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MESSE DANS LES PLUS ANCIENS TEXTES : LA DIDACHÈ


synonyme de X6yoç. C’est donc le Seigneur qui serait ainsi appelé. La phrase se présenterait fort bien : « Vienne le Seigneur et que ce monde passe. »

On s’est demandé s’il ne fallait pas rectifier la proposition suivante et lire : « Hosanna au fils de David I » Certains éditeurs l’ont cru, et ont ainsi reproduit ici l’acclamation des Rameaux, telle que la. rapporte Matth., xxi, 9, 10, avec qui s’accorde si souvent la Didachè. Peut-être cependant est-ce pour tenir compte de la remarque du même évangile, xxii, 42-46 : « Le Christ n’est pas seulement le fils, il est le Seigneur de David », que la Didachè a préféré au mot 6ew le mot utco. Ce qui est hors de doute, c’est que nous rencontrons ici pour la première fois un morceau du Sanctus liturgique. L’expression araméenne Maranatha peut se comprendre de deux manières : « Le Seigneur est venu », Maran atha ou bien : « Venez, Seigneur, Jésus », Zîarana tha.

Zahn, Forschungen zut Geschichle des N. T. Kanons, t. iii, Erlangen, 1884, p. 294, et Berning, op. cit., p. 169, se servent de ces acclamations pour soutenir que la Didachè a précédemment parlé de l’agape, et qu’ici seulement elle invite les chrétiens à recevoir l’eucharistie. Ainsi devrait-on comprendre les souhaits : Vienne la grâce et Maranatha ! Ainsi se justifierait l’appel : « Si quelqu’un est saint, qu’il vienne ! » Ainsi s’expliquerait la place faite au Sanctus qui dans les autres liturgies n’est pas après la communion.

Mais, nous l’avons établi, ce sentiment se heurte au texte même de la Didachè, ix, 5 et x, 1. Nous croyons aussi l’avoir montré : toutes les piières dites par les fidèles avant et après qu’ils se rassasient, ne s’expliquent vraiment que si elles sont prononcées au cours d’un service eucharistique, joint ou non à une agape. Les mots : Vienne la grâce et Maranatha, peuvent d’ailleurs avoir un sens eschatologique et ne pas se rapporter à la communion. Quant au Sanctus, sa place a varié. En fait, dans le VIIIe livre des Constitutions apostoliques, l’Hosanna suit la communion.

Seuls en réalité les mots : « Si quelqu’un est saint, qu’il vienne I S’il ne l’est pas, qu’il fasse pénitence 1° paraissent ne pas être à leur place. Quand on les examine de près, on est moins porté à croire qu’ils devaient précéder la communion. Il est dit que le saint doit venir. Mais à cette époque, on ne se présentait pas à une table de communion comme aujourd’hui : les convives étaient assis à un repas et on faisait circuler le pain et la coupe. Les mots : Si quelqu’un est saint, qu’il vienne, s’il ne l’est pas, qu’il fasse pénitewi, nous semblent donc être non pas un appel à la communion, mais le vœu que s’accroisse le nombre de ceux qui participent aux mystères chrétiens. L’appel à la communion a pris place avant que les fidèles se rassasient. C’est alors que la Didachè met les mots : « Que personne ne mange ni ne boive de votre eucharistie, si ce n’est les baptisés au nom du Seigneur, car c’est à ce sujet que le Seigneur a dit : « Ne donnez pas ce qui est saint aux chiens. » ix, 5.

Lietzmann, op. cit., p. 236-237, croit que ces exclamations finales ne sont pas eschatologiques, mais devaient précéder l’eucharistie. Il propose de les placer avant le c. x, à côté de l’invitation : « Que personne ne mange ni ne boive de votre eucharistie s’il n’est pas baptisé. » Les prières auraient été rejetées à la fin, parce qu’elles sont en forme de dialogue entre l’officiant et le peuple. — Cette hypothèse est purement gratuite et le texte ne l’autorise pas. Le motif invoqué pour justifier ce remaniement ne paraît pas suffisant. Cette opinion a d’ailleurs un très grave tort, celui de ne tenir compte ni de l’indication de la Didachè. ni des enseignements de la plus antique tradition sur les perspectives eschatologiques de l’eucharistie. J |

Dans les textes les plus anciens, nous lisons cette parole de Christ : « Je ne boirai plus du fruit de la vigne jusqu'à ce que le royaume de Dieu soit venu qusqu'à ce que je le boive à nouveau dans le royaume de mon Père) », Matth., xxvi, 29 ; Marc, xiv, 25 ; Luc, xxii, 18. Et saint Paul écrit : « Toutes les fois que vous mangez ce pain…, vous annoncez la mort du Seigneur jusqu'à ce qu’il vienne. » I Cor., xi, 26. D’autre part, dans les liturgies postéiieures, on trouve exprimée la pensée de l’avènement du Seigneur, du royaume à venir ou de l’ascension. Il est donc naturel que la Didachè ne fasse pas exception. Or, précisément dans la prière qui vient de se terminer avant ces acclamations, il a été souhaité que « des quatre vents du ciel le Seigneur rassemble son Église dans le royaume qu’il lui a préparé ». Il n’y a donc ici aucun hiatus. De la manière la plus harmonieuse l’esprit développe la pensée déjà émise. Comme le fait observer fort justement Goguel, op. cit., p. 234, à la suite de Harnack, ces aspirations eschatologiques sont ici tout à fait à leurplace. « La conclusion clôt l’acte, mais en le dépassant : la communauté qui vient de se nouirir à la table du Seigneur, soupire après sa venue. »

Ces sentiments se traduisent sous la forme d’acclamations liturgiques, pense Battiiïol, op. cit., p. 64, n. 1. Fort ingénieusement, il rapproche des mots de la Didachè : « Si quelqu’un est saint, qu’il vienne ; si quelqu’un ne l’est pas, qu’il fasse pénitence, Maranatha », d’autres paroles d’une forme tout à fait identique : la conclusion de I Cor., xvi, 22 : « Si quelqu’un n’aime pas le Seigneur, qu’il soit anathème, Maranatha ». Cette similitude ne donnerait-elle pas à croire que dans les assemblées chrétiennes on employait ce type d’acclamations ? Lietzmann, lui aussi, op. cit., p. 237, a, non sans vraisemblance, proposé de composer avec ces phrases le dialogue suivant : L’officiant : Vienne la grâce et que le monde passe. — Le peuple : Hosanna au Dieu ( au Fils) de David. — L’officiant : Si quelqu’un est saint, qu’il vienne : s’il ne l’est pas, qu’il fasse pénitence. Maranatha. — Le peuple : Amen.

L’hypothèse n’a rien d’invraisemblable. Une autre moins probable a été émise. On s’est demandé s’il ne fallait pas voir dans ces courtes phrases, soit des amorces de cantiques chantés par la communauté, soit un résidu d’hymnes ayant été autrefois en usage. Cf. Von der Golz, Das Gebet in der àltesten Christenheit, Leipzig, 1911, p. 2Il sq. ; Goguel, op. cit., p. 233, 234. « La première phrase, dit-on, a un caractère rythmique très net. » D’autre part, l’Hosanna a toujours fait partie d’un cantique. Les mots : « Si quelqu’un est saint », « Le Seigneur vient », sont de ceux qui seraient tout à fait à leur place dans un chant de communion. A l’appui de ce sentiment, on pourrait observer que des psaumes étaient placés à la fin du repas de Pâques, et qu’après la première cène, l’hymne avait été récité. Matth., xxvi, 30.

Par contre, on a fait remarquer non sans raison que chacune de ces acclamations a un sens total et se suffit à elle-même, que toutes se retrouvent ailleurs, soit dans le Nouveau Testament, soit dans la Didachè. Il est donc peu vraisemblable qu’elles soient des incipit de cantiques. Lebreton, op. cit., p. 109-110. Ce qui est sûr, c’est qu’on n’a aucune raison de les considérer comme des gloses tardives. On ne peut s’empêcher de penser que cet Amen et les acclamations qui le précèdent, terminent fort bien la cérémonie.

Au terme de cette étude, force est de le constater : Pas un mot ne confirme l’hypothèse de Wetter sur l’offrande liturgique d’aliments destinés au repas collectif des fidèles. Les noms de l’assemblée : fraction