Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/448

Cette page n’a pas encore été corrigée

881 MESSE DANS LES PLUS ANCIENS TEXTES : SAINT CLEMENT 882

du pain, eucharistie, sacrifice, désignent de tout autres actes. Les prières de la Didachè ne font aucune allusion à une pareille offrande. Les recommandations de xiii, 1-7, se rapportent à un service de charité pour des prophètes ou des pauvres, mais non à l’oblation que décrit Wetter.

Conclusion. — Si le c. xiv affirme, répète et démontre que la fraction du pain et l’action de grâces constituent le sacrifice, 6uma, de la communauté chrétienne, sacrifice proprement dit, sacrifice analogue à ceux du temple, sacrifice annoncé par Malachie, rien dans les c. ix à x n’infirme cette proposition. La Didachè appelle la célébration de ce rite une liturgie, un service religieux public pour lesquels il faut choisir des officiants doués de qualités morales et, en raison même de leurs fonctions, honorés comme les prophètes et les docteurs. Dire qu’il y a deux eucharisties, l’une privée, celle de ix et x, l’autre publique, celle de xiv, laquelle seule serait un sacrifice, Goguel, op. cit., p. 243, c’est introduire dans la Didachè ce qui ne s’y trouve nulle part, c’est oublier que dans les deux cas se célèbrent les deux mêmes actes, fraction du pain et action de grâces ; c’est méconnaître le caractère social et universaliste des prières de ix et x, c’est enfin ne pas apercevoir combien les paroles et le rite qu’on affirme être purement domestiques ressemblent à ceux des liturgies chrétiennes, donc du culte public. D’ailleurs, comme le fait observer Fortescue, op. cit., p. 14, « l’existence d’une eucharistie privée dans l'Église reste encore à démontrer ».

Y aurait-il ici un sacrifice purement mystique et spirituel, l’hostie de l’action des grâces et de la prière des fidèles ? Von der Golz, op. cit., p. 223 ; Harnack, Dogmengeschichte, t. i, p. 225 ; Wieland, Op/erbegrifJ, p. 36 sq. On n’a pas le droit de le dire, car la Didachè oblige à voir un sacrifice, non dans la prière d’action de grâces toute seule, mais aussi dans la fraction du pain. Le texte est formel : « Réunissezvous le jour du Seigneur, rompe : le pain et rendez grâces après avoir d’abord confessé vos péchés, afin que votre sacrifice soit pur. » xv, 1. Cf. Brinktrine, op. cit., p. 61. Objecter qu’il n’y a pas d’offrande, c’est affirmer ce qu’on ne sait pas, la Didachè n’ayant pas jugé bon de nous renseigner sur la manière dont s’opérait la fraction, ni sur les paroles qui l’accompagnaient. Pourquoi d’ailleurs craindre de voir en la cène chrétienne un sacrifice réel ? Des écrits presque contemporains du Nouveau Testament lui reconnaissent ce caractère. Cf. Lamiroy, op. cit., p. 239-210.

Qu’est-ce qui fait du rite et des paroles un sacrifice ? L’auteur ne nous l’apprend pas. Nous constatons seulement qu’il répète à tout instant le mot action de grâces. C’est même par lui qu’il désigne la cène chrétienne : « Que personne ne mange ni ne boive de votre eucharistie. » ix, 5. Or un des sacrifices qu’offraient les Juifs, c'était celui d’action de grâces. Une victime y était en partie offerte à Dieu, en partie mangée par Israël. C’est peut-être ainsi que l’auteur de la Didachè se représentait le rite chrétien. Ce qui était rompu était présenté à Dieu et offert en nourriture spirituelle aux fidèles. Rentz, Geschichte des Messopferlegriffs, t. i, p. 144 sq., veut que cette manducation seule accompagnée d’une prière de remerciement constitue le sacrifice d’action de grâces. Mais dans le c. xv, où, à trois reprises, la Didachè présente la cène chrétienne comme un sacrifice, une 6'jcîa, elle ne parle pas un instant de la participation des fidèles au pain et à la coupe. Au contraire, c’est un acte qui se place avant la communion et que le c. ix en distingue, c’est la fraction du pain qui seule avec l’eucharistie est considérée comme un sacrifice.

Sur ses fruits nous sommes quelque peu renseignés. Avant tout, il honore Dieu par 'action de grâces. ix, 2, 3 ; x, 1, 2, 4, 7. Les fidèles après s'être rassasiés remercient pour la connaissance et la foi, l’immortalité et la vie éternelle. Ces dons sont-ils un effet de la communion individuelle, ou de l’assistance au sacrifice collectif ? ou de l’une et de l’autre ? A cette question, il est impossible de répondre. Mais il paraît certain qu’on attribuait une efficacité spéciale à la prière dite pour l'Église, pendant que s’opérait le sacrifice de la communauté chrétienne. Il n’est pas affirmé que le rite a une vertu expiatoire. Mais on déclare qu’il est l’offrande pure, et à l’occasion de son accomplissement les fidèles confessent leurs péchés, évidemment pour s’en délivrer.

L’assemblée a lieu au moins le dimanche. A côté des assistants, on distingue des prophètes et des docteurs, lorsqu’il y en a, et toujours des évêques et des diacres, membres de la communauté, mais élus par elle. C’est la hiérarchie qui préside, rend grâces et fait la fraction du pain. Le peuple prend parfois la parole et récite des formules déterminées. Peutêtre un dialogue s’engage-t-il entre lui et les officiants. La présence des prophètes, des docteurs et des personnes qui « font leur service » permet de supposer qu’un enseignement est donné. Avant l’eucharistie a lieu une confession des péchés. Suit la fraction du pain. Sur la manière dont elle s’opère nous ne savons rien. Quand elle est terminée, les fidèles font une action de grâces, d’abord pour la coupe, puis pour le pain. Vient la communion. Seuls les baptisés mangent et boivent de l’eucharistie.

Ce rite est-il encadré dans un repas fraternel qui rappelle la cène primitive ? Peut-être, mais on ne saurait l’affirmer avec certitude. Après qu’ils se sont rassasiés, les fidèles rendent grâces. Trois prières sont récitées par eux ou en leur nom : la première est une post-communion. La seconde ressemble à ce qui, dans les liturgies postérieures, constitue la prière eucharistique proprement dite : action de grâces pour les bienfaits de Dieu, création et nourriture ordinaire, aliment spirituel et vie éternelle. La troisième est le premier type d’un Mémento et recommande à Dieu l'Église. On y trouve comme dans les ananmèses futures la pensée de l’avènement du Clirist. Le tout est terminé par des acclamations eschatologiques récitées peutêtre par l’officiant. Plus probablement elles font partie d’un dialogue entre lui et le peuple ou du chant des fidèles. Enfin on relève un morceau du Sanctus et un Amen final de la foule.

2° Saint Clément de Rome (entre 95 et 98). — Dans l'Église de Corinthe, un schisme s'était produit. Quelques meneurs (xi.vu, 5-6) avaient soulevé la masse des fidèles. Plusieurs presbytres irréprochables avaient été destitués. L'évêque de Rome. Clément, intervient pour rétablir la paix et défendre les droits des pasteurs légitimes.

Il le rappelle donc, xl-xliv : « Nous devons faire avec ordre tout ce que le Maître nous a prescrit d’accomplir en des temps déterminés. Or, il nous a ordonné de nous acquitter des offrandes et du service divin, 7rpoacpopàç xal XsiTOUpytaç, non pas au hasard et sans ordre, mais en des temps et des heures déterminés. Il a fixé lui-même par sa volonté souveraine à quels endroits et par quels ministres ils doivent s’accomplir, afin que toute chose se fasse saintement selon son bon plaisir et soit agréable à sa volonté. Donc, ceux qui présentent leurs offrandes aux temps marqués sont favorablement accueillis et bienheureux : car, à suivre les ordonnances du Maître, ils ne font pas fausse route. Au grand prêtre dans l’Ancienne Loi des fonctions (liturgiques) particulières ont été conférées ; aux prêtres on a marqué des places spé