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MESSE DANS LES SECTES HÉRÉTIQUES


tyres, il semble bien que soient attestés certains rites de la liturgie eucharistique de l'époque. Les saintes ont une vision. Elles arrivent près d’un lieu lumineux devant lequel se tiennent des anges les invitant à entrer pour saluer le Seigneur, et ils les revêlent d’habits blancs. Elles entendent des voix qui s’unissent pour chanter sans cesse : Agios, Agios, Agios. Elles se donnent ensuite le baiser de paix. A une parole d’un de ses compagnons, Saturus, lui disant qu’elle a maintenant ce qu’elle désire, Perpétue répond : Deo gratias. Un pasteur lui présente une nourriture qu’elle reçoit les mains jointes et tous répondent Amen. Entre ces traits divers et certains actes de la messe antique, le rapprochement se fait de lui-même. Passio SS. Felicitalis et Perpétuai, dans Knopf, Ausgewuhlle Màrlyrerakten, Tubingue, 1913, p. 49, 45. Cf. F. Cabrol, art. Afrique (liturgie anténicc’enne), dans Diction, d’arch., 1. 1, col. G04 ; Fortescue, op. cit., p. 59.

VI. Les sectes et communautés suspectes. — Saint Épiphane signale l’existence d’une secte palestinienne à laquelle il donne le nom d'ébionites ; ses membres, pour imiter les mystères chrétiens, célébraient une fois par an leur rite avec du pain azyme et de l’eau. Hær., xxx, 16, P. G., t. xli, col. 432. Ces mots semblent désigner des judéo-chrétiens dont la liturgie s’inspirait à la fois des souvenirs de la Pâque et de ceux de la cène. C’est peut-être à ce groupe ou à une petite Église semblable que fait allusion saint Irénée, lorsqu’il écrit, parlant de certains hérétiques appelés par lui ébionites : Reprobant commislionem vini cœleslis et solam aquam sœcularem volunt esse, non recipienles Deum et commislionem suam. « Ils réprouvent le mélange du vin céleste et ne veulent admettre que l’eau du siècle, ne recevant pas Dieu dans leur mélange. » Cont. hæres., II, i, 3, P. G., t. vii, col. 1123. Probablement, comme le fait observer P. Batilîol, art. Aquariens, dans Diction, d’arch., t. i, col. 2649, l'évêque de Lyon reproche ici à ces hérétiques de ne pas voir dans le Christ l’union de Dieu et de l’homme, unilionem Dei et hominis non recipientes. Toutefois la manière dont cette erreur est décrite laisse entendre aussi que, dans leur eucharistie, les tenants de cette secte n’usaient pas du viii, image de la divinité, mais seulement de l’eau, symbole de la nature humaine, du siècle. F. Dolger, Die Eucharistie nach Inschri/ten fruhchristlicher Zeit, Munster, 1922, p. 110, n. 2.

Saint Ignace nous apprend que les docètes « s’abstiennent de l’eucharistie et de la prière parce qu’ils ne confessent pas que l’eucharistie est la chair de notre Sauveur Jésus-Christ. » Smyrn., vii, 1, éd. Funk, p. 280.

C’est encore à une époque très voisine des origines qu’il semble nécessaire de placer la conception signalée par VÉ pitre des Apôtres, et qui présente l’eucharistie comme une Pâque (d’après Baumstark, YEpislula upostolorum serait de 180 ; d’après C. Schmidt, de 160-170 ; d’après Cladder, de 147-148 ; d’après Ehrhard, de 130-140). On y lit (texte éthiopien) « … Mais célébrez le jour commémoratif de ma mort, c’est-àdire la Pâque. Alors on jettera l’un de vous en prison… Pendant que vous célébrerez la Pâque, il sera en prison… La porte de la prison s’ouvrira et il viendra à vous pour veiller avec vous… Et quand le coq chantera, et que vous aurez terminé mon agape et ma commémoraison… »

Le texte copte porte : « …Après mon retour à mon Père, commémorez ainsi ma mort. Quand la Pâque devra avoir lieu, l’un de vous sera jeté en prison à cause de mon nom… et il s’affligera parce qu’il ne célèbre pas la Pâque avec vous… Les portes de la prison s’ouvriront, il sortira et il viendra à vous et il passera avec vous une nuit de vigile.et demeurera avec vous jusqu'à

ce que le coq chante. Lorsque vous aurez terminé la commémoraison qui se fait par rapport à moi et l’agape… » Édit. Schmidt, n° 52 sq. Cf. Schmidt, Gesprâche Jesu mil seinen Jùngern nach der Auferstehung, Ein katholisch-apostolisches Sendschreiben des 2. Jahrhunderts, dans Texte and Unlersuch., III* série, l. xiii, Leipzig, 1919. Voir Dolger, op. cit., p. 108-11 9.

L’eucharistie est donc une Pâque, mais en même temps la fêle commémorative de la mort du Christ ; elle se célèbre la nuit. Et elle comporte une commémoraison de la mort du Christ et une agape (texte copte), une agape et une commémoraison de la mort du Christ (texte éthiopien).

Les marcionites, nous le savons par Irénée, Cont. hseres., IV, xviii, 4-5, P. G., t. vii, col. 1027 sq., et par Tertullien, Adv. Marcionem, I, xiv, P. L., t.n, col. 262, célébraient l’eucharistie. Mais Épiphane nous apprend que Marcion « employait seulement de l’eau dans les mystères ». User, xlii, 3, P. G., t. xi.i. col. 700. Cette coutume s’alliait fort bien à l’encratisme absolu de la secte, voir art. Marcion, t. ix, col. 2024. Le vin était pour elle quelque chose de diabolique. Batiffol, op. cit., p. 190 ; Harnack, Marcion, Leipzig, 1921, p. 182, 286, 302.

C’est encore pour des motifs de rigorisme ascétique en harmonie avec sa doctrine morale que Tatien adoptait le même usage : Il accomplissait les mystères « à l’imitation de la sainte Église, écrit Épiphane, mais il n’y employait que de l’eau ». User., xlvi, 2, P. G., t. xli, col. 840.

Lesvalentiniens gardaient l’eucharistie et y faisaient usage du vin. Irénée nous a conservé en effet l’histoire des supercheries de l’un d’eux, Marc, venu d’Asie. Il prenait une coupe remplie de vin additionné d’eau, paraissait rendre grâces et prolongeant longtemps la prière d’invocation, il donnait au liquide une couleur pourpre et rouge pour faire croire que la Grâce, un des éons qui sont au-dessus de tout, distillait son sang dans le calice en raison de l’invocation qu’il avait prononcée. Avec avidité les assistants buvaient ce liquide. Par un autre tour de passe-passe. Marc. faisait croire que grâce à une formule mystérieuse il augmentait le volume du liquide eucharistique. Irénée, Cont. hæres., i, xiii, 2, P. G., t. vii, col. 579. Les faits sont affirmés aussi par Hippolyte, Philosophoumena, t. VI, c. xxxix, P. G., t. xvic, col. 3258 sq., et par Épiphane, Hær. xxxiv, 2, t. xli, col. 584, qui, tous deux, se réfèrent à Irénée. Clément d’Alexandrie atteste lui aussi que les valentiniens gardaient le rite eucharistique. L’un d’eux, Théodote, enseignait « que le pain et l’huile élaient sanctifiés par la puissance du nom de Dieu (du Christ, sans doute) » ; « en apparence ils demeuraient tels qu’on les avait pris, mais par la puissance ils étaient changés en puissance spirituelle. » Excerpta Theodoli, lxxxii, P. G., t. ix, col. 696. Ce pain est sans doute celui dont parle un autre passage. Là il est présenté comme céleste, spirituel, nourriture de vie en tant qu’aliment et connaissance, lumière des hommes et de l'Église, chair du Christ qui nourrit notre chair et qui est en même temps l'Église, elle aussi pain du ciel et assemblée bénie. Ibid.. xiii, col. 664.

Plus énigmatique est une autre secte dont Clément d’Alexandrie ne nous a conservé que le nom, les hématites et dont il est seul à parler. Strom., VII, cviii, P. G., t. ix, col. 553. Hort, Clément of Alexandria miseellanies, book Vil, Londres, 1902, p. 354, suppose que ces hérétiques employaient du sang pour l’eucharistie. Le Nourry, diss. XI, c. xirr, n. 3, P. G., t. ix, col. 1246, conjecturait que les hématites étaient ces gnostiques sectaires dont Clément dit que, par haine du démiurge et pour avoir le titre de martyrs, ils affrontaient la mort. Strom., VI, iv, P. G., t. vin