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853 MESSE DANS L’ECRITURE, LA CENE CHRETIENNE : SES RITES 854

Jérusalem dans les tout premiers temps, puisque la cène chrétienne était unie à un repas, il est probable aussi qu’elle se célébrait le soir : on allait au Temple pendant le jour.

En cette ville, à l’origine, on peut croire que la fraction se célébrait quotidiennement xaO'-r]tj.spatv Act., ii. 46. Toutefois le fait n’est pas absolument sûr. Ces mots se lisent dans le verset où un bon nombre de commentateurs ne veulent pas voir l’eucharistie. Même si on entend de la fraction du pain et non des repas ordinaires la phrase où se trouve la locution « chaque jour », peut-être ne se rapporte-t-elle qu'à la fréquentation du Temple : « Quotidiennement ils persévéraient d’un seul cœur dans la fréquentation du Temple et, rompant le pain à la maison, ils prenaient leur nourriture avec allégresse et simplicité de cœur. » A Troas, les fidèles se réunissaient le premier jour de la semaine, le dimanche, pour la fraction du pain, xx, 7. On peut croire qu’il en était, ainsi dans les chrétientés qu’avait fondées saint Paul : c’est ce jour-là en effet qu’on devait mettre à part l’argent pour la collecte. I Cor., xvi, 2.

Où se tient l’assemblée ? Le livre des Actes, ii, 46, relate que les chrétiens se réunissent chez des particuliers, dans des maisons privées. Il nomme une de celles où s’assemblent les fidèles : c’est la demeure de Marie, mère de Jean Marc. Act., xii, 12. A Troas, les chrétiens sont réunis en un troisième étage, dans une chambre assez vaste pour qu’il y ait beaucoup de lampes. Act., xx, 7-9. La communauté de Corinthe s’assemble en une « église ». I Cor., xi, 18. Saint Paul oppose ce lieu aux maisons privées où les fidèles mangent et boivent. Toutefois, pour qu’il puisse parler ainsi, pas n’est besoin de supposer que les fidèles possèdent soit un édifice soit une chambre exclusivement réservée au culte, ce que nous appelons aujourd’hui une église. Il suffit que ce mot désigne une assemblée officielle, même si elle se tient dans une maison privée qui sert à d’autres usages.

3* Comment à la cène chrétienne faisait-on, en mémoire du Christ, ce qu’il avait fait à la cène ? — De même que Jésus avait présidé le repas d’adieu, ainsi Paul à Troas dirige l’acte qui le renouvelle, il « rompt le pain t, Act., xx, 11.

Du pain et du vin étaient préparés. Nous avons dit ce qu’il fallait penser de l’audacieuse conception d’après laquelle l’eucharistie primitive ne se composait que de pain. Lietzmann, op. cit., p. 239-249. Les trois Synoptiques et Paul dans le récit de l’institution signalent les deux éléments. Si les Actes ne mentionnent que la fraction, leur silence s’explique aisément et ne peut être tenu pour une négation. Au reste, saint Luc dans son récit de l’institution a parlé de la coupe. La mention de l’alliance qui se trouve dans les autres récits de la cène établit qu’il y a dans l’eucharistie un équivalent du sang versé pour sceller l’alliance mosaïque. Yolker, op. vit :, p. 43, 44. Le quatrième évangile répète à quatre reprises ce que le fidèle doit manger et boire : la chair, le sang du Christ. Joa., vi, 53-56. Le fait paraît plus surprenant encore si on veut bien observer que tout le chapitre traite du pain de vie. Les arguments présentés par l’auteur garderaient leur valeur essentielle même s’il parlait seulement de la chair du Christ. Si donc il nomme le sang, ce ne peut être que pour faire allusion aux deux éléments dont se compose l’eucharistie.

Pour soutenir que l’eucharistie primitive s’est composée exclusivement du pain, il faut préférer à tous ces témoignages si anciens et si importants des textes apocryphes postérieurs, hérétiques ou suspects, Homélies clémentines. Actes de Pierre, de Jean, de Thomas. Présenter une pareille thèse, c’est la discréditer.

En vain, pour l’appuyer, Lietzmann, loc.~ cit., ajoute que primitivement le contenu de la coupe lorsqu’elle s’introduisit était de l’eau, ou du moins pouvait ne pas être du vin. Cette indifférence à l'égard du choix de la seconde matière prouverait qu’elle était tenue pour moins importante et que son emploi ne remonterait pas aux origines. Ce n’est pas le lieu d'étudier les témoignages non bibliques sur l’emploi de l’eau à la cène. Les écrits du Nouveau Testament sont formels. Dans le récit de Matth., xxvi, 29 ; Marc, xiv, 25 ; Luc, xxii. 18, il est parlé du fruit de la vigne. Les synoptiques affirment que le repas d’adieu fut d’une certaine manière un repas pascal ; or, dans ce festin figurait du vin. Paul, il est vrai, ne nomme que la coupe de bénédiction sans préciser quel est son contenu. Au contraire, il présente comme une figure du breuvage spirituel l’eau que Moïse dans le désert fit jaillir du rocher. I Cor., x, 4. Mais aucun doute n’est possible sur l'élément qui d’après lui devait être employé à la cène. La tradition qu’il rapporte est identique à celle que consignent les Synoptiques. Plus encore que les trois évangélistes l’apôtre met le second élément de l’eucharistie en rapport avec le sang, du Seigneur et de l’alliance, avec la mort du Sauveur. Mieux que l’eau, le vin est apte à exprimer cette relation. Enfin, on n’a pas oublié que, reprochant aux Corinthiens leurs abus, il flétrit l’excès du viii, l’ivresse. I Cor., xi, 21-22. Le quatrième évangile parle de l’eau, de l’eau de la vie, de l’eau qui apaise la soif de l'âme, iv, Il sq. ; vii, 38, mais en des endroits qui n’ont aucun rapport avec la cène. On pourrait d’ailleurs faire observer qu’il a aussi nommé le viii, et qu’il l’a fait à l’occasion d’un repas, celui de Cana, iv, 46, où des Pères de l'Église et nombre de critiques indépendants voient un symbole de l’eucharistie. Ce qui est sûr, c’est que dans les discours du dernier entretien de Jésus avec les disciples, ceux qui prennent place après le repas d’adieu relaté par les Synoptiques, le quatrième évangile fait dire à trois reprises par le Christ qu’il est la vigne, xv, 1, 4, 5.

Puisque ces éléments étaient apportés pour que les fidèles fissent en mémoire de Jésus ce qui s'était passé à la cène, il est facile de reproduire le rite.. Le président rendait grâces, ou, en d’autres termes, il bénissait Dieu. Les deux mots eulogie et eucharistie sont synonymes. On les trouve dans les Synoptiques et dans saint Paul. Luc, xxii, 19 ; I Cor., x, 16 ; xi, 24.

Le pain était rompu comme il l’avait été par Jésus, Matth., xxvi, 26 ; Marc, xiv, 22 ; Luc, xxii, 19 ; I Cor., x, 16 ; xi, 24 ; Act., ii, 42, 46 ; xxi, 11, pendant qu'étaient répétées les paroles du Christ sur l’identité de cet aliment et de son corps. Suivait, comme jadis au cénacle, la distribution aux assistants de cette eucharistie. Il n’est pas dit que Jésus l’ait consommée. Nous savons au contraire qu'à Troas le président de la fraction goûte ce qu’il rompt pour le présenter à ses frères.

Sur la coupe de vin était prononcée la parole du Seigneur attestant qu’elle était son sang, le sang de l’alliance, le sang répandu pour beaucoup. Matth., xxvi, 27-28 ; Marc, xiv, 23-24 ; Luc, xxii, 20 ; I Cor., xi, 25. On comprend que l’Apôtre ait appelé la coupe le calice de bénédiction que nous bénissons. I Cor., x, 16. Elle devait alors être donnée aux assistants comme l’avait été à la cène primitive celle dont on reproduisait la distribution.

Pour le même motif encore, afin de faire aussi complètement que possible ce qui avait été accompli au repas du Seigneur, on rappelait la mort du Christ et l’ordre donné par lui de réitérer cet acte pour commémorer son souvenir, jusqu'à ce qu’il vînt. Luc, xxii, 19 ; I Cor., xi, 24-26.