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MESSE EN OCCIDENT : SAINT CYPRIEN


Seigneur, » nous commémorons la passion », Id.. 2, 17, p. 702, 714 ; « notre sacrifiée répond à la passion », 9, p. 708 ; nous « faisons mémoire de la passion en chacun de nos sacrifices », 17, « l’eucharistie est le mystère de la passion du Seigneur, et de notre rédemption », 14, p. 713 « la passion est le sacrifice que nous offrons », 17, p. 714.

ri Quand le Seigneur souffrit pour nous et offrit ainsi son sacrifice, nous étions avec lui. Il portait nos péchés. Il y avait ainsi en son corps et en son sang offrande du Seigneur, et avec lui, par lui, oblation de son peuple à Dieu le Père. Id., 13, p. 711-712. De même dans l’eucharistie il y a pareille union du Christ et des fidèles. Ce rite est l’oblation de l'Église tout entière, de son chef suprême et de tous les chrétiens qui lui sont unis. C’est la raison qu’invoque Cyprien pour exiger que l’eau soit mélangée au vin : elle représente le peuple et l’autre élément est le sang de Jésus-Christ. « Si quelqu’un offre seulement du viii, alors le sang du Christ est sans nous. Si par contre il n’y a que de l’eau, alors le peuple est sans le Christ. Quand l’un et l’autre élément sont mélangés, et s’unissent en une fusion qui les confond, alors le sacrement spirituel et céleste est consommé. » Ibid. Le principe poussé à son extrémité ferait croire que l’eucharistie faite avec du vin non mélangé d’eau est invalide. Cyprien ne le dit pas, mais il faut reconnaître que son langage permettrait de lui attribuer cette pensée. Le concept de la fusion des fidèles avec le Christ sacrificateur est si cher à Cyprien, qu’il présente aussi comme unies au Sauveur immolé en sacrifice les personnes recommandées par le prêtre à l’autel. Telle est la raison profonde qui explique le fruit retiré par elles du sacrifice. Vacant, op. cit., p. 17.

d) Entre le sacrifice de la cène et celui de l’eucharistie, déclare Cyprien, il y a pourtant une différence. Jésus-Christ n’a offert que sa passion. Nous aussi nous la présentons à Dieu, mais nous joignons à elle la résurrection. Id., 16, p. 714. Voilà pourquoi le chrétien célèbre la messe le matin, alors que la cène eut lieu le soir. Les fidèles ont donc innové, mais ils ont eu raison de le faire : l’eucharistie rappelle avec la passion la résurrection du Sauveur. L'évêque de Carthage n’a pas été amené à dire expressément que, si, à la messe, le peuple est uni au Christ souffrant pour nos péchés, les fidèles y ressuscitent avec lui. Mais il est évident que telle est sa pensée. L'économie générale de la doctrine de saint Cyprien appelle cette conclusion.

A la vérité, cette synthèse n’est qu'ébauchée. Elle est pourtant du plus haut prix ; plaçant le rite eucharistique au cœur même du culte chrétien, elle le relie intimement à tous les mystères de la foi. On peut dire qu’en lui se rejoignent les grandes pensées de la passion et de ses fruits, du Christ et de l'Église. Rien n’est plus éloigné des mystères païens, rien n’est plus chrétien. Cette synthèse complète à merveille celle de saint Irénée pour qui l’eucharistie est surtout l’offrande des prémices d’un monde nouveau, celui d’aujourd’hui et celui de demain. Toutes deux d’ailleurs se rapprochent. Car la création nouvelle dont parle l'évêque de Lyon, c’est la création rachetée à laquelle pense saint Cyprien.

7. De quelles cérémonies s’accompagne l’eucharistie ? — Le sacrifice chrétien a lieu de bonne heure, le matin, en souvenir de la résurrection. Il semble qu’on le célèbre chaque jour. Epist., lxiii, 16, p. 714 ; De dom. orat., 18, H., t. m a, p. 280 ; Epist., lvii (ol. liv), 3, t. m b, p. 652 ; lviii (ol. lvi), 1, p. 657. On solennise par l’oblation de l’eucharistie l’anniversaire des martyrs. Epist., xxxix (ol. xxxiv), 3, p. 583. Un certain Tertullus faisait connaître à Cyprien la date de la glorieuse mort des confesseurs, afin que le

sacrifice fut célébré pour eux. Epist., xii (ol. xxxvii), 2, p. 503. L’endroit où s’offre le corps du Christ est appelé un autel, allare ; Cyprien emploie le mot très souvent, sans aucune répugnance, et même, semblet-il, avec une réelle satisfaction. Cf. Epist., xliii (ol. xl), 5, p. 594 ; lxiii, 5, p. 704 ; lxv (ol. lxiv), 1, p. 722 ; i (ol. lxvi), 1, 2, p. 465, 466, etc., etc.

Saint Cyprien parle des leçons, des lettres pastorales de l'évêque, de l'évangile, qui étaient lus publiquement par le lecteur, du haut d’un ambon : Epist.', xxxviii (ol. xxxiii), 2, p. 581 ; xxxix (ol. xxxiv), 4, 5, p. 583 sq. Il fait observer qu’on prêche sur ce qui vient d'être lu. De mortalilale, H., t. in a, p. 267. Les catéchumènes ne peuvent recevoir la communion, ils sont donc „ renvoyés avant l’eucharistie. Epist., lxiii, 8, H., t. m b, p. 706. Cyprien ne nous a pas donné le texte d’oraisons liturgiques, mais il nous apprend qu’on prie publiquement pour l'Église et son unité. De dom. orat., 8, 17, H., t. m a, p. 271, 279 ; pour le pape, Epist., lxi, H., t. m b, p. 697, et à diverses intentions, par exemple pour les bienfaiteurs, Epist, lxii (ol. lx), 5, p. 701, les ennemis, les pécheurs, la paix, la préservation du mal, le salut de tous les hommes. Epist., xxx (ol. xxxi), 6, p. 554 ; De dom. orat., 3, 8, 17, H., t. m a, p. 268, 271, 279 ; Ad Demetrianum, 25, H., t. m a, p. 365. Voir Fortescue, op. cit., p. 56.

Le peuple présentait du pain et du vin. De opère et eleemosyna, 15, H., t. m a, p. 384. Au vin le célébrant mêlait de l’eau. Epist., lxiii tout entière. Le prêtre faisait ce qu’avait fait le Christ, il offrait ce qu’avait offert le Seigneur. Epist., lxiii, 2, t. m b, p. 707. Donc il récitait sur le pain et le vin les paroles de l’institution. Saint Cyprien les cite : Id., 9, 10, p. 708. On a observé qu’il emploie pour le vin le verbe au futur, donc sous la forme qu’il a dans le canon romain efjundetur. Saint Cyprien mentionne le Sursum corda et sa réponse : Habemus ad Dominum. De dom. orat., 31, H., t. ni a, p. 289. Il dit qu’on fait mémoire en chaque sacrifice de la passion, et qu’on y commémore la résurrection. Epist., lxiii, 16, 17, t. m b, p. 714.

Ces particularités, qui font peut-être allusion à une prière d’anamnèse, et la comparaison de l’eucharistie avec le sacrifice de Melchisédech, id., 4, p. 703, ont permis des rapprochements avec le canon romain : Unde et memores… tam beatse passionis nec non et ab inferis resurrectionis… munera quæ libi obtulit summus sacerdos luus Melchisédech. Voir F. Cabrol, art. Afrique, dans Diction, d’arch., t. i, col. 603. On a aussi suggéré d’autres points de rencontre : Cyprien écrit : Preces in conspeclu ejus, la liturgie romaine porte : In conspeclu divinx majestatis ejus ; Cyprien : Precum pro omnium salute, la liturgie romaine : Pro nostra omniumque salute ; Cyprien : Qui inter cetera salutaria sua monila et prsecepta divina quibus populo suo consulil, ad salulem etiam orandi ipse formam dédit, ipse quid precaremur, monuit et instruxit, De dom. orat., 2. H., t. m a, p. 268, la liturgie romaine : Præceptis salutaribus monili et divina institutione formali.

Tous les assistants communient. De lapsis, 25, H., t. m a, p. 255. Saint Cyprien parle de la réception quotidienne de l’eucharistie. De dom. orat., 18, p. 280, et les autres textes ci-dessus. On reçoit l’eucharistie sous les deux espèces. Le pain consacré est mis dans la main des fidèles. Saint Cyprien fait très souvent allusion à ce contact sacré dont il montre toute la sainteté. De lapsis, 2, 15, 16, 22, p. 238, 248, 253 ; De dom. oral., 18, p. 280, etc. Le diacre présente la coupe consacrée : De lapsis, 25, p. 255. On emporte l’eucharist ie à domicile et on la garde dans un coffret à la maison pour pouvoir se communier. De lapsis, 26, p. 256.

6° La Passion des saintes Perpétue et Félicité (| en 203). — Dans cette pièce, dont on tient communément lacomposition pour contemporaine de la mort des mar-