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MESSE DANS L’ANTIQUITÉ : CONCLUSIONS

nace, Justin, Clément d’Alexandrie, Cyprien).

Sans doute, la Didachè reproduit des prières et des actions de grâces de tous les assistants, mais elle ne fait pas célébrer la fraction du pain et la bénédiction de la coupe par les simples fidèles. Pour le sacrifice, pour la fraction, elle ordonne qu’on choisisse avec soin des évêques et des diacres qui rempliront l’office des ministres itinérants des premiers jours, docteurs et prophètes. Tertullien lui-même, bien que, devenu montaniste, il tienne tous les laïques pour prêtres, ne leur reconnaît le droit d’user de leur sacerdoce que s’ils se trouvent au nombre de trois, dans un groupe où il n’y a aucun fidèle gratifié par l’Église d’une investiture spéciale, pour accomplir les fonctions liturgiques.

Tous les témoignages s’accordent à exiger des ministres de l’eucharistie une grande sainteté : ils doivent être irréprochables. Avec la bonne conscience Clément de Rome reclame d’eux la gravité, l’observation des règles imposées à leur office.

Mais les mêmes auteurs qui attestent le rôle liturgique propre à la hiérarchie affirment que l’action de grâces est un acte de toute l’Église. Il en est ainsi parce que le président accomplit ses fonctions dans l’assemblée des fidèles, parce qu’il s’exprime en leur nom et prie non seulement pour eux, mais pour les absents et tous les frères ; parce que les assistants lui répondent : Amen ; enfin parce qu’ils apportent la matière employée pour l’eucharistie. Ainsi, sans se contredire, les écrivains chrétiens affirment à la fois que l’eucharistie est faite par la hiérarchie et qu’elle est offerte par les laïques.

Il est encore attesté que l’action de grâces a lieu au nom de Jésus (Justin). On rend grâces au Père par le Fils (Hippolyte), par lui et par le Saint-Esprit (Justin). Quand le prêtre offre, il y a oblation de toute l’Église unie à Jésus-Christ, comme l’eau l’est au vin (Cyprien). Nous présentons nos prémices et nous adressons nos prières, ayant un grand pontife qui a pénétré dans le ciel (Origène).

6o  Tous les textes sont d’accord pour nous apprendre que le président fait l’action de grâces sur ce qui est offert. Il eucharistie le pain et le vin.

Rappelons les formules les plus fameuses : L’aliment est eucharistie par une parole de prière qui vient de Jésus, écrit Justin. Trois fois Iréivée affirme que le pain et le vin recevant l’invocation, la parole de Dieu, deviennent l’eucharistie, corps et sang du Christ. D’après Origène, les dons de la cène sont transformés par la prière en un corps, en quelque chose de saint qui sanctifie.

Si on laisse aux mots leur sens obvie, si on observe que les écrivains chrétiens rattachent l’institution de la cène au dernier repas du Seigneur, si on se souvient que Justin, Clément d’Alexandrie, Origène, Hippolyte, Tertullien et Cyprien, pour expliquer le rite chrétien, rappellent les paroles de Jésus : Ceci est mon corps, on est obligé de conclure que ce n’est pas par une invocation à l’Esprit-Saint, mais par les paroles même du Sauveur que s’opère l’eucharistie. Voir art. Épiclèse, t. v, col. 232-233.

Au reste, l’unique anaphore de cette époque parvenue jusqu’à nous, celle d’Hippolyte, fait prononcer par l’évêque sur le pain et le vin les mots : Ceci est mon corps, ceci est mon sang. Aussitôt après, l’officiant dit : Sous t’offrons le pain et le calice, te rendant grâces. C’est ensuite seulement qu’est récitée une invocation à l’Esprit-Saint. Encore ne demande-t-elle pas à celui-ci qu’il eucharistie les éléments, mais qu’il descende sur eux pour qu’en y participant les fidèles reçoivent aussi l’Esprit-Saint. La Didascalie lui attribue une action sur le rite lui-même. L’Esprit-Saint reçoit l’oraison de celui qui prie et il sanctifie l’eucharistie. Aucun autre texte de l’époque n’exprime pareille pensée. D’ailleurs la prière ainsi dotée de vertu par l’Esprit peut être l’oraison : Ceci est mon corps.

Dans plusieurs écrits émanant de milieux suspects ou hérétiques (Actes de Jean, de Pierre, de Thomas, livre de Jeu) l’eucharistie s’opère non seulement par les mots du Christ, mais par des invocations. Mais elles sont si variées, si étranges, si teintées de gnostitisme ou de magie, qu’il est impossible de recourir à elles pour découvrir le rite primitif. Il est à noter d’ailleurs que ces invocations ne s’adressent pas à l’Esprit-Saint.

7o  Qui peut prendre part à l’eucharistie, c’est-à-dire y assister, y communier et l’offrir avec le président, car les trois rites sont alors régulièrement unis ?

Tous les écrivains catholiques sont d’accord pour exiger une grande pureté, tous insistent sur la sainteté du rite. D’abord il est nécessaire qu’on soit baptisé, donc qu’on ait la foi. Sous-entendue par tout le monde, cette condition est plus d’une fois affirmée (Didachè, Justin, etc.).

De plus, une vie irréprochable est requise. Chaque auteur exprime cette pensée à sa manière, insiste sur telle ou telle disposition ; mais partout le même souci de pureté morale se retrouve. La Didachè convie les saints. Qui ne l’est pas, doit faire pénitence. Tous les assistants sont invités à confesser leurs péchés. Il faut encore qu’on se réconcilie avec son ennemi. Ignace demande que les fidèles soient soumis à l’évêque, ainsi qu’au collège presbytéral, soutenus par la grâce, animés par la foi, pleinement unis à Jésus-Christ. Justin rappelle que, pour participer à l’assemblée chrétienne, on doit vivre comme le Christ l’enseigne. Irénée réclame une doctrine pure et une foi sans hypocrisie, une ferme espérance et une ardente charité : il faut craindre Dieu et avoir à l’égard de ses frères les sentiments prescrits. Enfin il importe que l’offrande soit faite avec joie et liberté. Origène requiert une intention saine, un esprit pur, une conscience sans tache. Hippolyte demande l’humilité. Tertullien et Cyprien ne sont pas moins sévères : ils insistent plus que personne sur la sainteté de l’eucharistie. L’évêque de Carthage redit maintes fois que, pour prendre part aux saints mystères, ii faut être en règle avec l’Église et se réconcilier avec elle par les exercices réguliers de la pénitence publique, si on a été séparé d’elle comme l’ont été par exemple les apostats. En temps de persécution seulement cette discipline peut s’adoucir. De même Firmilien ne veut pas qu’on laisse s’approcher de l’eucharistie ceux qui ont reçu le baptême des hérétiques. Nous savons même par Denys d’Alexandrie que l’interdiction de communier en raison d’un crime, par exemple de l’apostasie, peut durer jusqu’à la mort.

Ce respect de l’eucharistie fait exiger du corps lui-même une certaine dignité. Tertullien condamne ceux qui fréquentent les fêles païennes et les assemblées chrétiennes. II veut qu’à domicile on prenne l’eucharistie avant toute autre nourriture. Nous savons aussi qu’en Orient on se demande si la femme au moment critique du mois peut communier : Denys d’Alexandrie répond par la négative et la Didascalie est d’avis contraire. On se souvient enfin qu’Origène et Tertullien recommandent instamment de ne rien laisser tomber de l’eucharistie.

Les antiques monuments chrétiens confirment les témoignages des Pères : sur les fresques, le baptême précède l’eucharistie ; Pectorius d’Autun n’invite à la recevoir que la race divine du Poisson céleste. Ce mets sacré n’est servi qu’aux « amis », dit Abercius. Pour, art. cit., col. 1199. Même dans les écrits d’originc suspecte ou hérétique, on trouve des affirmations sur