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MESSE DANS L'ÉCRITURE, L'ÉPITRE AUX HÉBREUX


de la croix garde son efficacité propre ». Lepin, L’idée du sacrifice de la messe, Paris, 1926, p. 70.'i.

Est-ce à dire que le Christ entré dans le Saint d’outre-tombe n’y joue aucun rôle ? Nullement, car il y a un « sacerdoce céleste » et l'Épître aux Hébreux le décrit. Jésus est toujours vivant, il demeure « à jamais grand prêtre selon l’ordre de Melcliisédecb », 1'épître ne se lasse pas de l’affirmer, vi, 19 ; vii, 16-17, 21, 24 ; x, 12, etc. « Assis à la droite du trône de la majesté », vui, 1, « à la droite » même « de Dieu », x, 12, « couronné de gloire et d’honneur », ii, 2, il est « le ministre du sanctuaire véritable », viii, 9, « le médiateur de l’alliance éternelle conclue dans son sang », ix, 15 ; xii, 24 ; xiii, 20, « le grand pasteur des brebis », xiii, .20 ; « notre avant-coureur », vi, 19, grâce auquel « les appelés reçoivent l’héritage éternel promis » au peuple de Dieu, ix, 15.

Ces titres ne sont pas de vains mots. Le Christ possède pour exercer pareille fonction des droits et des aptitudes réelles indiscutables. « Parce qu’il a souffert, il est capable de venir en aide à ceux qui sont dans l'épreuve. » ii, 18. « Rendu parfait, il devient, pour tous ceux qui lui obéissent », « pour tous ceux qui vont à Dieu par lui », « cause de salut éternel ». v, 9 ; vii, 25. Il est exalté « pour avoir souffert la mort, afin que, par la grâce de Dieu, ce soit au bénéfice de tous qu’il l’ait goûtée ». ii, 9.

Comment remplit-il cet office ? L'épître répond à cette question en des termes dont la clarté ne laisse rien à désirer. Jésus « dans le temps présent paraît devant la face de Dieu pour nous ». ix, 24. « Il intercède en faveur de ceux qui vont à Dieu par lui. » vu, 23. « Son sang, celui de la purification, parle mieux que celui d’Abel. » xii, 24. Les fidèles sont donc invités à se tourner vers « ce grand prêtre capable de compatir à toutes nos faiblesses ». « Approchez-vous avec confiance pour obtenir miséricorde et pour trouver grâce en vue du secours opportun », iv, 15-16, et pour obtenir « l’héritage éternel ». ix, 15.

Voici donc, d’après l'Épître aux Hébreux, ce qui se passe dans le ciel, à chaque moment où sur la terre se célèbre cette cène chrétienne que l’auteur ne peut pas ignorer — tout le monde en convient aujourd’hui — et qu'à coup sûr il se garde bien de désapprouver et de combattre ; cette eucharistie à laquelle il fait sans doute allusion quand il parle de l’autel dont mangent les fidèles et qui est peut-être pour lui « le sacrifice de louange » offert à Dieu par le Christ et qui s’accompagne des prières et des aumônes des assistants. Il n’y a pas alors nouvelle oblation du Christ, il n’y a ni sur terre, ni au ciel un second sacrifice distinct du premier. Mais à ce moment même Jésus « paraît devant la face de Dieu pour nous », ix, 24, et il se présente en qualité de « prêtre et de médiateur », puisqu’il le demeure à jamais. Parce que ses disciples « vont alors à Dieu par le Christ », « il intercède en leur faveur », vu, 25. Parce qu’ils « présentent au Très-Haut son sang », « celui de l’alliance », « celui du grand pasteur des brebis », « ce sang parle mieux que celui d’Abel ». xii, 24 ; xiii, 20. Ils sont « dans l'épreuve, sa compassion leur vient en aide ». ii, 18. Ils « s’approchent avec confiance du trône de sa bonté », donc ils obtiennent miséricorde et « trouvent grâce en vue du secours opportun ». iv, 15-16. Ils « font alors acte de soumission au Christ », puisque, s’ils renouvellent les gestes de la première cène, c’est sur un ordre dont le souvenir nous est conservé par saint Paul et les Synoptiques, et ainsi se vérifient les promesses de l'Épître aux Hébreux : « Jésus devient pour ceux qui lui obéissent cause de salut éternel », v, 9, de ce salut qu’il peut accorder sans fin à ceux qui « par lui vont à Dieu ». vu, 25.

Ainsi l’auteur de l'Épître aux Hébreux n’ignore cer tainement pas que de son temps on réitère à la cène chrétienne le repas d’adieu. Il ne combat pas cet usage, au contraire. Sans doute, à ses yeux, il n’y a sous la nouvelle Loi qu’un grand prêtre, Jésus, et lui seul est la victime de l’unique sacrifice des chrétiens, celui de la croix..Mais le rite de la cène et l’action du Christ au ciel sont inséparablement unis à l’immolation du Calvaire. Au repas sacré des chrétiens, les fidèles mangent la victime qui a été immolée sur la croix. Et au ciel, Jésus offre pour nous avec ses prières le sang qu’il a versé au Golgotha. Il n’y a pas trois sacrifices distincts, celui de l’assemblée chrétienne, celui de la croix, celui du ciel, il n’y en a qu’un dont la victime et le prêtre sont Jésus. Cette doctrine s’explique à merveille par les croyances des apôtres et des chrétiens venus du judaïsme : pour Israël, la mise à mort d’une victime, l’aspersion de son sang sur l’autel et la manducation d’une partie de ses chairs par les donateurs ou les officiants ne constituent qu’une seule et même offrande rituelle.

-Mais, puisque le pain de la cène chrétienne n’est par lui-même qu’un pain vulgaire, l’acte qui fait de lui la chair immolée à la croix est une opération sacrificielle. L’auteur ne l’a pas dit ; il n’avait pas à exprimer cette vérité, elle aurait même pu paraître contredire sa thèse. Mais il n’aurait pas pu la nier, car les croyances et les usages juifs obligent à nommer sacrifice ce qui fait une victime. Avec indignation, il se serait révolté contre quiconque aurait voulu introduire dans le christianisme un rite nouveau par lequel un prêtre distinct du Christ aurait offert à Dieu une victime autre que le Sauveur. Mais, pour être d’accord avec lui-même, force lui était de penser que l’acte qui fait du pain de la cène le corps de Jésus immolé sur la croix, l’acte qui transforme ce pain en la victime du Calvaire est un sacrifice, non nouveau, certes, et distinct de l’oblation du Calvaire, mais qui la fait revivre un instant ici-bas pendant qu’elle s’achève dans le ciel où elle ne cesse jamais.

5. Conclusion.

- Si on additionne les données des divers livres du Nouveau Testament, on est amené à cette conclusion :

Pour les premiers chrétiens, il y a sacrifice à la cène du Christ et dans le repas eucharistique, parce que le rite accompli fait du pain de la fraction et du vin de la coupe de bénédiction le corps et le sang d’une victime, le corps et le sang offerts sur la croix par Jésus, et dont il rappelle sans cesse au ciel l’ob’ation. En effet, soit par lui-même à la veille de sa mort, soit dans les repas sacrés des chrétiens par celui qui rompt le pain, le Christ se dépouille d’un bien qui est à lui, sa vie, pour la substituer à la nôtre et l’offrir en même temps à Dieu et aux hommes : il veut ainsi à la fois honorer le Très-Haut et le rendre favorable à ses disciples. Parce que ce corps est à la fois par la mort voué à Dieu, par la communion donné aux apôtres et aux fidèles, parce que ce sang est en même temps présenté dans le céleste Saint des Saints et répandu sur les chrétiens, il y a un sacrifice unique de communion, d’alliance et d’expiation, sacrifice qui commença au repas d’adieu pour se consommer au Calvaire, puis au ciel, sacrifice qui se perpétue à la fraction du pain, à la bénédiction de la coupe des communautés chrétiennes. En un mot, ces deux rites sont des sacrifices parce qu’ils font du pain et du vin la victime immolée sur la croix, le corps et le sang du Christ qui s’offre à Dieu pour les hommes.

IV. Comment se célébrait d’après les livres du Nouveau Testament la fraction eucharistique ? — 1° Était-elle partie d’un repas plus ample ? — Jésus avait institué l’eucharistie au cours d’un repas d’adieu. Or les communautés primitives avaient reçu l’ordre de réitérer ce qui s'était fait au cénacle.