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B85 MESSE DANS LES PLUS ANCIENS TEXTES : SAINT CLÉMENT 886

Sans doute. Clément ne dit pas si la célébration de l’eucharistie se rattache au repas d’adieu et à la mort

du Christ. Il n’affirme pas en termes exprès que ce sacrifice est expiatoire. L’auteur n’avait pas à étudier ces questions, et son silence ne prouve pas qu’il ignore ou nie ce qu’il n’a pas à enseigner. Il apporte des arguments à l’appui d’une thèse, et il laisse de côté ce qui est sans aucun rapport avec son sujet.

Quanl à prétendre, comme l’a fait Réville, op. cit., p. 13. que Clément innove en voulant substituer à l’antique conception de l’eucharistie, célébrée par n’importe qui. n’importe où et n’importe quand, celle d’un sacrifice liturgique réglementé, c’est trouver dans la lettre ce qui n’y est nullement. Clément au contraire en appelle, pour justifier sa thèse, à la discipline des Apôtres et à la volonté du Christ. Il n’a pas conscience d’inventer, il attaque des novateurs. Comme le fait observer P. Batiffol, op. cit., p. 55, « nous ignorons tout des circonstances « t des motifs de la cabale », du parti de jeunes qui a déposé les presbytres. Parler d’une « nouvelle réglementation épiscopale » sur les services eucharistiques, affirmer qu’antérieurement à cet acte la cène n’est pas encore un rite « incorporé au culte de la communauté », ce sont autant de « suppositions gratuites ».

Ce qui, par contre, est expressément souligné dans la lettre, ce sont les dispositions demandées aux ministres de l’autel ; en faisant l'éloge des presbytres dont il défend les droits, Clément nous apprend quelles sont les qualités requises en celui qui accomplit la liturgie, le service divin : « une bonne conscience », « une vie irréprochable », « la sainteté », « l’observation des règles imposées à leur office » et « la gravité ».

Vn mot nous renseigne en passant sur les heureux effets de ces offrandes : par elles « on plaît à Dieu ». Si l’on observe tout ce qui est prescrit, on est « bien accueilli » et on est « heureux », on est agréable à Dieu et béni par lui. Ces expressions sont vagues, mais leur généralité même laisse entendre que les fruits à espérer sont de toute nature et des plus précieux.

Enfin, certains historiens croient découvrir dans la lettre des formules liturgiques, par exemple : « Puisque nous tenons tout de lui, nous avons le devoir de lui rendre grâces pour tout. A lui la gloire dans les siècles des siècles. Amen. » xxxviii, 4. Voir encore xun, 6 ; l, 7 ; lvhi, 2. Cf. Fortescue, op. cit., p. 18.

Il est un autre développement dont on peut conclure, sinon avec certitude, du moins avec vraisemblance qu'à cette époque déjà le Sanctus était pendant l’assemblée chrétienne chanté par la foule des fidèles : « Dix mille myriades d’anges se tenaient devant lui et des milliers de milliers le servaient, et ils criaient : « Saint, saint, saint est le Seigneur Sabaoth : « toute la création est remplie de sa gloire. » Et nous aussi, réunis par la communauté de sentiments dans la concorde en un seul corps, crions vers lui avec instance comme d’une seule bouche, afin d’avoir part à ses grandes et magnifiques promesses. » xxxvi, 6-7. Cf. Batiffol, op. cit., p. 51.

Plus discutable est le caractère de prière eucharistique attribué par Duchesne, Origines du culte chrétien, Paris, 1908, p. 50, à la longue supplication que contiennent les chapitres lix-lxi. On la trouvera traduite soit dans Duchesne, op. cit., soit dans l'édition citée de Hemmer.

Tandis que les uns découvrent dans cette oraison un « spécimen de la prière liturgique » (Duchesne, fixeront, Fortescue, Thibaut), d’autres (Batiffol, par exemple) lui dénient ce caractère. Peut-être le désaccord n’est-il pas irréductible entre les tenants

des deux opinions. Tout le monde reconnaît que ce morceau n’est pas « la reproduction d’une formule consacrée ». En effet, il n’y a pas alors de missel imposé : une grande liberté appartient encore à celui qui préside. Il est à noter que, si Clément de Home parle des règles du Seigneur sur la date, le lieu et les ministres des offrandes, il ne laisse pas entendre que des formules fixes soient obligatoires pour tous. Enfin, on ne relève dans cette prière « aucun trait qui se rapporte au sacrement du corps et du sang du Sauveur ». Batiffol, op. cit., p. 51, n. 1.

D’autre part, il est impossible de le nier : on retrouve ici deux thèmes que développent toutes les liturgies antiques : l’action de grâces pour la création, pour les bienfaits divins d’ordre naturel et pour les services rendus par Jésus-Christ ; la prière pour le pardon, pour les besoins les plus divers et pour toutes les infirmités de l’esprit et du corps, prière pour tous les hommes : justes et pécheurs, chrétiens et infidèles, ennemis de l'Église et supérieurs temporels. Ainsi la longue oraison de la lettre de saint Clément de Rome permettrait de croire que, déjà au temps où elle était rédigée, on avait l’habitude au cours des offrandes liturgiques, de placer de telles actions de. grâces et de semblables supplications. En même temps nous avons quelque idée de la manière dont on les rédigeait : les réminiscences scripturaires y étaient très nombreuses.

P. Drews, Unlersuchungen ùber die sogenannte clemenlinische Liturgie, Tubingue, 1920, a cru retrouver dans les prières des fidèles et dans l’anaphore du 1. VIII des Constitutions apostoliques des expressions que déjà on relève dans la longue prière de VÉpître aux Corinthiens, lix-lxi. Il lui semble aussi que dans les deux documents apparaît une même liste des saints de l’Ancienne Loi, et que le Sanctus est exprimé dans l’un et dans l’autre de la même manière. Drews conclut qu’il existait une liturgie primitive antérieure, une source commune à la lettre de Clément de Rome et au texte des Constitutions apostoliques.

Les arguments invoqués à l’appui de cette thèse ne portent pas la conviction dans tous les esprits. La tentative de découvrir une liturgie primitive n’estelle pas d’avance vouée à l’insuccès, puisque à cette époque reculée un texte uniforme, officiel, canonique, ne semble pas avoir existé? Au reste, bien que proposées de nouveau par Thibaut, op. cit., p. 24, les similitudes entre la longue prière et la liturgie du 1. VIII des Constitutions apostoliques ne sont pas très apparentes. S’il y a quelques ressemblances, n’est-il pas très facile de les expliquer ? La longue oraison de saint Clément de Rome s’inspire beaucoup de l'Écriture, le fait est indéniable ; or, toutes les liturgies font de même ; pour ce motif, elles ont entre elles des airs de famille. Telle est bien, semble-t-il, la source commune à tous les documents, ce qu’on pourrait appeler la pré-liturgie. Les présidents des antiques cérémonies chrétiennes qui improvisaient la prière publique se servaient tout naturellement et sans effort de mots tirés des Livres saints, de paroles du Christ, des apôtres ou des auteurs inspirés dont ils avaient gardé pieusement le souvenir et dont ils sentaient tout le prix.

Conclusion — D’après saint Clément de Rome, il y a un culte chrétien officiel, une liturgie publique. Les chrétiens présentent à Dieu des dons et des olïrandes qui sont vraiment rituelles, qui succèdent aux sacrifices de l’Ancienne Loi et les remplacent. Aussi le Seigneur lui-même a-t-il prescrit quand, où, par qui ces oblations doivent être faites, et les fidèles n’ont pas le droit de modifier ses ordonnances. C’est avec gravité, avec sainteté que les membres