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MESSE DANS L'ÉCRITURE, L'ÉPITRE AUX HÉBREUX


valent des viandes immolées aux idoles par les païens ou à Jahvé par Israël, c’est donc le corps et le sang à l'état de victime, le corps et le sang offerts à la divinité.

Les commentaires dont saint Paul un peu plus loin dans la même épître encadré le récit du repas d’adieu, les recommandations qu’il adresse aux Corinthiens pour assurer sa digne et sainte réitération confirment cette conclusion. A trois reprises il rappelle que les disciples sont tenus de faire de nouveau ce qui a été accompli à la cène, xi, 24, 25, 20. Là, le Christ présent avait donné son corps pour les Douze et présenté à son Père te sanq qui sur la Croix devait sceller la nouvelle alliance. Donc Jésus, dans la cène chrétienne, se manifeste comme ayant été jadis mis à mort ; et pendant que paroles et rites rappellent et figurent extérieurement la séparation de son corps et de son sang, il offre encore une fois à son Père son immolation de la croix. On comprend alors le sens profond du mot de l’Apôtre : « Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez ce viii, vous annoncez la mort du Seigneur ». xi, 26. La recommandation de s’approcher > dignement » de la cène, xi, 27, l’ordre de s'éprouver avant de recevoir les aliments sacrés, xi, 28, les menaces et les châtiments dirigés contre les indignes qui communient au corps du Christ sans le discerner, xi, 29, 30, tout' peut s’expliquer, se justifier par ce seul fait que l’eucharistie donne vraiment aux fidèles la chair et le sang de Jésus et que le profaner c’est « se rendre coupable contre le corps du Seigneur ». xi, 27..Mais il faut convenir que préceptes et sanctions se comprennent mieux encore si la cène est un repas sacrificiel, si la victime du Calvaire s’y retrouve pour de nouveau se donner aux hommes et s’oflrir à Dieu. Qu’on se rappelle les croyances juives et l’enseignement de l’Ancien Testament : « Quant à la chair du sacrifice pacifique, tout homme pur pourra en manger. Celui qui mangera la chair du sacrifice des pacifiques (selâmim) appartenant à Jahvé, en ayant une impureté, celui-là sera retranché de son peuple. Et celui qui touchera quelque chose d’impur, souillure d’homme ou animal impur, ou toute autre abomination impure et qui mangera de la chair de la victime pacifique appartenant à Jahvé sera retranché de son peuple. » Lev., vii, 19-21.

Des critiques croient devoir expliquer par des infiltrations du paganisme ce que dit saint Paul des châtiments inlligés par Dieu aux Corinthiens coupables d’avoir profané le repas du Seigneur : « C’est pourquoi il y a parmi vous tant de gens malades et qu’un bon nombre sont morts. » xi, 30. Il est bien plus naturel de se rappelir ce que raconte si souvent l’Ancien Testament des punitions qui frappaient les profanateurs des choses saintes. L’antique menace, bien connue de Paul et de tous les juifs, se réalise non plus en raison d’impuretés charnelles mais de fautes morales : Ils sont retranchés du peuple ceux qui mangent, sans avoir la sainteté requise, la chair immolée à Jahvé !

Conclusion. — D’après saint Paul, comme les juifs et les païens, les chrétiens ont leur banquet sacré, leur autel, un mets qui a été ofiert en sacrifice et par lequel ils entrent en communion avec Dieu. C’est le pain qu’ils rompent, la coupe qu’ils bénissent en mémoire de Jésus pour annoncer sa mort et pour faire ce qu’il a fait lui-même dans la nuit où il fut livré, i n acte sacrificiel. Le même que les païens par l’idolothyte entrent en rapport avec les idoles, c’est-à-dire avec le démon, de même que les Israélites par la manducation des victimes sacrées participent à l’autel, deviennent les hôtes, les c onvives de Jahvé, se nourrissent des mets de sa table, de même les fidèles s’unissent au Christ à leur repas sacré : le calice est communion à son sang, le pain communion à son corps. Ainsi, par leur cène, les chrétiens entrent dans la plus étroite intimité

DJCT. DE THÉOL. CATH.

avec Jésus et en lui se rapprochent étroitement les uns des autres ; l’eucharistie leur donne à tous même vie, celle du Seigneur, et fait d’eux un seul corps, celui du Christ. Que s’ils reçoivent cette chair sacrée sans avoir les dispositions requises, ils pèchent contre elle et s’exposent au châtiment qui atteignait en Israël les profanateurs des sacrifices lévitiques. Mais, si le pain est un corps immolé, si la coupe contient le sang d’une victime, les actes qui donnent à ce pain, à cette coupe un tel caractère, les rites qui font de ces éléments une hostie, la fraction et la bénédiction, constituent un un sacrifice.

Que tel soit l’enseignement de saint Paul et partant la croyance vers l’an 50 de toutes les Églises fondées par lui, on ne le nie plus guère, on le conteste de moins en moins. C’est ainsi que les deux dernières études publiées sur l’eucharistie, celles de Lietzmann, op. cit., p. 178 sq., 251 sq„ et de Volker, op. cit., p. 79, admettent bon nombre de ces conclusions. Mais, avec presque tous les critiques indépendants, ils prétendent que l’Apôtre a transformé le concept primitif de la cène. Comme ils n’apportent, pour le démontrer, aucun argument nouveau, il suffit de renvoyer le lecteur à l’examen qui a été fait de cette hypothèse. Eucharistie, t. v, col. 1083 sq.

4° L' Épître aux Hébreux. — Cette lettre contient-elle des affirmations qui empêchent ou qui permettent de voir dans la réitération de la cène un sacrifice ?

Nul doute ; des textes formels de cette lettre enseignent que le Christ, prêtre unique de la loi nouvelle, s’ofïre comme victime unique, par une oblation unique pour nous obtenir le pardon de nos péchés. Jésus est « le grand pontife parfait », iv, 14 ; il l’est « pour l'éternité selon l’ordre de Melchisédech ». vi, 20, vii, 21. Tandis que « les prêtres juifs étaient nombreux, parce que la mort ravissait à chacun d’eux sa dignité, le Christ demeurant à jamais, possède un sacerdoce qui ne passe pas ». vii, 23-24. Il « n’a donc pas besoin d’offrir chaque jour des sacrifices d’abord pour ses propres péchés, ensuite pour ceux du peuple ; car il l’a fait une fois pour toutes en s’ofïrant lui-même ». vii, 27. » Lorsqu’il se présenta en qualité de grand prêtre des temps à venir…, il entra une jois pour toutes avec son propre sang dans le sanctuaire, (nous) ayant acquis une rédemption éternelle… » Ce. « sang du Christ qui, par le moyen d’un esprit éternel, s’est offert lui-même sans tache à Dieu, purifiera nos consciences des œuvres mortes… » ix, 11-14. Jésus n’a pas du s’offrir lui-même à plusieurs reprises, de même que le grand prêtre entre chaque année dans le sanctuaire avec du sang qui n’est pas le sien, autrement il aurait été obligé de souffrir plusieurs fois depuis la création du monde. « Mais il s’est montré une (ois, dans les derniers âges pour abolir le péché par son sacrifice… Il s’est offert ainsi une seule fois pour faire disparaître les fautes de la multitude. » ix, 25-28. « Les sacrifices juifs étaient incapables de purifier parfaitement et d'ôter les péchés », x, 1, 2, 4, 11, « le Christ nous a sanctifiés une fois pour toutes par l’oblation de son corps ». x, 10. « Par une oblation unique, il a rendu parfaits pour toujours ceux qui sont sanctifiés. » x, 14.

Ce langage est des plus clairs. Il atteste d’abord que Jésus est le seul souverain pontife de la nouvelle loi. Les grands prêtres juifs se succédaient pour deux motifs : parce qu’ils étaient soumis à la mort, et parce qu’aucun des sacrifices offerts par eux pendant leur vie ne suffisait pour sanctifier à jamais Israël. Or Jésus, au contraire, a immolé une victime qui a obtenu « la rédemption éternelle », ix, 12, et il est « toujours vivant », vii, 25, il est le i célébrant du sanctuaire céleste », viii, 2 ; il y est « entré avec son sang », ix, 12, pour y demeurer < le médiateur d’une alliance nouvelle et meilleure ». viii, G ; ix, 15. « Présent à la face de

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