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    1. MARONITE (ÉGLISE)##


MARONITE (ÉGLISE), PATRIARCHES, XVIie SIÈCLE

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au Saint-Siège contre le nouveau patriarche. Si leurs iellrcs ne produisirent pas les efïets qu’ils attendaient, elles retardèrent, cependant, jusqu’à l’année suivante la confirmation pontificale. Le 8 août 1672, Clément X accorda le bref de confirmation et, le 12 décembre, le pallium. Lettres Divina disponente elementia, 8 août 1672, et Cum nos super, 12 décembre de la même année, Anaïssi, Bull., p. 170-179 ; lettre de .Douaïhi au général de la Compagnie de Jésus, ’28 août 1671, dans Rabbath, op. cit., t. i, p. 180-181. Le mandataire patriarcal attendit le printemps pour rentrer au Liban. Lors de son départ de Rome, le pape lui remit une autre lettre, fort affectueuse pour le patriarche. Anaïssi, p. 179-180. Joseph Simon arriva au Liban le 6 octobre 1073, et Douaïhi fut solennellement investi du pallium selon le pontifical maronite. Quelques mois après, en juillet 1074, un événement important -se produisit à Qannoùbîn : l’ambassadeur du roi de France, le marquis de Nointel, y vint en visite. Voir A. Vandal, L’odyssée d’un ambassadeur. Les voyages du marquis de Nointel (16701680), Paris, 1900, p. 153 sq.

Le 22 juillet 1676, Clément X mourait et le 21 septembre suivant Innocent XI lui succédait sur le trône pontifical. Douaïhi voulut prendre part à la joie de l’univers catholique par l’envoi d’une mission à Rome. Dans la lettre qu’il écrivit au nouveau pape, il joignait à ses félicitations un exposé des épreuves qui pesaient sur le chef de l’Église maronite. Mais le mandataire patriarcal, Pierre Doumeth Makhlouf, archevêque de Nicosie, ne put partir pour Rome qu’en 1680. Trois nouveaux élèves envoyés au collège maronite l’accompagnaient. Le voyage ne fut pas sans encombre. Makhlouf et ses compagnons tombèrent entre les mains des corsaires, qui les conduisirent comme captifs à Tripoli de Barbarie et les traitèrent en esclaves. Un Italien de Messine les racheta et les fit parvenir en Italie. Encore l’un des trois jeunes gens ne fut-il relâché que plus tard. Cette aventure rappelle celle du mandataire patriarcal qui allait solliciter le pallium au nom de Moïse AI-’Akkârî. Ne mettent-elles pas en lumière le mérite de ces catholiques d’Orient, qui ne craignaient pas de traverser les mers, au risque de leur vie, pour porter au vicaire du Christ l’hommage de leur fidélité ? Innocent XI reçut avec joie la mission maronite et remit à Makhlouf avec la lettre Ingenlis argumentum lœtitiæ, 23 nov. 1680, dans Anaïssi, Bull., p. 183-184, une somme d’argent pour le patriarche.

Le pontificat de Douaïhi fut une suite ininterrompue de souffrances et d’épreuves. Plus d’une fois, il dut s’enfuir pour éviter les outrages. Les fonctionnaires turcs n’étaient pas les seuls ennemis du patriarcat. Les métoualis qui avaient entre les mains une partie du Liban septentrional molestaient sans cesse les maronites et ne respectaient même pas la personne du patriarche. René Ristelhueber, op. cit., p. 222-223.

Les vexations étaient parfois provoquées par la haine d’autres confessions chrétiennes. « Nous sommes haïs encore davantage à cause de vous, » écrivait Douaïhi à Innocent XL Chebli, Biographie de Douaïhi, p. 108. Voir Ristelhueber, op. cit., p. 221 sq.

Dans ses moments d’infortune, Douaïhi se tournait vers la France, et son attente n’était pas déçue. Louis XIV renouvela « ses ordres à son ambassadeur à Constantinople, le marquis de Ferriol, pour que celui-ci s’employât à obtenir de la Porte ce qui pourrait être de plus avantageux au bien de la religion dans les pays des maronites, et à faire éprouver à ses habitants les effets de sa protection. » Ristelhueber, op. cit., p. 207. Voir une lettre de Louis XIV au patriarche, 10 août 1701, dans De la Roque, op. cit., t. ii, p. 315-317. Les graves soucis dont Douaïhi se trouvait accablé ne portaient pas d’atte : nte à l’activité de son esprit. Vrai ment, l’on s’émerveille à la vue de son <ruvre scientifique et littéraire. En examinant ses nombreux ouvrages, on se demande comment il put surmonter tous ces obstacles pour laisser à la postérité de telles richesses intellectuelles. C’est à lui que l’Église maronite doit la reconstitution de son histoire, l’explication de sa liturgie. C’est de lui que la Syrie recueillit quantité de renseignements sur les événements passés. Pour accomplir cette tâche, il dut entreprendre des recherches infinies et compulser d’innombrables documents. Son érudition est tellement sûre, sa critique s : sévère que tous les orientalistes s’inclinent devant son autorité. « Notre conviction est, dit le P. A. Rabbath, que les écrits du savant annaliste des Maronites (Douaïhi) mériteraient d’être connus en Europe. Il est le premier historien de la nation, et la mine où tous

— sans excepter Assémani — ont largement puisé. Les lecteurs ne partageront peut-être pas toutes ses idées, mais ils ne lui refuseront pas les qualités de l’historien vraiment sérieux qui regarde la difficulté en face et appuie ses dires par des arguments. » Op. cit., t i, p. 630. Sur l’œuvre scientique de Douaïhi, voir Chebli, Biographie du patriarche Douaïhi, p. 153 et 199-214 ; sur sa réforme du rituel et du pontifical maronites, P. Dib, Liturgie maronite, p. 90-94, 170-173.

Les travaux historiques et liturgiques de Douaïhi n’absorbaient pas toute son activité. Il administra avec un soin jaloux et intelligent les biens de son patriarcat ; il ne négligea rien dans l’accomplissement de ses fonctions pastorales. En toute occasion, il se montrait le défenseur averti et décidé des prérogatives et des traditions de son Église. On le vit plus d’une fois, par exemple, aux prises avec des missionnaires de Terre-Sainte, qui entreprenaient sur le domaine maronite, et c’est à lui que Rome donna raison. Chebli, op. cit., p. 136-142. Voir aussi un décret de la S. C. de la Propagande dans le Cod. Vat. lai. 7262, fol. 6 v°-7, reproduit par P. Dib, Les conciles de l’Église maronite, loc. cit., p. 194. De plus, durant son pontificat, il se dépensa sans compter, nous le verrons plus loin, pour la cause de l’union. Deux choses lui tenaient à cœur par-dessus tout : la formation du clergé et la réforme de la vie monastique. Le collège de Rome avait une place de choix dans ses préoccupations, et un séminaire fut établi par ses soins à Qannoùbîn même. Il ne se contenta pas de multiplier les centres de la vie religieuse. Jusque-là, les monastères avaient vécu sous le régime exclusivement autonome. Il voulut introduire l’économie des ordres modernes d’Occident avec autorité centralisée, et il eut la joie d’approuver le 18 juin 1700, les premières constitutions des communautés réformées. Sur Douaïhi, voir sa biographie écrite par Chebli et que nous avons souvent citée. La grande satisfaction des dernières années de sa vie fut procurée au patriarche par la visite d’un représentant du Roi très chrétien, Jean-Baptiste Estelle, qui venait d’être nommé, le 5 novembre 1701, consul de France à Seïd (Sidon). Cf. Ristelhueber, qui nous retrace les détails de cette visite, op. cit., p. 218 sq. Le 3 mai 1704, Douaïhi mourut au monastère de Qannoùbîn, à l’âge de soixante-quatorze ans. A l’Église maronite et à ses chefs, ce grand patriarche laissait la leçon de 34 années de pontificat, remplies par une activité aussi intense que féconde.

Le successeur de Douaïhi fut Gabriel, originaire de Blauza. M. Ristelhueber, se fondant sur des documents conservés aux Archives nationales et aux Archives du ministère des affaires étrangères de Paris a fort bien retracé les événements qui précédèrent, accompagnèrent et suivirent l’élection de Gabriel. Op. cit., p. 225-232. D’après la coutume, il fallait soumettre le dossier électoral à l’approbation du Saint-Siège. Le P. Élie Hyacinthe de Sainte-Marie, vicaire