Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/456

Cette page n’a pas encore été corrigée
897
898
MESSE AU DEUXIÈME SIÈCLE : SAINT JUSTIN


saint Ignace, son délégué. Peut-être Justin a-t-il employé à dessein ce mot, parce qu’il est apte soit à désigner le chef de l'Église locale, soit son représentant le prêtre.

d) Celui qui préside prend la parole pour l’instruction morale et pour exhorter à imiter ces beaux enseignements. Apol., lxvii, 4. — Nouvelle imitation de l’usage juif : à l’office du samedi matin, après la lecture des saints Livres, le commentaire en était fait. Jésus a rempli parfois cet office : Matth., iv, 23 ; Marc., i, 21 ; vi. 2 : Luc, iv, 15 sq. : xiii, 10 ; Joa., vi, 59 ; xviii, 20. L’union de l’eucharistie et de la prédication prouve qu’on tenait ces deux actes pour les plus importants du culte : on voulut donc qu'à l’assemblée dominicale où tous les frères se réunissaient, ils eussent leur place assignée. Lietzmann, op. cit., p. 258. C’est un fait accompli à Rome en 150. Et peut-être pour ce motif, l’eucharistie d’abord célébrée le soir le fut à l’office du matin où, selon l’usage hérité de la Synagogue, avaient lieu la lecture et l’homélie morale.

e) Ensuite, nous nous levons tous ensemble et nous adressons des prières. Apol., lxvii, 5. — De même dans la description de la cérémonie qui suit le baptême on lit : Nous faisons avec ferveur les prières communes. lxv, l. — Désormais les deux descriptions de saint Justin concordent et se complètent. Dans leucharistie célébrée après le baptême la lecture et la prédication ne sont pas mentionnées. Elles ont été remplacées par les cérémonies antérieures.

Cette fois encore, l'Église chrétienne conserve l’usage des synagogues : le samedi matin, après la lecture et l’homé.ie, venait la prière. Nous voudiions être renseignés sur cette supplication. On comprend que l’apologiste n’ait pas pu satisfaire davantage notre curiosité, si la pritre est en partie ou totalement improvisée, le peuple ne répondant que par - des Amen ou des acclamations. Une des deux descriptions indique le thème général de l’oraison (collecte serait-on tenté de dire, puisque tous se lèvent ensemble) : « Nous la faisons pour nous, pour le baptisé, pour tous les autres qui sont partout, afin d'être trouvés, nous qui avons connu la vérité, gens de bonne vie et fidèies aux préceptes reçus pour opérer notre salut éternel. » i.xv, 1. Ainsi nous voyons que cette piière est vraiment catho.ique. Les assistants ne s’oub ient pas. mais ils pensent aussi à tous leurs frères. Ce qui est demandé ce sont les biens spirituels, une bonne vie et le salut.

On lit encoie dans le Dialogue : « Nous prions pour nous et pour tous les autres hommes afin que changeant d’opinion, d’accord avec nous, vous ne blasphémiez pas… ie Christ Jésus, mais qu’au contraire croyant en lui, vous soyez sauvés… » xxxv, 3. « Nous prions pour vous (les juifs), afin que vous soyez pris en pitié par le Christ », xcvi, 3 ; « pour que vous trouviez tous miséricorde auprès du Père compatissant et très miséiicoi dieux ». cviii, 3. « Nous tous prions pour vous et pour tous les hommes. » cxxxiii, 6. Saint Justin ne dit pas que la prière dont il parle soit la supplication de la messe, mais on peut le penser. Thibaut, op. cit., p. 48, fait remarquer que deux fois en ces passages il est parlé de la pitié du Christ et de celle du Pèie, et que ces mots pourraient être une allusion au Kyrie eleison dont l’usage est foit ancien. Duchesne, op. cit., p. 58, le fait lemonter à la Bible. Cf. Fortescue, op. cit., p. 306.

/) Puis nous nous embrassons les uns les autres, suspendant tes prières. Apol., lxv, 2. — Cet usage n’est mentionné que dans la desciiption de l’assemblée euchaiistique i.ui suit le baptême. Il est a.ors tout à fait de circonstance : il convient qu’un signe de fraternité soit donné par les frères à ceux qui viennent d'être introduits dans leur famille. Bien que Justin ne signa.e pas ce rite comme une des cérémonies

DICT. DE THÉOL. CATH.

de la réunion dominicale, on peut croire qu’il s’y accomplissait, puisqu’il se rencontre dans toutes les liturgies dès la plus haute antiquité et qu’il est recommandé par le Nouveau Testament.

L’apologiste fait observer qu’on cesse de prier. lxvii, 5, cf., lxv, 2. Ces mots soulignent assez bien le passage du service imité de la synagogue et appelé parfois « messe des catéchumènes » au service essentiellement chrétien, et nommé pour ce motif « messe des fidèles ». Justin ne dit pas s’il y a un renvoi d’une partie de l’assistance à ce moment.

g) Du pain est apporté, du vin et de l’eau, lit-on dans la description de l’assemblée dominicale. Apol., lxvii, 5. Même affirmation dans le texte parallèle : Alors est présenté à celui qui préside les frères du pain et une coupé d’eau et de vin trempé, lxv, 3. De même, il est affirmé que les diacres distribuent aux assistants le pain, le vin et l’eau, lxv, 5.

Notons d’abord que les deux éléments, l’un sec et l’autre humide, comme dit Justin, sont tous deux, à n’en pas douter, également partie essentielle et nécessaire de l’eucharistie. Aux textes déjà cités, on peut, pour le prouver, adjoindre des attestations tirées du Dialogue où il est parlé du pain et de la coupe. ex vii, cxli, cxlii.

Il faut rappeler, ne serait-ce que pour mémoire, la thèse soutenue par A. Harnack, Brot und Wasser, die eucharistischen Elemente bei Justin, Leipzig, 1891 : « Justin n’a jamais parlé de vin à propos de l’eucharistie. » Sans doute, ce paradoxe n’avait guère été accepté d’abord que par Brandt et avec des réserves parO. Holtzmann. Déjà en 1907, dans l’art. Aquariens, du Diction, d’archéol. chrét., 1. 1, col. 2853, P. Batiffol, pouvait dire avec raison que cette opinion singulière avait rallié contre elle tous ceux qui ont étudié la question. Aux noms qu’il citait alors, de Duchesne, Weymann, Zahn, Funk, Jiilicher, Grafe, Bardenhewer, Ehrhard, on pourrait ajouter encore ceux de Struckmann, Goguel. Dans la 4e édit. de la Dogiiengeschichle, t. i, 1909, p. 233, n. 2, Harnack lui-même reconnaît que ses contradicteurs ont peut-être raison. Néanmoins, tout récemment, Lietzmann, op. cit., p. 240, pour démontrer qu'à l’origine on employait indifféremment de l’eau et du viii, fait encore appel à l’argumentation de Harnack. D’autre part, Vôlker, op. cit., p. 125, 126, estime qu’elle oblige au moins à reconnaître que Justin n’a pas exclu l’eau comme élément de l’eucharistie. Force est donc de tuer de nouveau ce qui paraissait bien mort.

Harnack fait observer que Justin cite sept fois la bénédiction de Juda, Gen., xlix, 8-12, où il est écrit : « Il lavera sa robe dans le viii, dans le sang de la vigne », sans faire allusion à la cène. En deux passages, il songe à ce rapprochement, mais il semble que là on a fait une correction malheureuse oivoç, viii, pour Ôvoç, âne. Cette dernière affirmation est contestable. Fût-elle admise, il resterait à démontrer qu’on ne peut exp.iquer cette prophétie sans parler de la cène. Le contraire est établi. Comme l’a prouvé T. Zahn, Brot und Wein im Abendmahl der allen Kirche, Leinzig, 1892, p. 7, Irénée, Clément d’Alexandrie, Hippolyte, Origène ont mentionné la bénédiction de Juda sans la mettre en rapport avec la cène.

Si un second argument est un peu plus spécieux, il n’est pas convaincant. A trois endroits, voir plus haut, le texte de saint Justin que nous lisons aujourd’hui parle du vin. Dans l’un d’eux on lit qu’est présenté TroTvjpiov ûSaxoç xocl y.pâ|i.aToç. Or, xpdqj.a indique déjà un mélange d’eau et de vin. La traduction littérale de cette phrase devrait donc être la suivante : « On présente une coupe d’eau et de vin mêlé d’eau. » Cette conclusion est irrecevable. Donc : xpdqjux est une glose. D’autre part, d’après V Apologie, il y a simi X. —. 29