Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/463

Cette page n’a pas encore été corrigée
911
912
MESSE AU DEUXIÈME SIECLE : SAINT IRENEE


c) Cont. lucres., t. IV, c. xxxiii, 2, col. 1073. — Incompatibilité entre le marcionisme et la doctrine sur l’eucharistie.

d) Cont. hures., t. V, c. ii, 2-3, col. 1124-1127. — Incompabibilité entre les hérésies qui nient la résurrection de la chair et la doctrine sur l’eucharistie.

A ces textes il convient d’ajouter la Lettre au pape Victor, relative à l’affaire quartodécimane, conservée par Eusèbe, H. E., t. V, c. xxiv, n. 12 sq., P. G :, t. xx, col. 500 sq. Elle rapporte la visite faite par Polycarpe au pape Anicet et comment, malgré la persistance du dissentiment sur la question pascale, èxoivoWr ; aav êauToTç, >tat èv -rf) èxxXr.ata 7tapsy_a>p-y ; a£v ô 'Avixyjtoç tJ)v eù/apiaxtav tù Uo"/x>x.âç>Tt<x>, ce que l’on traduit d’ordinaire : « Anicet céda (la célébration de) l’euçhalistie à Polycarpe. » — La même lettre rapporte que les anciens papes restaient en bons rapports avec les tenants de l’usage asiatique et leur envoyaient l’eucharistie. Ibid., col. 505.

2. Doctrine de saint Irénée.

a) Analyse : les diverses affirmations doctrinales. — Relevons d’abord les affirmations de saint Irénée sur le sens desquelles aucune discussion ne semble possible. Dans le rite chrétien de l’eucharistie figurent du pain et une coupe. Cont. iueres., IV, xvii, 5 ; xviii, 4 ; xxxiii, 2- ; V, ii, 2. Celle-ci contient du vin. Irénée parle du cep de la vigne qui produit la matière de l’eucharistie. V, ii, 3. A ce vin est ajouté un autre élément qu’Irénée ne nomme pas, mais qui évidemment est de l’eau : il parle plusieurs fois du mélange de deux liquides dans la coupe. IV, xxxin, 2 ; V, ii, 3. Déjà il voit dans le vin une figure de la divinité ; l’eau représente sans doute à ses yeux le siècle, la nature humaine. V, i, 3.

L'évêque de Lyon le répète au moins trois fois : « Le pain provenant de la terre et recevant l’invocation de Dieu, n’est plus du pain ordinaire, mais l’eucharistie, composée de deux éléments, l’un terrestre et l’autre céleste. » IV, xviii, 5. « Le calice avec son mélange et ce dont on a fait du pain reçoivent la parole de Dieu et deviennent l’eucharistie, corps du Christ. » V, ii, 3. « Le cep de vigne et le grain de blé donnent des mets qui recevant la parole de Dieu deviennent l’eucharistie, c’est-à-dire le corps et le sang du Christ. » V, ii, 3. Sur le sens des mots « parole ou invocation de Dieu », voir art. Épiclèse eucharistique, t. v, col. 233. Ce qui est sûr, c’est que l’effet produit ne saurait être attribué à la récitation de n’importe quelles paroles. Il y a « une prière arrêtée et traditionnelle ». Batiffol, op.. cit., p. 182. Il semble nécessaire d’admettre qu’elle est la même partout, puisque Polycarpe, évcque de Smyrne, venant à Rome peut y être invité par l'évêque de cette ville Anicet à y célébrer l’eucharistie à sa place. Lettre d’Irénée à Victor.

Les mots déjà cités nous apprennent ce qu’est l’eucharistie : Le corps et le sang du Christ. V, ii, 3. Cette affirmation se retrouve encore ailleurs. Le Seigneur a déclaré, écrit saint Irénée, que le pain est son corps, le calice son sang. » IV, xxxiii, 2. L'évêque de Lyon reproduit les mots de I Cor., x, 16 : « La coupe est communion à son sang, le pain communion à son corps. » V, ii, 2. Deux lignes plus loin, on trouve une affirmation semblable, en termes plus expressifs encore, si c’est possible : « Jésus l’a déclaré : le calice… est son propre sang, le pain… son propre corps qui nourrit notre corps. » V, ii, 2. Dans le paragraphe qui suit, l’affirmation revient quatre fois : l’eucharistie est appelée « corps du Christ », il est affirmé que notre chair est « nourrie du corps et du sang du Seigneur », que notre nature s’alimente à « la coupe qui est son sang » et croît par le pain « qui est son corps » ; enfin de nouveau l’eucharistie est appelée corps et sang du Christ. V, ii, 3. Sur le sens précis de ces mots, voir ici art. Eucharistie, col. 1129-1130, de plus Struck mann, op. cit., p. 60-88 ; Batiffol, op. cit., p. 173-183. La présence réelle du corps et du sang du Christ n’est pas douteuse.

Un tel rite n’a pu être institué que par le Christ. Irénée l’affirme ; « Jésus prit du pain… rendit grâces en disant : Ceci est mon corps ; il saisit ensuite la coupe… et déclara qu’elle était son sang. » IV, xvii, 5. La même affirmation se retrouve en deux autres passages, IV, xxxiii, 2, et V, ii, 2. C’est ainsi que le Christ enseigna aux apôtres Voblalion du Nouveau Testament, leur donna le moyen d’offrir à Dieu les prémices de ses créatures. IV, xviii, 1. Dieu veut que nous lui fassions cette offrande, IV, xviii, 6 ; il faut donc que nous la lui présentions. IV, xviii, 1.

L'Église obéit à cette prescription. Ayant reçu des apôtres cette oblation, elle la présente dans tout l’univers. IV, xvii, 5. Seule elle peut l’offrir. Ni les Juifs, ni les hérétiques ne sont aptes à faire cette oblation, IV, xvrn, 3, qui est vraiment « l’offrande de l'Ég.ise ». IV, xviii, 2, 5, 6. Par cette manière de parler, Irénée n’entend pas signifier que chaque chrétien peut consacrer l’eucharistie, puisqu'à Rome, c’est l'évêque Anicet ou son délégué, un autre chef d'Église, Polycarpe de Smyrne, qui fait l’opération. L’eucharistie est envoyée non par des particuliers à des particu.iers, mais par des presbytres, ceux de Rome, aux fidèles des Églises quartodécimanes, qui étaient de passage dans la ville. Et Irénée nomme « ceux qui dirigent l'Église » : Anicet, puis Hygin, Télesphore, Xystus. Lettre à Victor, fr. m. Le rôle de la hiérarchie et ses droits sont ainsi expressément signalés. Mais, parce que l’offrande est faite au nom de tous, elle apparaît comme celle de l'Église, et Irénée peut dire d’elle : « Nous la présentons, elle est notre oblation à chacun. »

C’est un sacrifice. Les termes déjà cités ! e prouvent. Les mots offrir et oblation si fréquemment employés par saint Irénée désignent vraiment chez lui un acte rituel et ils doivent s’entendre au sens ittéral et technique, en usage chez les Juifs et dans le monde contemporain d’Irénée. Ces offrandes succèdent aux sacrifices d’Israël, IV, xvii, 5, et peuvent leur être assimilés : « Il y avait chez les Juifs oblation et il en est de mê 'e chez les chrétiens ; il y avait des sacrifices dans le peuple de Dieu et il y en a dans l'Église. La qualité seule est changée… Ce qui a été réprouvé, ce n’est pas l’acte d’offrir. » IV, xviii, 2. L’oblation chrétienne est celle qu’avait prédite Malachie, IV, xvii, 5, le « sacrifice pur » et qui doit être offert dans l’univers entier pour glorifier Dieu dans toutes les nations. IV, xvii, 6 ; xviii, 1, 3. C’est aussi « l’oblation du Nouveau Testament », IV, xvii, 5, donc celle qui primitivement a fondé et qui maintenant commémore l’alliance conclue dans le sang de Jésus entre Dieu et son peuple nouveau.

Aussi ce sacrifice glorifie-t-il le Père par Jésus-Christ.' IV, xvii, 6. Notre offrande rend honneur à Dieu et lu prouve notre affection. IV, xviii, 2. Par elle, nous lui faisons action de grâces pour ses bienfaits, IV, xvii, 1, xviii, 1, 3, 4, 6, en lui présentant les prémices des créatures, IV, xviii, et même en lui donnant tous nos biens. IV, xviii, 2.

Mais offrir ainsi au Très-Haut un tribut qui lui est agréable, c’est pour nous-même un honneur et un profit, IV, xviii, 1, 3 ; en retour, Dieu nous accorde ses bienfaits. IV, xviii, 6. Ainsi le sacrifice sanctifie la création, IV, xviii, 6 ; en y participant par la communion, notre chair reçoit la vie et l’immorta’ité. V, ii, 3. Cette dernière vérité est une de celles, sur lesquelles l'évêque de Lyon insiste davantage. Enfin le sacrifice symbolise et entretient l’unité de l'Église. Lettre au pape Victor.

Pour queses heureux effets soient obtenus, des