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883 MESSE DANS LES PLUS ANCIENS TEXTES : SAINT CLEMENT 884

ciales ; aux lévites incombent des services (diaconies) propres : le laïque est lié parles préceptes faits pour les laïques. « Frères, que chacun de nous, à sa place propre, plaise à Dieu, eùapeaTEÎTw (leçon du ms. C adoptée par Harnack, Knopf, Funk, Heinmer ; le ms. A porte eù/api.oTetT(o, fasse l’eucharistie, c’est le texte des éditions Lightfoot, Gebhardt-Harnack) par une bonne conscience et sans transgresser les règles imposées à son office (à sa liturgie), agissant avec gravité. Car on n’offre pas partout, frères, les sacrifices perpétuels ou votifs, ni les sacrifices pour le péché ou pour le délit, mais seulement à Jérusalem. Et là encore, on n’offre pas le sacrifice en tout lieu, mais dans le parvis du temple, à l’autel… Les Apôtres nous ont été envoyés par le Seigneur Jésus-Christ, et Jésus-Christ a été.envoyé par Dieu… Ayant reçu les instructions de Notre-Scigneur Jésus-Christ, ils allèrent annoncer l'évangile… Prêchant à travers les villes et les campagnes, ils éprouvèrent leurs premiers convertis et les instituèrent comme évêqæs et comme diacres des futurs croyants… Ensuite, ils posèrent cette règle qu’après leur mort d’autres hommes éprouvés succéderaient à leur ministère… Ceux qui ont été ainsi mis en charge par les apôtres et plus tard par d’autres personnes investies d’autorité… qui ont servi d’une façon irréprochable…, à qui tous ont rendu bon témoignage depuis longtemps, nous ne croyons pas juste de les rejeter du ministère. Et ce ne serait pas une faute légère pour nous de déposer de l'épiscopat des hommes qui ont présenté les oblations d’une façon pieuse et irréprochable. » (Traduction Hemmer, Les Pères apostoliques, t. n.)

Nul ne le nie : saint Clément parle du culte chrétien. Il affirme que des « règles », des « prescriptions » déterminent la manière dont il doit se célébrer, et empêchent que le service « s’accomplisse au hasard et sans ordre ». Ce sont des « ordonnances du Maître », l’expression de son « bon plaisir » et « de sa volonté souveraine ». Si on les suit, « on ne fait pas fausse route », et « tout se passe saintement ».

Ces règles visent le temps où on doit faire les offrandes : Clément ne précise pas. Son langage fait penser aux attestations d’autres écrivains chrétiens sur la célébration de l’eucharistie le jour du Seigneur. Il y a aussi des prescriptions sur l’endroit où doit se célébrer le service divin. L'évêque, de Rome ne juge pas à propos de les citer. Mais le contexte montre que d’après lui, comme selon saint Justin, il y a obligation de présenter les offrandes dans les assemblées où la hiérarchie tient sa place.

Sur le rang et les droits des ministres sacrés — le but de la lettre l’exigeait — Clément s’exprime avec autant de précision que d'énergie. Le Maître a fixé lui-même « par quels ministres » les offrandes et liturgies doivent se faire. Il a envoyé les apôtres, qui à leur tour choisirent évc’ques et diacres, puis déterminèrent quels seraient leurs successeurs : des hommes « mis en charge par les supérieurs légitimes, avec l’approbation de l'Église, pour faire le service et présenter les oblations. » Les ministres du temps nouveau correspondent à ceux de l’Ancienne Loi dont l’institution remontait elle aussi à Dieu : grand pontife, prêtres et lévites. On ne peut donc sans faute grave les déposer, si leur conduite est sans reproche.

De quel service, de quelles offrandes parle Clément ? Wieland, Der vorirenâische Opferbegriff, Munich, 1909, p. 49, a d’abord proposé de ne voir ici que les fonctions ecclésiastiques en général. Mais comme le fait observer Batifïol, op. cit., p. 53, le mot liturgie « est pris aux Septante où. il désigne le service des prêtres et des lévites », le service du temple et de l’autel, celui des sacrifices. Voir aussi Goguel,

op. cit., p. 226. Au reste, ce terme est complété ici par celui d’offrande qu’il est impossible d’entendre en un sens purement spirituel. Des oblations symboliques, des sentiments intérieurs, des prières privées, des vertus individuelles ne pourraient être l’objet d’un règlement officiel et public. Il n’y aurait pas à définir par qui, où et quand ces offrandes doivent être faites. L’intervention de la hiérarchie ne se comprendrait pas, et il serait impossible de déterminer, dans l’exercice de ce culte individuel et intime, les rôles divers de l'évêque, de ses assistants et des laïques. Rauschen, L’eucharistie et la pénitence, trad. Decker et Richard, Paris, 1910, p. 81 : De la Taille, op. cit., p. 223. « Les Ttpoaçopaî désignant quelques chose d’autre que les XsiToupytat ne peuvent se rapporter aux prières. Il doit donc être question ici de sacrifices. » Goguel, op. cit., p. 226 ; Vôlker, op. cit., p. 132 ; Brinktrine, op. cit., p. 74-76.

Wieland lui-même, op. cit., p. 50, est obligé de reconnaître que les mots offrandes peuvent s’entendre au sens littéral. Mais il ajoute que, si l’on admet cette interprétation, il faut voir en ces oblations les dons que les fidèles apportent à l’office divin pour la sustentation des prêtres et des pauvres. A l’appui de ce sentiment, l’auteur invoque le témoignage de saint Justin et de la Didachè. Mais, même si dans les divers textes allégués il est vraiment question d’aumônes — et ce n’est pas démontré, cf. De la Taille, op. cit., p. 224 et Lamiroy, op. cit., p. 248 — il ne s’en suit pas que tel est le sens ici. Que cette pensée ne soit pas exclue, on peut l’admettre. Mais Clément de Rome parle aussi de l’eucharistie considérée comme un sacrifice rituel. Il compare les liturgies de l'évêque à « celles du grand prêtre », les rites chrétiens aux sacrifices juifs, offerts dans le parvis du temple à l’autel, sacrifices pour le péché ou pour le délit, sacrifices votifs et perpétuels. L’expression employée par l'évêque de Rome : présenter des offrandes ou des dons, vient de l’Ancien Testament et là elle veut dire sacrifier et non pas faire l’aumône. Plusieurs fois, l'Épître aux Hébreux elle-même donne à cette locution le sens de présenter une victime proprement dite : « Tout prêtre est établi pour offrir des dons et des sacrifices pour le péché. » v, 1, cf. viii, 3. Qu'à la rigueur il ne soit pas interdit de faire désigner ici par les mots dons tout ce qui est présenté à l'Église, prière et aumône comprises (Funk), du moins ne faut-il pas exclure ce que ces mots signifient avant tout chez les écrivains bibliques, l’oblalion rituelle, le sacrifice proprement dit. Brinktrine, op. cit., p. 76, n. 1.

Qu’on relise d’ailleurs tout le texte : il parle du rôle liturgique des ministres, de fonctions qui leur appartiennent, et à eux seuls, de par la volonté de Dieu et de l'Église, d’une charge qu’on n’a pas le droit de leur enlever si leur conduite a été sans reproche, de préceptes différents de ceux qui s’imposent aux laïques, d’une discipline qui doit être observée saintement. Rien ne désigne mieux le sacrifice et ceux qui l’opèrent. Au contraire, ces expressions paraîtraient beaucoup trop fortes, si elles signifiaient seulement que les membres de la hiérarchie chrétienne reçoivent des aumônes pour les distribuer.

Ailleurs, c. lii, saint Clément affirme de Dieu qu’il n’a nul besoin de nos dons et que le seul sacrifice à lui offrir, c’est la louange et la contrition. Ces paroles ne peuvent nous induire en erreur. Clément rapporte des paroles de psaumes connues, admises par tous ceux qui ont cru et qui croient au sacrifice de la messe, paroles qui démontrent seulement la -nécessité de dispositions saintes dans les donateurs de sacrifices, paroles par lesquelles il n’a pas voulu contredire ce qu’il écrit lui-même sur les offrandes rituelles des temps nouveaux. Cf. Lamiroy, op. cit., p. 244