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893 MESSE DANS LES PLUS ANCIENS TEXTES : SAINT POLYCARPE 894

gique ?.Môme si l’on concède qu*ici le rite est une simple prière, doit-on admettre qu’il n’y a pas de sacrifice chrétien ? Cette oraison elle-même peut être et elle est aux yeux d’innombrables chrétiens ce qui constitue le corps et le sang de Jésus-Christ sur l’autel à l'état de victime et opère ainsi le sacrifice. Rien ne prouve que telle n’est pas la pensée d’Ignace. Cf. De la Taille, op. cit., p. 217. L’action liturgique n’est qu’une prière, soit, mais c’est une prière d’offrande, c’est un sacrifice.

Wieland le démontre fort bien : l'évêque d’Antioche n’enseigne pas qu’il se fait à l’assemblée chrétienne une destruction de la victime ou une immolation distincte de la mort de la croix. Mais cet historien n’a pas établi que saint Ignace refuse à l’eucharistie le caractère d’une oblation, rituelle et d’une commémoraison de la mort du Christ. Lamiroy, op. cit., p. 258.

Gogucl, lui aussi, abuse de l’argument du silence. De ce que dans ses lettres Ignace n’a pas parlé de l’institution de l’eucharistie par le Christ, il conclut que l'évêque d’Antioche « n’attribue pas une importance considérable » à cette idée. Op. cit., p. 253. Comment admettre pareille conclusion ? Ou bien Ignace croit à l’institution de l’eucharistie par Jésus et c’est ce que n’ose pas nier Goguel — alors il est impossible que ce fait soit à ses yeux un acte peu important, c’est en réalité celui qui explique tout ce qu’il a dit du pain de Dieu et du sang du Christ ; ou bien l'évêque d’Antioche n’admet pas cette institution et alors on ne comprend rien à son enseignement : certains hommes n’ont pas qualité pour transformer une nourriture ordinaire en la chair du Seigneur et lui faire produire les effets les plus merveilleux. Il faut se résigner à rejeter les explications les plus naturelles pour leur préférer des hypothèses invraisemblables. Saint Ignace ne parle pas de l’institution de l’eucharistie par le Christ parce qu’il ne peut pas ou ne veut pas tout dire, parce qu’il n’a pas jugé bon d’employer cette vérité pour expliquer et démontrer ce qu’il avait à expliquer et à démontrer.

C’est pour le même motif et c’est peut-être aussi parce qu’elle : étaient alors en partie au moins improviéses, que l'évêque d’Antioche ne nous renseigne pas sur le texte des prières eucharistiques. Lietzmann, op.cit., p. 257, n. 2, a pourtant relevé les mots fameux sur le pain de la fraction qui est remède d’immortalité, antidote destiné à nous préserver de la mort et à nous assurer pour toujours la vie en Jésus-Christ. Il observe qu’on retrouve des expressions semblables dans VEuchologe de Sérapion, dans une messe gallicane de Mone, et dans un papyrus encore inédit de Berlin où il est souhaité que l’eucharistie devienne un remède d’immortalité, un antidote de vie pour ne plus mourir ù jamais, mais pour vivre en toi (le Père) par ton Fils bien-aimé. L’auteur croit que cette similitude si remarquable des deux formules suppose une tradition liturgique commune, les liturgies ne citant pas d’ordinaire les Pères de L'Église. — Mais faut-il admettre que cette dernière règle est sans exception ?

Conclusion. — Pour Ignace, l’eucharistie appelée agape se compose du pain qui est la chair du Christ, du breuvage qui est son sang. Il y a fraction du pain, prière et supplication, action de grâces et louange, distribution des aliments sacrés. Le rite s’accomplit au moins le dimanche. Il est à souhaiter que les assemblées soient plus fréquentes. Elles ont lieu en un endroit où les fidèles s’unissent à l'évêque entouré du presbytérium, assisté par les diacres. Sans la hiérarchie, l’eucharistie ne doit pas être célébrée. C’est l'évêque ou son délégué qui la préside. Il le faut pour qu’elle soit valide. Aussi, pour y prendre part, le fidèle doit-il être en grâce avec lui, avec l'Église

et avec Jésus-Christ. Quand il en est ainsi, en même temps que la communion assure l’amour, la vie et l’immortalité, l’assistance aux assemblées donne la victoire sur le démon, confirme la foi, l’espérance, la charité, la joie. Cette eucharistie est-elle un sacrifice ? Ignace ne l’affirme pas en termes exprès, mais son langage donne à entendre que, s’il n’a pas eu l’occasion ou éprouvé le besoin d’exprimer cette croyance, du moins elle est sienne.

5° Lettre de saint Pohjcarpe (un peu après 107). — On a voulu y voir un spécimen de prière d’allure liturgique : xii, 2-3. Il est permis de le croire, mais il est impossible de le prouver : « Que Dieu le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, que le Pontife éternel lui-même Jésus-Christ, Fils de Dieu, vous fasse croître dans la foi et la vérité, dans une douceur parfaite, exempte de tout emportement, dans la patience et la longanimité, dans la résignation et la chasteté. Que Dieu vous donne part à l’héritage de ses saints, qu’il nous y fasse participer avec vous et tous ceux qui sont sous le ciel, qui croient en Notre-Seigneur Jésus-Christ et en son Père qui l’a ressuscité d’entre les morts. Pliez pour tous les saints. Priez aussi pour les rois, les magistrats et les princes, pour ceux qui vous persécutent et vous haïssent et poulies ennemis de la croix… »

La lettre de Pline le Jeune à Trajan.

On sait

que l’authenticité de cette lettre, Epist., x, 96, ou du moins de certaines parties de la lettre est discutée. Si l’on admet qu’elle est vraiment de l’auteur, on peut relever les faits suivants.

D’après les apostats de Bithynie interrogés par Pline, les fidèles se réunissaient à une date fixe, sans doute le dimanche, stato die. Ce jour-là, il y avait deux assemblées, l’une avant l’aurore, on y chantait une hymne au Christ comme à un Dieu ; l’autre le soir où on prenait un repas commun à tous (promiscuuni, peut-être ordinaire) mais innocent. Était-ce l’eucharistie ? Depuis qu’une loi a interdit les hétairies, cette seconde assemblée a été supprimée. Si cette deuxième réunion était la cène, elle a été transférée à l’office du matin. Évidemment, Piine ne peut nous donner aucun renseignement sur sa signification intime, sur son caractère îeligieux.

7° Hermas (140-155). — Hermas ne dit rien de l’eucharistie. Il appelle l’aumône un sacrifice. Simil., V, iii, 8. De ce mot, du silence de l’auteur sur l’oblation des chrétiens, on ne peut rien conclure contre l’existence d’une offrande lituelle des temps nouveaux. La question n’est pas posée, donc elle ne peut pas être résolue. Certains histoiicns de la liturgie croient avoir découvert dans le Pasteur des formules liturgiques. Fortescue, op. cit., p. 22.

8° lettre des Smijrniotes sur le martyre de saint Polycarpe (156-157). — Il y est affirmé que les ossements de Polycarpe ont été déposés dans un lieu convenable : « Là, dans la mesure où ce sera possible, nous nous réunirons avec joie et allégresse, pour célébrer avec l’aide du Seigneur l’anniversahe du jour où Polycarpe est né à Dieu par le martyre. Ce sera un hommage à la mémoire de ceux qui ont combattu avant nous, en même temps qu’un entraînement et une préparation aux luttes de l’avenir. » xviii. Il n’est pas dit qu'à cette occasion sera célébré le sacrifice eucharistique, mais on peut le présumer. Nous avons ici la plus ancienne attestation de l’usage de commémorer par une synaxe l’anniversaire des martyrs. Wilpert, Fractio punis, Paris, 1896, p. 41.

La lettre des Smyrniotes raconte aussi qu’après son arrestation, Polycarpe demanda aux policiers une heure pour prier, vii, 2. Dans sa longue oraison « il se souvint de tous ceux qui avaient été en relations avec lui, petits et grands, illustres et obscurs, et de