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MESSE EN OCCIDENT : SAINT CYPRIEN


une apparence de vérité ». Epist., lxxiii, 2, H., t. m b, p. 779. « Comment (les Novatiens) peuvent-ils mener à bien ce qu’ils font ou obtenir de Dieu quelque chose par leurs tentatives illégitimes, eux qui trament contre Dieu ce qui ne leur est pas permis. » Coré, Dathan et Abiron rebelles ont subi la peine de leurs crimes. Et les sacrifices irréligieusement et illicitement offerts contre le droit établi par l’ordre de Dieu n’ont pu être ratifiés ni devenir efficaces. Epist., i.xix (ol. lxxvi), 8, p. 750. Donc les oblations des schismatiques sont « fausses et sacrilèges ». Epist., lxxii, 2, p. 770. Cyprien n’accorde pas plus de valeur aux sacrifices offerts par les apostats, Basilide, .Martial et Fortunatien. Epist., lxvii, 2, 3, p. 730, 737. Pour détourner le peuple de ce dernier, il fait observer ' « que l’oblation ne peut pas être sanctifiée là où n’est pas le Saint-Esprit, et que le Seigneur ne secourt pas quelqu’un en raison des oraisons et des prières de celui qui a lui-même outragé le Seigneur. Epist., lxv (ol. lxiv), 4, p. 725. « L’eucharistie, c’est l’huile sanctifiée à l’autel et dont sont oints les baptisés. Or celui qui n’a ni autel, ni Église ne peut sanctifier cette créature qui est l’huile. Cette onction spirituelle ne peut avoir lieu chez les hérétiques, puisqu’il est établi que chez eux l’huile ne peut être sanctifiée, et que l’eucharistie ne peut être faite. » Epist., lxx, 2, p. 768. La même doctrine se trouve dans une lettre de Cyprien au pape Corneille qui exprime non seulement la pensée de l'évêque de Carthage, mais celle de soixante et onze de ses collègues réunis en concile dans la métropole de l’Afrique en 256. Voici ce que « d’un consentement et de par une autorité commune » ils avaient décidé : « Les prêtres ou les diacres qui, ordonnés d’abord dans l'Église catholique étaient ensuite devenus perfides et révoltés, comme aussi ceux qui, contrairement à l’ordre du Christ, avaient été par une ordination profane introduits dans la hiérarchie chez les hérétiques par des pseudo-évêques et des antéchrists, ces hommes qui en face de l’autel unique et divin ont osé offrir des sacrifices faux et sacrilèges, s’ils font pénitence, ne pourront être reçus qu'à la condition de communier à la manière des laïques… ils ne doivent pas, étant de retour parmi nous, garder les armes d’ordination et d’honneur avec lesquelles ils se sont révoltés contre nous ». Epist., lxxii, 2, p. 776.

Nul doute, d’après les textes cités, le sacrifice offert par les personnes dont parle Cyprien est sans fruit, sacrilège, il ne saurait être « profitable », profîcere, il « n’obtient rien », impetrare, le Seigneur ne secourt pas, nec prosit, ceux pour lesquels il est offert. Mais les affirmations de Cyprien vont plus loin : cette oblation est nulle, n’existe pas, nec potuerunt rata esse, elle est fausse, falsa sacrificia. Chez les hérétiques il ne peut pas y avoir d’eucharistie.

Les textes reproduits plus haut visent le cas de Novatien et de ses disciples, en d’autres termes des schismatiques ou encore celui des prêtres qui ont apostasie, tombant ainsi dans l’hérésie la plus complète et se séparant de l'Église qui, à son tour, se sépare d’eux. Afin de ne pas dépasser l’affirmation contenue dans ces témoignages, nous n’oserions pas généraliser. Nous ne voudrions donc pas écrire, avec P. Batiffol, que, d’après saint Cyprien, « le pouvoir de sanctifier l’oblation est un pouvoir que le ministre indigne a perdu par son indignité ». Op. cit., p. 246 ; L'Église naissante et le catholicisme, Paris, 1909, p. 453-454. L'évêque de Carthage applique à la consécration de l’euchatistie ce qu’il enseigne de l’administration du baptême : le ministre séparé de l'Église par l’hérésie ou le schisme a perdu son pouvoir d’offrir validement le sacrifice. Cyprien ne dit pas si à ses yeux tout prêtre coupable de faute grave est atteint de la même impuissance.

L’erreur de saint Cyprien signalée ici découle comme

une conséquence naturelle de sa théorie sur l'Église. Elle est pout lui « la dépositaire des pouvoirs de JésusChrist et la dispensatrice de ses grâces. » Tixeront, Histoire des dogmes, t. i, Paris, 1909, p. 388. Seule donc, par les ministres qui sont en communion avec elle, par ceux qui ne sont ni schismatiques, ni hérétiques, ni apostats, ni excommuniés, elle peut validement soit administrer les sacrements, soit offrir le sacrifice. Mais il ne découle pas du même principe que toute faute grave entraîne pareille conséquence. Lu texte de Cyprien expose à merveille sa pensée : Commentant les paroles de l'Écriture d’après lesquelles on doit manger un agneau pascal, par maison et ne pas en jeter la chair dehors, Ex., xii, 3-4, 46, il dit : « L’agneau était le signe du Christ. Il n’y a qu’une maison dans laquelle on puisse le manger. La chair est le sunctum, les mets sacrés du Seigneur ne peuvent pas être jetés dehors, et pour les croyants il n’y a pas d’autre maison où on mange l’eucharistie que l’unique Église. » De unitale Ecclesise, 8, H., t. m a, p. 217. II est sûr que saint Cyprien exige une vie et des dispositions saintes de celui qui fait l'œuvre sainte du Seigneur, le sanctum Domini. Epist., lxv (ol. lxtv) 2, 4, H., t. m b, p. 723. 725. Vue brève formule dit tout : Oportel enim sacerdotes et minislros qui allari et sacrificiis observiunt, integros atque immaculatos esse. Les mots se lisent dans la lettre, par laquelle Cyprien communique au pape Etienne les dispositions prises par le concile tenu à Carthage en 256. Epist., lxxii, 2, p. 776.

Le diacre présente la coupe aux fidèles qui assistent au sacrifice. De lapsis, 25, H., t. ni a, p. 255. Les chrétiens offrent eux aussi l’oblation en un certain sens : Pendant que s’accomplit l’eucharistie et que l’officiant récite « la prière solennelle pour sanctifier le pain et le vin », ils gardent le silence. De oratione dominica, 4, H., t. m a, p. 269. Mais c’est pour eux, en leur nom, que l’officiant offre le sacrifice. Bien plus, par leurs offrandes, les fidèles rendent possible l’accomplissement de l’acte sacré, et ainsi ils participent à l’oblation, ils l’offrent. « Tu es riche et dans l’opulence, dit-il à une femme avare, et tu crois que tu célèbres le rite du Seigneur, dominicain celebrare, toi qui ne regardes pas la caisse commune, toi qui viens au rite du Seigneur, sans sacrifice, toi qui prends ta part du sacrifice qu’a offert le pauvre. » De opère et eleemosynis, 15, H., t. m a, p. 384.

4. Qui peut participer au sacrifice ? — Saint Cyprien n’a pas étudié la question sous cette forme générale comme pourrait le faire un théologien ou un canoniste. Évêque, il a résolu des cas de conscience.

Il en est un qui ne cesse de s’imposer à son attention, celui des chrétiens qui ont failli dans la persécution, celui des lapsi. Avant qu’ils aient accompli les exercices réguliers de la pénitence et qu’ils aient été officiellement réconciliés, trois actes sont interdits : on ne doit pas les admettre à la communion, en d’autres termes célébrer devant eux les saints mystères, il est défendu « d’offrir », en leur nom, enfui on ne peut pas leur accorder l’eucharistie. Telle est la triple peine appliquée à ces coupables et que rappelle à plusieurs reprises saint Cyprien. Les trois actes sont expressément indiqués : communicent cum lapsis, et offeranl, eucharistiam tradant, Epist., xvi (ol. ix), 3, H., t. in b, p. 519 ; cum lapsis communicare cœpisse et offerre pro illis, et eucharistiam dare, Epist., xvii (ol. xi), 2, p. 522 ; offere pro illis et eucharistiam dari. Epist., xv (ol. x), 1, p. 514. Ces interdictions sont très graves. Cyprien les motive par les considérations les plus capables de faire réfléchir ceux qui transgressent ces règles canoniques, catholiques apostats ou prêtres trop complaisants pour eux, loc. cit. : on commet un « crime ». « on envahit le corps du Seigneur, on lui fait violence ».