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MESSE DANS LES PLUS ANCIENS TEXTES : LA DIDACHK 874

ristique soit l’union future de toutes les communautés, de tous les fidèles dans le royaume de Dieu. Les grains de blé dont se compose ce pain rompu étaient autrefois disséminés sur les collines, ils ont été rassemblés pour devenir un seul tout : « Qu’ainsi ton Église puisse être rassemblée des extrémités de la terre dans ton royaume. »

Peut-être cette fois le rapprochement qu’on a établi entre cette prière et des formules juives est-il un peu moins gratuit. Lietzmann, op. cit., p. 235, cite ces textes anciens : « Élève une bannière pour rassembler des quatre coins de la terre tous nos exilés en noire pays. — Béni soit Jahvé qui réunira les dispersés de son peuple Israël. » Il est permis d’admettre que les convertis venus du judaïsme et habitués à réciter des prières semblables pour le retour des Juifs de la dispersion en Palestine, aient éprouvé le besoin de les conserver plus ou moins modifiées, mais dites désormais au profit du nouveau peuple de Dieu. Que tous ses membres et toutes ses Églises dispersées se réunissent dans le royaume messianique à la manière dont les grains de blé sont associés en un seul tout, l’aliment eucharistique.

Tout naturellement, on se rappelle la parole de saint Paul : « Puisqu’il y a un seul pain, nous formons un seul corps, tout en étant plusieuis. » I Cor., x, 17. Cependant il faut avouer que le terme de comparaison n’est pas le même, et que si l’apôtre pense ici à l’unité mystique du corps du Christ qu’est l'Église, la Didachè évoque plutôt la pensée de la fusion future de tous les chrétiens, de toutes les communautés dans le royaume eschatologique. Néanmoins, il y a une idée semblable à relever dans l’un et l’autre cas. Le rite eucharistique, d’après la Didachè comme d’après saint Paul, est un symbole d’unité catholique et un moyen de l’obtenir. — La doxologie un peu plus longue « A lui la gloire et la puissance », ix, 4, se retrouve dans I Petr., v, 11, et Apoc, r, 6.

I. A cet endroit se place une remarque importante, ix, 5 : Pour manger, pour boire l’eucharistie, il faut être baptisé. C’est à ce sujet que le Seigneur a dit : « Ne donnez pas ce qui est saint aux chiens ». Ce dernier mot est dans Matth., vii, 6.

Cette observation était-elle faite à haute voix comme plus tard le Scinda sanctis prononcé avant la communion ? Ou bien "les prières sont-elles ici coupées par une rubrique, par l'énoncé d’une règle morale ? Il est difficile de répondre à la question. Publiée ou non, cette défense montre que Veucharistie dont il est parlé n’est pas un repas religieux quelconque. Si elle était une agape, on pourrait moins facilement lui appliquer le mot de Matth., vit, 6 : « Ne donnez pas les choses saintes aux chiens. » Le sens est des plus clairs. De même qu’en Israël la viande des sacrifices n'était pas jetée aux animaux, de même, puisque l’eucharistie est un sacrifice pur, xiv, 1, 3, l’infidèle ne doit pas y participer.

Avait-il le droit d’assister au rite chrétien sans communier ? Le texte ne résoud ni ne pose la question. Si on songe à ce qu’enseigne la Didachè de la sainteté du rite, xiv. si on se rappelle que la participation d’un disciple du Christ en lutte contre un de ses frères risque de souiller le sacrifice de tous, xiv, 2, il est difficile d’admettre que la présence d’un infidèle ait pu être tolérée pendant que s’accomplissait l’eucharistie.

m. C’est à ce moment que pour employer l’expression de la Didachè, les fidèles se rassasiaient. Qu’entendre par ce mot ?

On a dit qu’un pareil tcime ne pouvait désigner l’eucharistie, la communion, mais devait s’appliquer à une agape, à un repas proprement dit, à une opération qui apaise la faim (Zahn, Weizsacker, Haupt, Beming, Béville). Il a été répondu que ce même

veibe a pu être employé par saint Paul, Rom., xv, 24, au sens figuré : « .l’aurai rassasié mon désir ». Pourquoi ne devrait-on pas dire de la communion qu’elle rassasie les fidèles ? « Le réalisme de l’expression pourrait très bien s’appliquer à la réception de l’eucharistie nourriture spiiituelle. » Hemmer, op. cit., p. i.i. Remaniant ce passage, l’auteur des Constitutions apostoliques, vii, 26, n’a pas hésité à cioire qu’il s’agissait ici, non d’un repas, mais de la communion. Or il « était mieux placé que nous pour comprendre le sens de la Didachè. » Goguel, op. cit., p. 233. Tout ce qui précède, tout ce qui suit montre d’ailleurs que la Didachè ne mentionne ni un festin purement profane, ni un banquet religieux quelconque, mais un repas où est mangée une eucharistie, ix, 5, où sont reçus un aliment et un breuvage spilituels. x, 3. Voir Volker, Mysterium und Agape, Gotha, 1927, p. 106-107,

Néanmoins le mot s’explique encore bien mieux si on admet que dans le milieu auquel était destinée la Didachè, l’eucharistie se célébrait au cours d’un repas commun et fraternel. Il en avait été ainsi à Jérusalem à l’origine. Cette habitude existait aussi à Corinthe. Qu’on la tienne pour légitime ou abusive, qu’on attribue son origine à une initiative des fidèles de cette Église ou à un ordre primitif de son fondateur, le fait est indiscutable. Ce qui s’est passé en Grèce ne s’est-il vu nulle part ailleurs ? Dans les communautés où parut la Didachè n’a-t-on pas pu vouloir reproduire plus complètement la première cène, ou profiter de l’usage juif du repas plus ou moins religieux pris en commun pour y célébrer l’eucharistie ? Ainsi s’expliquerait le mot rassasier. Il faut bien en convenir : « l’expression [istol tô è[X7rXr ; CT0f, vat, x, 1, se prête admirablement soit à la théorie de l’agape jointe à l’eucharistie, soit à la théorie d’un repas semi-liturgique sans attache à l’eucharistie. » Hemmer, op. cit., p. li, Or, cette dernière hypothèse ne peut être admise : Tout montre qu’en cet endroit la Didachè parle de l’eucharistie, de sa célébration et de son contenu, de la communion et des dispositions qu’elle requiert. Ne voir ici qu’une agape, un repas plus ou moins religieux, à plus forte raison un banquet profane, c’est ne tenir aucun compte de données très claires et irrécusables. Mais, au contraire, admettre que la communion était liée à une cène chrétienne, c’est mieux expliquer le mot rassasier et peut-être se préparer à comprendre plus facilement les prières qui vont suivie.

n. Après que les fidèles se sont rassasiés, ils prononcent deux actions de grâces et une supplication pour l'Église.

La première formule est ainsi conçue : « Nous te rendons grâces, ô Dieu saint, pour ton saint nom que tu as fait habiter dans nos cœurs, pour la connaissance, la foi et l’immortalité que tu nous a révélées par Jésus ton serviteur. Gloire à toi dans les siècles 1° Noter qu’aptes la communion le mot saint est immédiatement prononcé, qu’il l’est deux fois : « Père saint », « pour ton saint nom ». Rien ici du trisanion, mais la répétition du mot pourrait rappeller la liturgie eucharistique. D’autre part, comme au c. xiv, l’attention de l’auteur et par lui celle du lecteur sont attirées sur l’attribut de pureté. Tout de suite réapparaît le vocabulaire du IVe évangile : « Père saint. « Joa., xvii, 11. Il faut même observer que Jésus employa ces mots dans la prière sacei dotale prononcée par lui à la dernière cène, et où cei tains critiques ont voulu voir une eucharistie ou un type d’eucharistie.

Si on n’avait célébré qu’une agape, un banquet religieux, il eût été normal de remercier d’abord de la nourriture et du breuvage. Au contraire, s’il y a eu communion, on comprend mieux que pour elle avant