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MESSE DANS LES PLUS ANCIENS TEXTES : SAINT IGNACE

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comme valide que l’eucharistie célébrée sous la présidence de l'évoque ou de son délégué. 2. Il n’est permis ni de baptiser, ni de célébrer l’agape en dehors de l'évêque, mais tout ce qu’il approuve est également agréé de Dieu : de cette façon, tout ce qui se fera dans l'Église sera sur et valide. »

2. Exégèse de ces textes.

Il y a donc des assemblées chrétiennes, Eph., v, 2, xiii, 1, xx, 2 ; Magn., va, 1, 2. Les fidèles se réunissent ensemble pour une prière commune plus efficace que tout autre. Eph., v, 2 ; Philad., iv. L’endroit normal, c’est celui où ils sont soit avec l'évêque, soit avec son délégué. Smyrn., vin, 1-2. La réunion se tient sans doute le dimanche. Magn., ix, 1. Ignace conseille aux Éphésiens de s’assembler fréquemment, xiii, 1, donc, semble-t-il, plus souvent qu’une fois par semaine. Vôlker, op. cit., p. 114.

A cette réunion se célèbre l’eucharistie, Smyrn., vin, 1 : Eph.. xiii, 1 ; Philad., iv, qui s’accompagne de la prière. Smyrn., vii, 1. Les bons y participent, Philad., iv, tandis que certains hérétiques, les docètes, s’en abstiennent. Smyrn., vii, 1. Célébrer l’eucharistie, c’est aussi faire l’agape. Ces deux expressions semblent synonymes. Smyrn., vii, 1 ; xiii, 1-2. Le mot agape ici n’a nullement le sens de repas donné aux pauvres ou de banquet fraternel uni à l’eucharistie. Les lettres de saint Ignace ne parlent ni de l’une ni de l’autre institution. Cf. Batiffol, op. cit., p. 42 ; Vôlker, op. cit., p. 102. A. Réville lui-même, qui a cru pouvoir traduire ici « agape » par « repas fraternel », est obligé d’ajouter aussitôt que « l’eucharistie est si bien l'élément essentiel de l’agape qu’en elle se concentre le repas tout entier ». Op. cit., p. 34. Si la réunion chrétienne est appelée « charité », ce qu’en dit saint Ignace nous donne à penser que c’est parce qu’elle unit entre eux et avec leurs chefs les fidèles, parce que le sang du Christ est « l’amour incorruptible ». Rom., vii, 3.

Un des éléments de cette eucharistie est le pain. Eph., v, 2 ; xx, 2 ; Rom., vii, 3. Mais il y a aussi une coupe, Philad., iv, un breuvage, Rom., vii, 3. On opère la fraction du pain, Eph., xx, 2, on invoque Dieu par une prière commune, publique, officielle, liturgique, « oraison de l'évêque unie à celle de l'Église ». Eph., x, 2 ; Magn., vii, 1. Elle est louange, Eph., xiii, 1 et supplication. Magn., vii, 1.

Cette eucharistie est la chair de Jésus-Christ notre Sauveur, Smyrn., vii, 1 ; Philad., iv, c’est le pain de Dieu. Rom., vii, 3 ; Eph., x, 2. Aussi produit-elle d’heureux fruits. Il est difficile, impossible même, de distinguer avec précision l’effet propre de l’assistance à l’assemblée et celui de la communion. Il semble bien que c’est le pain de Dieu qui, en étant reçu par chacun des fidèles, devient pour lui un remède d’immortalité, un antidote destiné à le préserver de la mort, et à lui assurer pour toujours la vie en Jésus-Christ. Eph., xx', 2. De même, le sang de Jésus-Christ est présenté comme un principe d’amour incorruptible. Rom., vii, 3. Cependant Ignace observe que les docètes « agiraient bien mieux en faisant l’agape, afin d’avoir part à la résurrection ». C’est encore au fait de se rendre aux réunions qu’il paraît attribuer d’autres effets : « … en vous assemblant, vous anéantissez les forces de Satan, et sa pernicieuse puissance se dissipe devant l’unanimité de votre foi. » Eph., xiii, 1. C’est sans doute encore cette union qui donne aux fidèles même esprit, même espérance animée par la charité dans une joie innocente. Magn., vii, 1.

Cette eucharistie n’est valide, c’est-à-dire sûre et agréée de Dieu, que si elle a lieu sous la présidence de l'évêque ou de son délégué. Smyrn., xiii, 1-2. Car il n’y a qu’une seule eucharistie, une seule chair de Notre-Seigneur, une seule coupe dans son sang, un seul autel, un seul évêque, entouré des presbytres et

des diacres. Philad., iv. Ne faites donc rien sans l'évêque et ses presbytres. Smyrn., viii, 1-2 ; Magn., vn, 1. Ainsi celui qui préside et dirige l’eucharistie, celui dont la prière unie à celle de l'Église est efficace, Eph., x, 2, c’est l'évêque. Rien de plus naturel : il représente Jésus-Christ, Trall., ii, 1, doit être regardé, comme le Seigneur lui-même, Eph., vi, 1, et n’est qu’un avec son esprit, Eph., iii, 2 ; aussi faut-il révérer en lui la puissance du Père. Magn., iii, 1.

L’eucharistie peut pourtant avoir lieu en son absence ; mais alors ce doit être avec son autorisation, Smyrn., viii, 1-2 ; Polyc, iv, 1, sous la présidence de son délégué. Smyrn., viii, 1. Ignace ne dit pas quel personnage peut être choisi par l'évêque pour le représenter ; évidemment ce peut être un des membres du presbytérium, puisqu’ils sont toujours nommés immédiatement après l'évêque.

Ce qu’il affirme des diacres donne au contraire à entendre qu’ils sont plutôt des collaborateurs de l'évêque : Ils sont les serviteurs de l'Église, ministres des mystères de Jésus-Christ. Aussi saint Ignace recommande aux fidèles de les vénérer religieusement, Smyrn., xiii, 1 ; Trall., iii, 1, et de ne pas voir en eux de profanes distributeurs d’aliments et de boissons. Trall., ii, 3. Il nous apprend par là que ces mets, sans doute le pain et le breuvage eucharistiques, étaient présentés par les diacres. Ces personnages nous apparaissent donc non comme aptes à tenir la place de l'évêque, mais plutôt comme des collaborateurs qui le secondent. Ils sont ses aides, ses associés, ctovSoùXoi |j.o’J, Philad., iv, et c’est sans doute pour ce motif qu’Ignace les déclare l’objet de sa très grande affection. Magn., vi. 1.

On a dit que l’insistance avec laquelle, dans ses lettres, est condamnée toute eucharistie faite sans l'évêque prouve que certains chrétiens voulaient alors la célébrer en dehors de lui et qu’ils croyaient « pouvoir manger le pain de Dieu en dehors du sanctuaire ». Goguel, op. cit., p. 252. Cela n’a rien, en somme, que de vraisemblable. Aux origines, quand il y avait de nombreux prophètes, on leur avait accordé un rôle spécial dans les assemblées et, en certaines Églises du moins, un droit de rendre grâces autant qu’ils voulaient, comme nous l’apprend la Didachè, x, 7. Des fidèles ont pu s’autoriser de ce précédent pour célébrer l’eucharistie sans recourir au ministère de la hiérarchie. Ils faisaient ainsi « acte d’orgueil et s’excommuniaient ». Eph., x, 2. Ce n’est d’ailleurs nullement ce que permettait la Didachè. Et puis il est à noter qu’Ignace pose ici un principe général : il affirme que non seulement l’eucharistie, mais tout dans l'église doit être fait en communion avec l'évêque. Le cas de la cène n’est qu’une application, la plus importante il est vrai, de cette règle universelle. Ce qu’Ignace combat, c’est l'égarement des fidèles qui croient pouvoir mener une vie chrétienne sans être en communion avec la hiérarchie, sans se soumettre à elle et sans faire appel à son ministère.

Vouloir faire de lui un des principaux novateurs qui à l’ancienne conception d’une cène toute fraternelle substituaient un rite liturgique présidé par le clergé, c’est dépasser l’affirmation des textes : aucune parole d’Ignace ne permet de dire qu’il croit ou veut innover. En fait, il rattache au contraire le présent au passé. Ce qu’il réclame, c’est, pour les évêques, la place de Jésus-Christ, et pour les presbytres, celle des Apôtres : Ignace veut que le christianisme se continue sous sa forme la plus authentiquement primitive. Aucun document chrétien ne montre une cène où tous sont égaux, où il n’y a pas de président. L’innovation, c’est l’eucharistie privée qui ne ressemble plus au repas d’adieu présidé par le Christ.

Les dispositions requises pour être admis dans