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MESSE DANS LES PLUS ANCIENS TEXTES : LA DIDACHÈ


tout les participants expriment leur gratitude. « Nous te rendons grâces, ô Père saint pour ton saint nom que tu as fait habiter dans nos cœurs. » Le nom de Dieu, c’est sa force, son esprit, sa vérité, quelque chose de sa personne. Lietzmann, op. cit., p. 235. Le Père les a fait habiter en nos cœurs. Cette locution est aussi juste que claire pour désigner la participation au.corps et au sang du Fils de Dieu. Plusieurs textes de l’Ancien Testament l'établissent : Dieu fait habiter son nom là où il a son séjour, sa demeure, son trône, son temple. Ainsi on lit dans Jérémie.vn, 12 : « Allez à ma demeure qui était à Silo, où j’avais autrefois fait habiter mon nom. » Semblablement il est dit dans Ézéchiel, xliii, 7 : « Fils de l’homme, c’est le lieu de mon trône où j’habiterai au milieu des enfants d’Israël. » De même, dans I Esdr., vi, 12, il est dit du temple que Dieu « y fait résider son nom ». Et dans Néhémie, i, 9, la Palestine est appelée le lieu que Dieu « a choisi pour y faire habiter son nom ». Quand on a rappelé ces textes, il est impossible de ne pas comprendre ainsi la Didachè : « Nous te rendons grâces, ô Père saint, pour avoir fait de nos cœurs ton séjour, ta demeure, ton trône, ton temple. » On ne saurait exprimer plus clairement le concept de communion.

C’est encore ce qu’on est obligé de conclure, si on rapproche ces mêmes paroles de la Didachè de la prière eucharistique ou sacerdotale que, d’après saint Jean, Jésus prononça lors de la dernière cène. Les similitudes sont frappantes. Jésus le déclare : Il a manifesté le nom du Père à ses disciples. Joa., xvii, 6. Il le leur a fait connaître, afin qu’il soit lui aussi en eux. xvii, 26. En ce nom, il les a conservés pendant qu’fV était avec eux, xvii, 12, « et maintenant, Père saint, gardez-les en ce nom, afin qu’ils ne fassent qu’un comme nous. » xvii, 11. — Ainsi dans le nom du Père s’accomplit la communion des disciples entre eux et avec le Verbe fait chair qui habite parmi nous, i, 14.

C’est encore dans le même langage du IVe évangile que sont décrits par la Didachè les fruits de cette présence de Jésus : « Nous te remercions, pour la connaissance, fidiaztà-, °t, a IQ » Tc'.aTeco ;, et l’immortalité, àjavxcnaç, que tu nous a révélées, Y^copiÇsu, par Jésus ton serviteur. » Voilà bien ce qu’apporte le Christ, d’après la prière johannique de la dernière cène : « J’ai manifesté votre nom aux hommes que vous m’avez donnés, xvii, 6. Je le leur ai fait connaître, y^cop^e.v. 26. Ils savent à présent, Yv » ôjct : ç, que tout ce que vous m’avez donné vient de vous, 7, que je viens de vous, 8 et que vous m’avez envoyé. 8. Aussi ont-ils cru, Trî.art.^, 8, et d’autres croiront en moi. 20. C’est dire qu’ils obtiendront la vie éternelle, Çw/] ccîomoç = à'îavacna, car la vie éternelle, dit Jésus, c’est qu’ils vous connaissent, yjù>(yi'., le Père, le seul vrai Dieu et celui qu’il a envoyé, xvii, 3. Et le c. vi de saint Jean, où est promis le pain de vie, l’eucharistie, affirme aussi que, si l’on mange de cette nourriture, on ne meurt pas, vi, 50 ; on vit éternellement, vi, 51. Ainsi dans la seu’e prière dite à la dernière cène par le Christ et conservée par saint Jean apparaissent tous les mats de la Didachè, toutes les idées qu’elle exprime. Cet écrit nous fait donc bien connaître ici l’acte qui commémore le dernier repas du Seigneur et qui mît les disciples en communion avec lui comme les douze l’ont été au cénacle.

On se convaincra davantage encore qu’il n’y a pas seulement ici un repas fraternel et religieux, une agipe, si l’on observe que, dès la plus haute antiquité, d’autres documents signalent comme un effet de l’eucharistie la vie éternelle. Ainsi fait presque au même moment saint Ignace d’Antioche : Il parle d’elle comme d’un remède d’immortalité, qupu, axov àîx « j'.a ;, d’un antidote qui préserve de la mort

et assure pour toujours la vie en Jésus-Christ. Eph., xx, 2. Voir encore un papyrus inédit de Berlin cité par Lietzmann, op. cit., p. 257, et qui parle d’un remède d’immortalité, <pàpu.<xxov àÔavaotaç, d’un antidote de vie, àvTÎSoTOv ÇoTJç.

La doxologie déjà relevée : (Uoire à toi dans les siècles, sépare cette prière de la suivante. Celle-ci exalte la création par le Tout-Puissant de l’univers en l’honneur de son nom ; le don qu’il a fait aux hommes de la nouniture et de la boisson : enfin le bienfait dont il les gratifie en leur accordant par son serviteur un aliment et un breuvage spirituels ainsi que la vie éternelle. Aussi la Didachè conclut-elle en invitant les chrétiens à rendre grâces pour de telles largesses qui mettent si fortement en relief la puissance de Dieu.

La présence de cette pi ière est une nouvelle preuve que la Didachè ne décritjpas un repas chrétien distinct de l’eucharistie. Dans toutes les liturgies, on trouve une formule plus spécialement consacrée à l’action de grâces. C’est la prière eucharistique par excellence. On y remercie le Très-Haut de la création et de tous ses bienfaits. Ne possédons-nous pas ici le type le plus ancien de cette solennelle supplication ?

Parmi les dons de Dieu est spécialement signalé l’octroi de la nourriture et de la boisson qui sustentent notre corps. Ensuite seulement sont exaltés l’aliment et le breuvage spirituels. Cette distinction, cette mention expresse des deux dons ne sont-elles pas motivées par le fait que, dans les milieux où parut la Didachè, le iite de la communion eucharistique est encore uni à un repas, à une cène proprement dite. Si les fidèles viennent de rassasier et leur corps et leur âme, le langage de la Didachè s’explique' encore mieux, les chrétiens sont alors tenus de remercier expressément et pour la nourriture matérielle et pour la nourriture spirituelle.

Cette dernière est un bien propre aux chrétiens. « Aux hommes Dieu a donné la nourriture… ; à nous », baptisés, à nous seuls « il a octroyé un aliment et un breuvage spirituels, ainsi qu’une vie éternelle par son serviteur ». Ces mots s’entendent-ils seulement de la foi et de la gnose ? Non, semble-t-il, car déjà il en a été expressément parlé. L’antithèse entre le don spirituel et la nourriture matérielle se comprend mieux s’il est question ici de l’aiment et du breuvage eucharistiques. Ils sont vraiment les mets que Dieu le Père nous a donnés par Jésus, son serviteur. C’est lui qui à la dernière cène nous en a dotés. Hemmer, op. cit., p. xlviii. Cette fois encore, les mots employés rappellent le vocabulaire de saint Jean : « Travaillez non pour la nourriture qui périt, mais pour celle qui demeure en vue de la vie éternelle. » vi, 27.

Une nouvelle doxologie nous avertit que la prière finit et qu’une troisième commence. Cette dernière est une supplication pour l'Église. Elle débute par les mots : Mvtqo-Stjti, Souviens-toi. C’est donc le premier type des prières liturgiques dites Mémento. Et dans toutes les liturgies postérieures se trouve » une ou plusieurs supplications pour la communauté, pour l'Église. La présence de cette prière n’atteste-t-elle pas aussi que la Didachè ne décrit pas une simple agape, un repas religieux quelconque ? Nous sommes en face d’un service eucharistique, avec ou sans repas.

Dans cette prière, de nouveau il faut relever la parenté des formules avec les expressions johanniques. « Souviens-toi, Seigneur, de délivrer ton Église de tout mal ». x, 5. Ainsi — et c’est toujours dans la prière eucharistique de la dernière cène rapportée par le quatrième évangile — on lit : « Je ne vous demande pas de les ôter du monde, mai ; de les garder du mal. » xvii, 15. — « Souviens-toi, Seigneur, continue la Didachè, de rendre ton Église p : irjaile