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MESSE CHEZ LES ALEXANDRINS : CLÉMENT

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qu’il désirait obtenir d’eux, ce n'était pas tant les holocaustes et les oblations que la foi et l’obéissance, la justice et la miséricorde. Il le leur rappela par les prophètes. IV. xvii, 4, et leur annonça par Malachie le sacrifice pur de l’avenir. IV. xvii. 5. Lui-même leur reprocha l’hypocrisie dont ils faisaient preuve en lui offrant des dons extérieurement convenables, alors que leur conscience était souillée. IV, xviii, 3. Ils le mirent à mort, aussi demeurent-ils incapables d’offrir désormais des sacrifices, puisque leurs mains sont pleines de sang, et puisqu’ils n’ont pas reçu le Verbe qui s’offre à Dieu. IV, xviii, 4. Le sacrifice juif a donc cessé. IV. xvii, 4.

c. Le sacrifice des chrétiens. — Mais Dieu n’a pas repoussé les offrandes et les sacrifices. Comme il y en avait chez les Juifs, il doit y en avoir chez les chrétiens. IV, xvii, 2. Jésus a institué l’oblation du Nouveau Testament, xvii, 5, lorsqu’il a dit sur du pain : « Ceci est mon corps », sur une coupe de vin trempé : » Ceci est mon sang. » IV, xviii, 5. C’est ainsi qu’il apprit à ses discip'.es le moyen de lui offrir « les prémices de ses créatures ». IV, xvii, 5. Saint Irénée ne se lasse pas de répéter cette affirmation. Il la prouve : le pain et le vin sont pris dans le monde créé, où ils sont à notre usage. La parole de Dieu est prononcée sur eux et ils deviennent l’eucharistie, corps et sang du Seigneur. IV. xviii, 5. Puisque c’est elle qu’on offre à Dieu, nous lui présentons vraiment un de ses bienfaits, IV, xviii, 5 ; les prémices des créatures, IV. xviii, 4, etc., ce qui est le plus apte à représenter le monde nouveau. D’une part, le pain et le vin sont les aliments substantiels de la vie ; d’autre part, Jésus est le premier-né des créatures par sa place dans l’univers, le premier-né des morts par l’antériorité de sa résurrection. Enfin, le pain et le vin changés au corps et au sang du Christ sont les prémices de cette terre où s'établira le royaume futur, et où croîtront d’innombrables grappes de raisin qui réclameront à l’envi le privilège d'être consacrées à Dieu dans l’eucharistie. V, xxxiii, 3. Vacant, op. cit., p. 13.

Par là se manifeste la supériorité du sacrifice nouveau sur celui des Juifs : leurs oblations étaient celles des esclaves, ils donnaient par - force, ils offraient peu afin d’obtenir beaucoup, ils accordaient la dîme. IV, xviii, 2. Notre offrande est celle de créatures libres qui ont été rachetées par le sang du Christ. Donc, puisque nous lui appartenons tout entiers, nous lui donnons tout ce que nous avons avec joie et librement. IV, xviii, 2. Nous présentons en effet au TrèsHaut le monde de la matière et le monde des hommes, la i chair et l’esprit ». l'élément terrestre et l'élément céleste, la créature et le Verbe qui s’offre à Dieu. IV. xviii, 5 ; xviii, 4.

Quelque sublime que soit en lui-même ce sacrifice, il exige de ceux qui l’offrent de saintes dispositions. L'Église qui a reçu le rite de la main des apôtres présente cette offrande avec simplicité. IV, xvii, 5 ; xviii, 4. Il n’y r a en elle aucune hypocrisie, pas d’opposition entre l’oblation extérieure et ses sentiments, sa doctrine. Le sacrifice confirme son enseignement et l’enseignement s’accorde avec son sacrifice. IV, xviii, 5. -Mais il ne suffit pas que la société comme telle soit pure pour que l’oblation le soit : tout fidèle qui veut offrir ce sacrifice doit en faire une action de grâces que rien ne dément : il est tenu d’avoir une doctrine pure, une foi sans hypocrisie, une ferme espérance et une ardente charité. IV, xviii, 4.

Qu’il en soit ainsi, et alors vraiment l’offrande sera le sacrifice pur annoncé par Malachie et qui doit louer Dieu dans tout l’univers. Le nom de Notre-Seigneur est, en effet, par l’eucharistie glorifié dans tous les peuples et par lui est glorifié le nom du Père. En tout

lieu avec ce sacrifice pur est offert au Très-Haut l’encens, c’est-à-dire les prières des saints, IV, xvii, 6, il apparaît comme l’eucharistie, l’action de grâces par excellence. Partout notre don doit être « fréquemment et sans cesse » présenté dans le temple, sous le tabernacle et à l’autel du ciel. IV, xviii, 6. Ainsi réapparaît une pensée qui depuis l'Épître aux Hébreux et l’Apocalypse semblait avoir été oubliée. Alors il est impossible que notre bonne œuvre ne porte pas en elle-même sa récompense. IV, xvii, 4 ; xviii, 6. De ce que nous offrons, nous retirons du fruit.

IV, xviii, 6. Nous présentons à Dieu le corps et le sang du Seigneur : Dieu nous les rend. Cette chair du Christ qui fut rédemptrice est une source de vie éternelle. Elle ne s’introduit donc en notre chair, et la coupe ne se glisse en notre sang, que pour sanctifier la créature, IV, xviii, 6, et nous donner l’immortalité.

V, ii, 2-3. C’est ainsi que le sacrifice trouve sa place dans le plan universel de Dieu. V, ii, 2. On sait ce qu’il est d’après Irénée : « Le Verbe s’est fait ce que nous sommes afin de nous faire ce qu’il est. » V, pra ?f., col. 1014. L’opération s’est développée en cinq actes : 1) en l’homme, Dieu a par la main du Verbe créé une vie faite à l’image de la sienne ; 2) par le péché nous avons perdu cette vie semblable à celle de Dieu ; 3) le Verbe s’est fait chair pour racheter l’homme et réintroduire en notre chair la vie divine ; 4) par l’eucharistie, il fait passer en notre chair sa propre chair douée d’une vie divine et partant d’immortalité ; 5) ayant reçu le corps et le sang du Christ, nous ressusciterons pour une vie éternelle. On voit la place que tient dans cette économie du salut le sacrifice qui se termine par « la communion au corps et au sang du Christ Rédempteur ». II, v, 2. Quand nous faisons notre offrande, notre chair « nourrie du corps et du sang du Christ devient un de ses membres », elle obtient la vie éternelle. Sans doute, elle sera d’abord soumise à la mort, « tombera en terre et deviendra corruption, mais ce sera pour ressusciter en son temps, par le don du Verbe, pour la gloire du Père ». V, ii, 3.

Après avoir reconstitué la pensée de saint Irénée, il est permis de se demander, si jamais la notion du sacrifice est entrée dans une synthèse plus complète, plus grandiose, plus féconde en conséquences pratiques. Plus d’une expression est gauche, et il est des affirmations qui ne sont pas sans danger (l’eucharistie avec double élément, céleste et terrestre ; notre corps nourri du corps du Christ) Mais l’idée maîtresse est des plus heureuses, les princioes métaphysiques et les règles morales sont du meilleur aloi, et la synthèse lie étroitement toutes les données de la raison et de l’Ancienne Loi à tous les enseignements du Nouveau Testament et de l’antique tradition. Qu’on précise le langage, comme on peut le faire aujourd’hui, qu’on laisse tomber ce qui, écrit contre les gnostiques, a perdu toute actualité, et on garde une théorie du sacrifice qui peut soutenir la comparaison avec toutes celles qu’on a imaginées depuis. Cf. Vacant, op. cit. ; A. d’Alès, La doctrine eucharistique de saint Irénée, dans Recherches de science religieuse, 1923, t. xiii, p. 24-46.

IV. En Orient, jusqu’au milieu du iiie siècle. — 1° Clément d’Alexandrie (i entre 2Il et 216). — Nous ne signalons pas les textes dont il est impossible ou difficile d’affirmer qu’ils parlent du sacrifice chrétien au sens propre. Sans doute, quand Clément allégorise, la figure fait connaître quelque peu la réalité ; mais les conclusions à dégager restent incertaines.

Clément rappelle que le Christ a institué le rite chrétien. « Le Sauveur, ayant pris du pain, d’abord parla et rendit grâces ; puis, ayant rompu le pain, il le servit afin que nous mangions spirituellement.