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    1. MARONITE (ÉGLISE)##


MARONITE (ÉGLISE), PATRIARCHES, XVIIIe SIÈCLE

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penses matrimoniales et de la levée des peines ecclésiastiques. Voir Relcaione, p. 1-1 sq. ; le P. Fromage, Lettres édifiantes, lue. cit., p. 409, -111 : un rapport conservé aux archives de l’hospice maronite de Home, publié par Anaïssi, Colleetio, p. 1-18. La patience intelligente de l’ablégat apostolique, le bon sens du patriarche et de l’épiscopat, l’intervention prudente de deux consuls de France, M. Martin et le cheikh Naufel El-Khazen, neveu du patriarche, l’activité discrète des jésuites et des missionnaires de Terre-Sainte finirent par avoir raison de toutes les intrigues. L’accord s’étant fait dans les commissions préparatoires sur le texte à proposer aux délibérations des Pères, Joseph El-Khazen et l’ablégat convoquèrent officiellement le synode pour le 30 septembre 1736, au monastère de Loaîsah, dans le Kasrawàn. Synode du Liban, p. xv-xvi : Relcaione, p. 9-10.

Les sessions commencèrent à la date fixée pour l’ouverture du concile et durèrent trois jours consécutifs, à raison de deux par jour. Elles s’entourèrent d’une solennité toute particulière, et jamais l’Église maronite n’avait connu pareille assemblée. A côté des évêques et des dignitaires des deux clergés séculier et régulier, siégeaient des prélats d’autres Églises orientales, des représentants des missions latines établies en Syrie et un grand nombre de chefs et d » notables de la nation. Tous apposèrent leurs signatures au texte du synode. Le patriarche, les évêques, les moines, les prélats étrangers et les religieux latins écrivirent à Rome pour annoncer au Saint-Siège la tenue et la clôture régulières du synode, en demander la confirmation et prier d’en imprimer le texte à la typographie de la Propagande. Dans les autres lettres adressées au pape et à la Propagande, le patriarche exalta le mérite d’Assémani. Le patriarche et l’ablégat firent copier en plusieurs exemplaires, dûment authentiqués à l’intention des évêques, le texte conciliaire dont l’original arabe allait être porté à Rome. Puis, d’un commun accord, ils décidèrent d’appliquer immédiatement les mesures les plus urgentes, et notamment de supprimer ces monastères mixtes où moines et moniales vivaient côte à côte, séparés les uns des autres par une simple clôture, mais dépendant de la même autorité et possédant les mêmes biens. Cette pratique était assez répandue en Orient, et remontait à une époque très reculée. Nous en voyons déjà la condamnation dans la Novelle cxxiii, 36, de Justinien et au VIIe concile œcuménique, tenu à N’icée, en 787. Mansi, Concil., t. xiii, col. 437 ; Théod. Ralsamon, Canones Sanclie et universalis Vil synodi, P. G., t. cxxxvii, col. 990-994 ; et voir E. Marin, Les moines de Constantinople, Paris, 1897, p. 41-42. Le patriarche et l’ablégat convinrent d’affecter certains monastères exclusivement aux femmes et d’autres aux hommes. Assémani se mit à la besogne. Le patriarche l’appuyait en tout. Son action ne rencontra d’abord pas de résistance ; mais lorsqu’il arriva aux trois monastères de’Aïn-Warqa, de Mar-Challita (saint Artémius) et de Raïfoun, situés dans le Kasrawàn, il se heurta à une opposition systématique, irréductible, menée, pour’Aïn-Warqa, par Jean Estéphan, évêque de Laodicée, et, pour Mar-Challita, par Elie Mohâsseb, évêque d’Arka. A Raïfoun, sur l’instigation d’Élie Mohâsseb, le patriarche lui-même qui avait établi sa résidence dans ce monastère, changea d’attitude et voulut maintenir le statu quo. L’évêque d’Arka, d’intelligence avec son collègue de Batroun (Botrysj, Etienne Douaïhi (Aldoense), porta même Joseph El-Khazen à prescrire aux moines et aux moniales qui avaient accepté la réforme, de rétablir les monastères mixtes. C’était déjà une tactique assez hardie. Mais il y a plus grave, et, cette fois, le P. Élie Pelice (Elias Sa’d), secrétaire du patriarche, quelques

membres de la famille El-Khazen, un missionnaire latin et un ancien élève du collège de Rome apportèrent leur concours aux mécontents. Pour rendre (ont accord impossible entre l’ablégat et le patriarche. Mohâsseb, Douaïhi et Sa’d représentèrent à’celui-ci la réforme des monastères comme une tache a l’honneur des religieux et de la nation tout entière, et le poussèrent à faire distribuer une véhémente protesta tion, à plus de 100 exemplaires, aux évêques, aux moines, aux moniales, aux chefs et principaux du peuple maronite, aux consuls de France, aux missionnaires latins, aux anciens élèves de Rome, à Assémani lui-même. Inspiré et poussé par de tels conseillers, le patriarche alla jusqu’à déclarer qu’il ne reconnaissait plus l’ablégat, qu’il lui enlevait toute juridiction sur les maronites et qu’il portait l’affaire devant le Saint-Siège. Une pareille volte-face déconcerte. Peu expérimenté dans la science du droit, impressionné par l’argumentation de ses hommes de confiance, Joseph El-Khazen se laissa circonvenir et commit, de bonne foi sans doute, un grave excès de pouvoir. Relazione, p. 19 et 24. En revanche, le plus grand nombre des évêques, la grande majorité des Khazen, les Hobaïch de Ghazir, les anciens élèves de Rome, les moines de l’ordre de Saint-Antoine de la Congrégation du Mont-Liban, les Pères de Terre-Sainte, les jésuites, les capucins et les carmes déploraient ces tristes incidents ; ils désapprouvaient les remuants conseillers du patriarche et tenaient pour la séparation bien nette entre monastères d’hommes et monastères de femmes.

Devant une telle opposition, les conseillers du patriarche, pour donner à leurs prétentions une teinte juridique, déplacèrent la controverse en soulevant deux autres questions : celle de l’institution canonique des éparchies avec les pouvoirs et les obligations qui en résultent, et celle des taxes relatives à la collation des ordres et à la distribution des saintes huiles. L’application de la réforme sur ces points, disaient-ils, lésera les droits du patriarche ; celui-ci, à l’exclusion des évêques, a seul juridiction pleine et entière ; il est le chef immédiat de tous les maronites, les autres prélats ne sont que ses vicaires. Ainsi, d’un conflit d’intérêt, ils voulaient faire un conflit de doctrine. Mais si leur théorie pouvait être acceptable avant" le synode du Mont-Liban, elle ne l’était plus après. En tout cas, elle fut sérieusement combattue par l’ablégat aussi bien que par les autres évêques. Sur ces entrefaites, de nouvelles instructions arrivèrent de -Rome ; le Saint-Siège insistait sur la mise en pratique de la réforme et son application aux articles controversés.

Assémani quitta la Syrie en 1738 sans avoir pu mettre à exécution les ordres du pape ; il alla visiter les maronites de Chypre où il assembla, le 7 mars de la même année, un synode diocésain dont les actes furent envoyés au patriarche, aux évêques et à la Congrégation de la Propagande. De Chypre, l’ablégat se rendit en Egypte pour visiter les diverses communautés chrétiennes catholiques et non catholiques. De là, il retourna à Rome. Dès son arrivée, il présenta à Clément XII et à la Propagande le texte du synode du Mont-Liban. Le pape chargea une commission de cardinaux de l’étudier. Décret de la Propagande, 27 août 1741, p. 473 du Synode du Liban. Le parti de l’opposition fit entendre ses plaintes violentes jus qu’au milieu de la curie. Il était représenté à Rome, par un prêtre, Élie Felice (Elias Sa’d), qui avait pourtant rempli au synode les fonctions de secrétaire. La discussion n’était plus limitée aux articles d’abord litigieux. On attaquait toute l’œuvre conciliaire, chargeant de calomnies la personne de l’ablégat. Élie Felice avait dû abuser du mandat à lui donne par le patriarche. Celui-ci n’eût certainement pas approuvé, en cette occurrence, l’attitude peu digne d’un manda-