à Dieu spécialement certaines personnes autres que les assistants, par exemple, des membres de la hiérarchie, des confesseurs en prison, des bienfaiteurs, des ennemis, des pénitents. On sollicite des faveurs dont bénéficient même des personnes qui n’appartiennent pas à l'Église : la paix et la tranquillité publique, la conversion des pécheurs et des infidèles.

C’est par application de cette coutume qu’on imagine de désigfier spécialement un ou quelques fidèles pour lesquels l’eucharistie est spécialement offerte. Cyprien reconnaît au prêtre le droit de faire cette application : ce ne doit être évidemment qu’au profit de fidèles en règle avec l'Église. Tertullien atteste le même usage.

De la même manière le célébrant peut offrir l’eucharistie pour certains morts désignés par lui ; Tertullien et Cyprien qui signalent cet usage, ajoutent qu’il est ancien. Cette fois encore, l'évêque de Carthage rappelle que des règles de l'Église ne permettent pas de faire cette application au profit de tous les défunts : il en est qui sont exclus. Il faut donc être mort dans la paix de l'Église. La Didascnlie nous apprend qu’en Orient aussi on offre pour les défunts. Les Actes de Jean, nous signalent la fraction du pain par l’apôtre et les frères, sur le tombeau de Drusiana, le troisième jour après sa mort. Nous savons aussi par le Marlyrium Polycarpi, qu’on célébrait l’eucharistie à l’anniversaire du décès des confesseurs. L’usage est encore attesté par la Didascalie, Tertullien et Cyprien. En faveur de l’existence de l’antique coutume d’offrir le sacrifice pour les morts, il semble qu’on peut aussi invoquer le témoignage d’antiques monuments chrétiens. Cf. Bour, art. cit., col. 1202-1203.

8° Sur les effets du rite eucharistique, dès l’origine jusqu'à saint Cyprien, les écrivains chrétiens tiennent le m}me langage. Cette cérémonie est action de grâces et prière, elle honore Dieu et sanctifie l’homme, elle plaît au ciel et profite à la terre.

Tous les anciens témoins montrent dans cet acte un hommage de reconnaissance offert à Dieu. Les fidèles lui expriment leur gratitude et pour les divers bienfaits de la création énumérés en détail ou rappelés d’un mot, et pour les dons apportés par Jésus-Christ au cours de sa vie et dans sa passion. Rendre grâces ainsi, c’est sans doute remercier ; mais par là même c’est adorer Dieu, le louer, le glorifier, lui offrir le culte qui n’est dû qu'à lui. On attribue à l’eucharistie ces effets.

Par elle aussi, et sans doute parce qu’elle plaît à Dieu, le fidèle croit pouvoir obtenir de nouveaux bienfaits pour lui et pour autrui. Qu’il en soit ainsi, c’est ce que démontrent pleinement les affirmations de tous les écrivains de l'époque ; l’usage de recommander à Dieu pendant la cérémonie les assistants, d’autres personnes et toute l'Église ; enfin l’habitude d’offrir l’eucharistie pour des vivants et des morts déterminés.

Qu’espère-t-on obtenir ? Si on examine les affirmations très générales des textes, il faut répondre que de l’eucharistie les fidèles attendent tout ce qu’ils peuvent légitimement désirer pour eux et l'Église. Notons parmi les faveurs escomptées la rémission des péchés, le salut, l’entrée dans le royaume : non seulement des témoignages précis l’attestent, mais la pratique des sacrifices pour les morts suffirait à l'établir. Souvent aussi on signale comme un fruit de l’euchaistie la sainteté, la victoire sur le démon, une vie

pure et l’union à Jésus-Christ. L’eucharistie a aussi pour effet l’accroissement de la charité fraternelle ; elle unit les chrétiens sur terre et demande qu’ils soient rassemblées dans le royaume céleste. Il est d’autres faveurs qui semblent plutôt devoir être attribuées à la communion proprement dite : la vie éternelle, l’immortalité du corps, la joie d’une sainte ivresse que signale Cyprien, le bonheur de goûter le vin délicieux et l’aliment doux comme le miel dont parlent Hippolyte, Pectorius d’Autun et Abercius.

Au reste, puisqu’aux origines quiconque assistait aux saints mystères, y participait, on ne distinguait pas, avec la précision des théologiens modernes, les effets du sacrifice et ceux de la communion.

9° Que cette eucharistie ne soit pas une simple prière, c’est ce que prouvent déjà avec l’emploi du pain et du viii, l’intervention d’une hiérarchie dotée de pouvoirs réservés à elle exclusivement.

Ce rite est un sacrifice proprement dit. Ainsi est-il nommé par la Didachè, Justin, Origène, Firmilien, Hippolyte, Tertullien et Cyprien. D’autres auteurs, Clément de Rome, Clément d’Alexandrie, Corneille et la Didascalie montrent dans l’eucharistie une offrande rituelle et liturgique ; Ignace ne peut la nommer sans parler de l’autel chrétien.

Ce sacrifice est analogue à ceux de l’Ancienne Loi et leur succède (Didachè, Clément de Rome, Justin, Origène, Hippolyte, Tertullien et Cyprien). Il a été figuré par celui de Melchisédech (Clément d’Alexandrie et Cyprien) ; c’est le sacrifice pur annoncé par Malachie (Didachè, Justin, Irénée, Hippolyte, Cyprien). Il semble bien aussi que chez plusieurs écrivains anciens la locution sanctifier le pain, le rendre saint, ait le sens de le vouer à Dieu, de le sacrifier (Didachè, Clément d’Alexandrie, Origène, Denys d’Alexandrie, Firmilien, Didascalie, Tertullien et Cyprien).

Dans des écrits apocryphes eux-mêmes se trouvent des expressions semblables : l’eucharistie est une offrande rituelle (Actes de Jean, Pistis Sophia), un sacrifice (Actes de Pierre et IIe livre de Jéû). A noter encore un monument de la plus haute antiquité (première moitié du iie siècle). Dans une des chapelles des Sacrements, à la catacombe de Calliste, à côté de la scène dite de la consécration et de celle du repas eucharistique, est représenté le sacrifice d’Abraham. Des juges très sùrs(Rossi, Wilpert, Marucchi, Leclercq, Bour) n’hésitent pas à conclure que l’artiste fait allusion au caractère sacrificiel de l’eucharistie. Cf. Bour, art. cit., p. 1201.

Sans doute, Clément de Rome, Justin, Aristide, Athéiagore, Apollonius, l'Épître à Diognète, Minucius Félix, Clément d’Alexandrie et Tertullien déclarent que les chrétiens n’offrent pas de sacrifices à la Divinité pour satisfaire à ses besoins. Mais ce qu’ils repoussent ainsi, c’est l’oblation conçue à la manière païenne et déjà réprouvée par l’Ancien Testament. Pour établir que ces écrivains ne nient pas l’existence d’un sacrifice chrétien, il suffit d’observer que trois d’entre eux l’affirment très clairement : Justin, Clément d’Alexandrie et Tertullien.

10° Pourquoi l’eucharistie était-elle tenue, des origines à saint Cyprien, pour un sacrifice ?

Assurément, ce n’est pas parce qu’elle est une offrande de pain et de vin. Aucun texte ne permet de voir un sacrifice dans l’acte des fidèles donnant à la hiérarchie, apportant à l’assemblée ce qui était nécessaire pour l’eucharistie ou l’agape, la subsistance du clergé ou l’entretien des pauvres. Tout ce que nous savons du rite chrétien primitif condamne cette hypothèse.

Les antiques témoins de l’eucharistie ne paraissent pas soupçonner davantage qu’il y a en elle destruction