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MESSE DANS LES PLUS ANCIENS TEXTES : LA DIDACHÈ


réponses ont été faites. Plus communément on estime que toutes les prières se rappoitent à l’eucharistie. Celles du c. ix la précéderaient, celles du c. x la suivraient. Voir dans Struekmann, Die Gegenwart Christi in der II. Eucharistie, Vienne, 1900, p. 3, et dans BatiiTol, L’eucharistie, 8e édit., Paris, 1920, p. 01, une liste très longue des partisans de cette opinion. Nommons seulement les noms de Funk, Jacquier, Hemmer, Harnarck, Spilta, Rauschen, Drevvs, Goguel, Wieland, Baumstark, Struekmann, Balilïol. De plus en plus elle est admise.

D’après une autre opinion, les prières du c. ix précèdent l’agape, la première partie du c. x la suit et en est l’action de grâces. La fin du même chapitre, est une invitation à la communion eucharistique. Le nombre des tenants de cette opinion est peu considérable. Struekmann. cite Zahn, Weizsàcker, Wohîenberg, Haupt, Renesse, Berning.

Enfin, d’après une troisième opinion, il ne serait question dans les c. ix et x que de l’agape. Et c’est seulement au c. xiv que la Didachè parlerait de l’eucharistie. Ladeuze, L’eucharistie et le repas commun des fidèles dans la Didachè, dans Revue de l’Orient chrétien, Paris, 1902, p. 339-359 ; A. Sabatier, La Didachè ou l’enseignement des douze apôtres, Paris, 1885, p. 99, 110 ; Leclercq, art. Didachè, dans Diction, d’archéologie, t. iv, col. 782-791.

L'étude des prières des c. ix et x montrera qu’il est impossible de ne pas les entendre de l’eucharistie. L’interprétation contraire « se heurte à des difficultés insurmontables ». Lebreton, La prière dans l'Église primitive, dans Recherches de science religieuse, 1924, p. 111, « Pas d’hésitation possible, écrit Batiffol, ce n’est pas un repas quelconque qui est décrit ni une agape, mais l’eucharistie, rien qu’elle. » Op. cit., p. 60.

Observons d’abord que l’action de grâces ou eucharistie avec fraction du pain, dont parie xiv, 1, correspond à l’action de grâces ou eucharistie des c. ix et x (ix, 1, 2, 3 ; x, 1, 3, 4) accompagnée elle aussi de la fraction du pain (ix, 3, 4). L’auteur a très bien pu, en deux passages distincts, parler du même objet. Il avait une raison de le faire. Les c. ix et x se trouvent dans la partie liturgique où sont exposées les règles relatives au baptême, au jeûne, au Pater ; il est tout naturel que les prières de l’eucharistie y soient elles aussi insérées : on la célébrait après le baptême. Quant au c. xiv, il se place au milieu d’ordonnances disciplinaires relatives à la vie de la communauté chrétienne, et où souvent il est question des assemblées. C’est donc bien là que l’auteur devait, semble-t-il, sans reproduire à nouveau cette fois les prières à réciter, faire connaître l’obligation de tenir chaque dimanche une réunion eucharistique. Ainsi le rite « décrit au c. xiv n’est pas autre que celui des c. ix et x ». Lietzmann, op. cit., p. 232. C’est d’rvlleurs ce que fera ressortir l’exégèse même des textes.

b) Exégèse des textes. — a. Le rite dont il s’agit est un sacrifice : Ouata. La Didachè ne se contente pas de l’affirmer en passant. Elle le dit trois fois en quelques lignes, xiv, 1, 2, 3. Bien plus, elle montre qu’elle entend ce mot au sens propre.

Pour prouver que l’assemblée doit être pure, elle invoque la parole de Jésus que nous lisons Matth., v, 23-24 : « Si tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse-là ton oblation devant l’autel et va d’abord te réconcilier avec ton frère, puis viens présenter tes offrandes. » Dans ce passage, il est parlé du culte du temple, donc de sacrifices proprement dits. — Le second argument mis en avant pour exiger la pureté de l’assemblée chrétienne n’est pas moins probant. C’est la prophétie de Malachie.i, 1 1, rapportée

ici en ces termes : « Qu’en tout lieu et en tout temps on m’otîre un sacrifice pur : car je suis un grand roi, dit le Seigneur, et mon nom est admirable parmi les nations. « Soutenir que ce qui est comparé ici c’est uniquement la pureté du sacrifice prédit par Malachie et celle du rite décrit par la Didachè, Wieland, Der vorirenaische Opferbegrifj, p. 30 sq., c’est supprimer la moitié du texte. Voir Lamiroy, op. cit., p. 240. La Didachè ne dit pas que Malachie annonce un rite religieux pur, mais un sacrifice pur. Ainsi l’auteur affirme, il prouve qu'à l’assemblée du dimanche la fraction du pain et l’action de grâces sont une Ouata, un sacrifice. Cf. Brinktrine, Der Messopferbegriff in den ersten zwei Jahrhunderten, Fribourg 1918, p. 01-65. Un tel texte est à coup sûr bien gênant pour qui îefuse à la cène chrétienne piimitive ce caractère. Aussi J. Réville se demande-t-il un instant si l’appel à Malachie ne serait pas une interpolation. Les origines de l’eucharistie, Paris, 1908, p. 54. L’hypothèse est si audacieuse, si gratuite, que l’auteur n’essaye pas de s’y arrêter. Il préfère ajouter que le rapprochement du sacrifice de Malachie avec le rite chrétien est « purement superficiel et extéiieur ». Rien ne l’indique, rien ne contraignait la Didachè à employer trois fois en quelques lignes le même mot 6uaîa et lui seul, sans donner aucune explication qui lui enlève sa signification naturelle, le sens qu’il avait pour des Orientaux à l'époque où fut composé cet éciit. L'étude d’ailleurs de toutes les données de la Didachè sur l’eucharistie nous permettra de voir si le sacrifice est ici une simple prière.

b. « Le jour dominical du Seigneur », le dimanche, se tient une assemblée des membres de la communauté, une synaxe, cwayGivzeç. xiv, 1. Elle n’est pas facultative. Il est impéré aux fidèles de s’y rendre, pour rompre le pain, ouva/OévrEç x>.àaaT£. Thibaut, La liturgie romaine, Paris, 1924, p. 33, a essayé de démontrer que la locution grecque traduite par les mots « le jour dominical du Seigneur » doit se comprendre ainsi : « selon le précepte dominical du Seigneur ». Cette interprétation ne paraît pas s’imposer. Au reste, comme l’observe Thibaut, du moment que l’assemblée est prescrite, elle devait avoir lieu le dimanche

c. En vue de cette assemblée, la communauté doit se choisir des évêques et des diacres, afin qu’ils y fassent pour les fidèles « le service liturgique des prophètes et des docteurs ». xv, 1. Cette expression ne satisfait qu’imparfaitement notre curiosité. Cependant deux points sont hors de doute. D’abord il faut distinguer dans l’assemblée chrétienne d’une part des assistants, d’autre part des personnes qui font le service liturgique, xv, 1. Dans les Septante ce mot désigne le culte public, le service des prêtres et des lévites. Si n’impoite quel fidèle pouvait accomplir tout ce qui doit avoir lieu au cours de la synaxe chrétienne, l’ordre de choisir des évêques et des diacres, la recommandation de réserver pour cet office des hommes de grande vertu, xv, 1, n’auraient eu aucune raison d'être. Prophètes et docteurs, évêques et diacres sont investis à la réunion dominicale de fonctions liturgiques proprement dites, qui les distinguent du peuple et leur donnent le droit d'être honorés de lui. xv, 2. Cf. Brinktrine, op. cit., p. 03.

Que font à la réunion du dimanche ces élus de la communauté? L’office du docteur, la Didachè ne le détermine pas, mais c'était à coup sûr, une fonction d’enseignement. Quant au prophète, il est ordonné qu’on le « laisse rendre grâces autant qu’il le voudra ». Il a donc qualité pour prendre seul la parole, diriger la pensée de l’auditoire, en d’autres termes, pour présider la cérémonie. Aussi la Didachè présente-t-elle