Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/426

Cette page n’a pas encore été corrigée
837
838
MESSE DANS L'ÉCRIT l' H K. 1/EPITKK AUX HÉBREUX


salut », c’est l’oblation du Christ victime par le Christ prêtre. Les fidèles n’ont qu'à chanter les louanges de Dieu et a pratiquer la charité : tels sont les sacrifices de leur culte. Réville. Les origines de l’eucharistie, Paris. 1908, p. 70, 71 ; Goguel, L’eucharistie des origines ù Justin martyr, Paris, 1910, p. 218.

La plupart néanmoins des interprètes anciens et modernes de toute école s’accordent au contraire pour affirmer qu’au v. 10 l'épître dénie, non aux disciples du Christ, mais aux prêtres et lévites juifs le droit de manger de l’autel chrétien. Mais beaucoup, parmi les exégète catholiques qui traduisent ainsi ce verset, ajoutent pourtant qu’il n’est pas parlé en ce passage d’un sacrifice eucharistique. L’autel dont le sacerdoce mosaïque est écarté, mais auquel peuvent participer les fidèles serait, d’après certains protestants du xvie siècle, les oblations qui étaient apportées à la cène, puis distribuées aux ministres et aux pauvres. Cette opinion semble abandonnée depuis longtemps. D’ordinaire, pour ceux qui ne croient pas découvrir ici une allusion à un sacrifice eucharistique, le sens est le suivant : les chrétiens ont un autel dont prêtres et lévites n’ont pas le droit de manger, c’est la croix à laquelle participent les fidèles lorsqu’ils reçoivent les fruits de la Passion ou sont incorporés à. Jésus. Cette opinion est celle de la plupart des protestants et même de plusieurs catholiques : S. Thomas, In Epistolam ad Hebrœos, xiii, 10, Opéra omnia, édit. Vives, t. xxi, p. 729 ; Estius, Commentarium in epistolas sancti Pauli et reliquorum apostolorum, Cologne, 1631, p. 1084 : et un certain nombre d’historiens, exégètes et théologiens modernes. Voir la liste dans P. Hænsler, Zu Hebr., XIII, 10, dans Biblische Zeitschrift, 1913, t. xi, p. 403-409. Parmi eux, il faut citer surtout Renz, Geschichle des Messopferbegriffs, Frisingue, 1902, t. i, p. 112 sq. : 'SYieland, Der vorirenàische Opferbegriff, Munich, 1909, p. 16 sq.

A l’appui de cette opinion, ces auteurs ont fait valoir avec certains des arguments déjà exprimés les considérations suivantes.

L'Épître aux Hébreux ne parle nulle part ailleurs de l’eucharistie et n’y fait même pas allusion. Il serait étrange que subitement elle entretînt ces lecteurs de la cène des fidèles, sujet qui semble sans rapport avec les thèmes généraux développés dans la lettre. Au contraire, l’auteur a étudié longuement le sacrifice de la croix. C’est donc encore à ce dernier que doit se rapporter ce qui est dit de l’autel chrétien.

On est d’autant plus porté à le croire que, dans ce morceau, certaines affirmations s’appliquent en fait à la mort de Jésus. Ainsi, au ꝟ. 12 il est écrit que le Christ versa son sang hors de la porte pour sanctifier le peuple, xiii, 12. Il semble donc impossible que le mot autel employé un peu auparavant et au cours d’un même développement, ne désigne pas la croix ou sa victime. Or, si ce terme doit être entendu au sens figuré, le verbe manger lui aussi qui se trouve dans la même phrase ne peut pas être pris à la lettre. Jésus, dit-on encore, est présenté comme crucifié hors de la ville, c’est-à-dire dans un endroit où il ne pouvait y avoir d’autel proprement dit. Le mot ne doit donc pas s’entendre ici au sens propre. Enfin, l'épître invite les fidèles à sortir hors du camp pour aller ù Jésus, xiii, 13. Celte fois de nouveau, les lecteurs sont mis en présence d’une figure, puisque le Christ n’est plus depuis longtemps attaché à la croix en dehors de la porte de la ville. C’est donc en un sens spirituel qu’il faut entendre tout le verset. Puisqu’en réalité, il n’y a pas d’autel proprement dit, en réalité aussi, il n’y a pas non plus manducation. Tout ici est figure.

Cette opinion et les divers arguments sur lesquels on l’appuie ne rallient pas tous les suffrages. Que J’Kpître aux Hébreux, dans ce passage, parle d’autel

chrétien, c’est-à-dire d’un sacrifice dans lequel le fidèle mange la victime de la croix, ou que du moins il soit fait a cette doctrine « une allusion indirecte », Batifïol, op. cit., p. 111, c’est ce qu’admettent « la plupart des catholiques ». Lamiroy, op. cit., p. 229, n. 3. Certains protestants même, bien qu’ils aient sur l’origine et la nature de la messe des conceptions très différentes des nôtres, croient pourtant qu’ici l'épître parle non seulement de la croix, mais aussi de la cène chrétienne. Drach, Épîlres de saint Paul, Paris, 1871, p. 797, citait comme ayant jadis adopté cette opinion les noncatholiques Bôhme, Bùlir, Ebrard, Riickert, Fausset. On peut encore nommer Westcott, The Epistle lo the Hebreii’s, Londres, 1906, p. 439 sq. ; Goetz, Die heilige Abendmahlsfrage in ihrer geschichllichen Entwicklung, Leipzig, 1907, p. 195 ; Hammond, Notes on the sacrifient aspect of the holij Eucharist, Oxford, 1913, p. 23 sq.

Il semble bien que cette interprétation soit la vraie. Pour le démontrer, pour résoudre toutes les difficultés, il est nécessaire de suivre pas à pas la marche de la pensée.

On ne saurait a priori déclarer ce travail inutile, en prétendant qu’il ne peut être parlé en ce morceau de l’eucharistie parce qu’il n’en est pas question ailleurs. Nous sommes dans la partie morale, vers la fin de la lettre. Là sont recommandées plusieurs vertus que l'épître n’a pas nommées antérieurement : la charité fraternelle, la pureté conjugale, le mépris des richesses, l’obéissance aux supérieurs spirituels. Il est donc impossible de soutenir sérieusement qu’en ce passage le sacrifice eucharistique ne doit pas être mentionné., sous prétexte qu’auparavant l’auteur l’a passé sous silence. Cette doctrine se relie même mieux que d’autres, dont pourtant il est ici parlé, aux thèmes généraux qu’a exposés la lettre : le Christ est médiateur, prêtre selon l’ordre de Melchisédech, victime dont le sang expie le péché. Il semble bien d’ailleurs que l'Épître aux Hébreux fasse en d’autres endroits allusion à l’eucharistie. Voir plus haut, col. 821 sq.

Que recommande ici l’auteur ? Après avoir invité les chrétiens à garder la foi de leurs chefs et de leurs apôtres, une foi toujours pareille à elle-même parce que le Christ est immuable, xiii, 8, il les met en garde contre les doctrines différentes de celles qu’ils ont reçues et qui sont étrangères au christianisme, contre ces enseignements erronés qui attribuent non à la grâce mais à certains aliments, Ppejjiaaw, le pouvoir de fortifier le cœur. Prétendre que l’eucharistie est le mets contre lequel l'épître tient en garde ses lecteurs, c’est supprimer de la phrase où cette nourriture est mentionnée toute une proposition très claire. Le t. 9 ne désapprouve pas des mets quelconques. On y lit cette déclaration : « Il est bon d’affermir son cœur par la grâce et non par des aliments qui n’ont servi de rien à ceux qui y ont eu recours. » Sur le sens de ces derniers mots aucun doute n’est possible. Pour l’auteur de l'Épître aux Hébreux, la nourriture qui n’a servi de rien à ceux qui y ont eu recours, ce sont des mets recommandés par la loi mosaïque, aliments purs ou viandes immolées en certains sacrifices. Or, « il est impossible de rapporter Ppa>u, a<rt.v (aliments) à un usage chrétien et le reste de la phrase à une pratique juive. » Goguel, op. cit., p. 219-220.

A l’objection de O. Holtzmann : les Israélites ne consommaient pas ces mets pour fortifier le cœur, il est déjà possible de répondre qu’en évitant une souillure légale et surtout en communiant aux viandes offertes à Jahvé, ils voulaient se donner de la confiance, ils affermissaient leur âme. ils fortifiaient leur cœur. C’est même exactement ce que raconte l'Évangile : On y voit des juifs mettre leur assurance dans les rites extérieurs et non dans la pureté morale, dans l’amitié de Dieu, dans les dispositions intimes de l'âme. Au