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MESSE DANS EES SECTES HERETIQUES


col. 1129. Voir article Hématites, t. vi, col. 2146.

Clément d’Alexandrie signale aussi l’existence ri’aquariens. « Il y a des chrétiens, écrit-il, qui font la consécration eucharistique (EÙxapiCTToùaLv) sur de l’eau pure », ils offrent donc « un sacrifice de pain et d’eau », ce qui est contraire « au canon de l'Église », ce qui est « une hérésie ». Stroni., t. xix. P. G., t. viii, col. 811. On a justement souligné la valeur de ce jugement sur le caractère illicite de cet usage : Clément est un grand voyageur qui connaît l’Italie, la Grèce, la Syrie, la Palestine et l’Egypte. Il sait donc ce qu’est « le canon de l'Église ». P. Batiffol, art. Aquariens, dans Diction, d’arch., t. i, col. 2649.

Les Actes de Jean (deuxième moitié du second siècle, Asie'?) mentionnent plusieurs fois l’eucharistie : elle est nommée dans une énumération après l’homélie et la prière, avant l’imposition des mains, 46, édit. LipsiusBonnet, Acta aposl. apocr., t. n a, p. 113. « Tous les frères y participent », est-il dit ailleurs. 86, p. 193. Au contraire, Fortunatus, à cause de son impénitence, « est écarté du bain sacré, de l’eucharistie, de la nourriiure de la chair et du breuvage » ; ces mots désignent sans doute le baptême, l’assistance aux saints mystères et la communion sous les deux espèces. 24, p. 192. L’apôtre rompt le pain de bon matin au tombeau de Drusiana, le troisième jour, et c’est une eucharistie à laquelle il fait participer tous les frères. 72 et 86, p. 186, 193.

Dans le même écrit, nous relevons encore une description assez complète de l’eucharistie. 106-110, p. 203 sq. C’est un dimanche et tous les frères sont réunis. Il y a d’abord une exhortation de l’apôtre : l’homélie. Suit la prière faite par lui au nom de tous. Elle énumère des titres et des bienfaits du Christ Jésus, puis elle implore son secours : « O toi qui as tressé cette couronne à ta chevelure, Jésus, ô toi qui as paré de toutes ces fleurs la fleur impassible de ton visage, ô toi qui as répandu ces discours, ô toi qui seul es le médecin donnant la guérison, ô toi seul bienfaisant, seul humble, seul compatissant, seul ami des hommes, seul sauveur et juste, toi qui toujours vois tout, toi qui es en tout, présent partout, contenant, remplissant tout. Christ Jésus, Dieu, Seigneur, ô toi qui connais exactement les industries de notre perpétuel ennemi et tous les assauts qu’il complote contre nous, toi Seigneur unique, secours tes serviteurs dans ta providence, qu’il en soit ainsi, Seigneur. » Trad. Batiffol, dans op. cit., p. 194 sq.,

Suit l’eucharistie proprement dite. L’apôtre demande du pain et il rend grâces ainsi : « Quelle louange, quelle offrande, — powpopà, quelle action de grâces invoquerons-nous, en rompant ce pain, sinon toi seul, Seigneur Jésus ? Nous glorifions ton nom dit par le Père. Nous glorifions ton nom dit par le Fils. Nous glorifions ton entrée de la porte. Nous glorifions ta résurection que tu nous a manifestée. Nous glorifions de toi la voie. Nous glorifions de toi la semence, le verbe, la grâce, la foi, le sel, la pierre précieuse, le trésor, la charrue, le filet, la grandeur, le diadème, le fils de l’homme qui a été manifesté pour nous, celui qui nous a donné la vérité, la paix, la gnose, la force, la règle, la confiance, l’espoir, l’amour, la liberté, le refuge en toi. Car toi seul es, Seigneur, la racine de l’immortalité et la source de l’incorruptibilité et le siège des éons. Et tu as été dit tout cela pour nous, maintenant, afin que nous, t’appelant de ces noms, nous connaissions ta grandeur ignorée de nous jusqu'à présent, mais connue des purs et représentée dans l’homme unique qui est le tien. » Il n’y a dans cette formule aucune allusion aux paroles de la cène. L’insistance sur les différentes appellations de Jésus est significative : c’est le « nom » du Christ qui surtout est invoqué, glorifié pour qu’on le connaisse, et sans doute pour qu’il

passe ainsi dans les communiants avec toute sa puissance. La formule rappelle quelque peu Vanamnèse : on commémore, on se souvient que le Christ est entré par la porte, qu’il est ressuscité, qu’il est la voie et la racine de l’immortalité. Le rite est appelé une ofjrande rituelle, donc un sacrifice. « Ayant rompu le pain (Jean) le distribua à chacun de nous tous, à chacun des frères, leur adressant la prière d'être dignes de la grâce du Seigneur et de la très sainte eucharistie. Il y goûta lui-même aussi en disant : « Que cette part me soit avec vous et la paix soit avec vous, bien-aimés. »

La coupe n’est pas mentionnée en cet endroit, observe Batiffol, op. cit., p. 196. C’est exact. Mais en un autre passage cité plus haut, 84, p. 192, il est question de la nourriture et du breuvage. Ailleurs encore, il semble bien qu’il soit fait allusion au calice consacré. Jean comparaît devant Domitien. Pour montrer la puissance du nom de Jésus, il se fait apporter du poison qu’il verse dans une coupe pleine d’eau. Sur ce breuvage il prononce une invocation qui le rend inofîensif : « En ton nom, Jésus-Christ, fils de Dieu, je boirai ce calice que tu rendras suave : mêle ton Esprit-Saint au poison qui est dans cette coupe, et fais de ce liquide un breuvage de vie et de salut pour la santé de l'âme et du corps, comme un calice d’eucharistie, Troxripiov eù^oepicma :  ;. » 9, p. 156. A coup sûr, ce qui est décrit ici, n’est nullement la cène, le rite religieux de l’offrande ou de la communion des fidèles. Mais Jean exprime le vœu que la coupe empoisonnée soit pour lui ce qu’est « le calice d’eucharistie », une source de vie et de salut pour la santé de l'âme et du corps. Ce passage serait donc une allusion à l’usage d’un calice à la cène. Struckmann, op. cit., p. 104, note 31.

Les Actes de Pierre (première moitié du nie siècle ou même plus haut, voir É. Amann, art. Apocryphes du Nouveau Testament, dans Suppl. au diction, de la Bible, 1. 1, col. 498) font deux ou trois allusions au rite eucharistique. Au c. iii, il est simplement dit que des chrétiens « s’affermirent dans la foi, pendant trois jours et jusqu'à la cinquième heure du quatrième, priant les uns et les autres avec Paul, offrant l’oblation, oranles invicem cum Paulo, oblationem efferentes. Il semble bien que le rite désigné ici est l’eucharistie, offrande rituelle et collective. Lipsius-Bonnet, t. i, p. 48 ; voir aussi L. Vouaux, Les Actes de Pierre, p. 244-245.

Il est décrit ailleurs d’une manière un peu plus précise, c. 2 : « Les frères, est-il dit, offrirent alors à Paul du pain et de l’eau, pour le sacrifice, afin que, la prière ayant été faite, il le distribuât à chacun. Parmi eux se trouvait une certaine Rufine qui voulait donc elle aussi recevoir l’eucharistie des mains de Paul. Rempli de l’esprit de Dieu, Paul lui dit, comme elle s’approchait : « Rufine, tu ne t’approches pas de l’autel en personne digne de le faire ; tu te lèves non d’auprès de ton mari, mais d’un amant et tu essayes de recevoir l’eucharistie de Dieu. Aussi, voici que Satan, après avoir bouleversé ton cœur, te jettera par terre sous les yeux de ceux qui croient dans le Seigneur… Mais, si tu te repens, celui qui peut effacer les péchés ne manquera pas de te libérer de celui-ci… » Lipsius-Bonnet, p. 46 ; Vouaux, p. 231. Aussitôt Rufine tomba paralysée de la moitié gauche de son corps. — Ainsi les fidèles apportent en offrande ce qui servira pour le sacrifice, pour l’autel. C’est du pain et de l’eau. L’apôtre prononce sur ces éléments la prière. Les mets ainsi consacrés sont ensuite distribués aux assistants. La dignité de vie est requise chez le communiant ; l’impureté, mais non la vie conjugale, ôte aux fidèles le droit de s’approcher de l’autel. Les coupables d’ailleurs peuvent faire pénitence.