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MESSE DANS L'ÉCRITURE, LA CÈNE CHRÉTIENNE : SA NATURE


Actes que, d’après l’auteur et les fidèles dont il rapporte les usages, la cène se célébrait alors sans bénédiction de la coupe. On l’a fait observer, ce silence n’est pas négation. De tout temps on a, pour abréger, désigné un ensemble de rites par l’un d’entre eux, le premier, le principal ou même un autre. C’est ainsi que le mot messe des catholiques désigne en vertu de l’usage toutes les paroles et tous les rites du sacrifice eucharistique alors que, par son origine et au sens étymologique, il ne fait allusion qu'à, un seul acte. De même si on parle simplement de la manducation de l’agneau pascal, on ne nie pas que tous les autres rites prescrits aient été accomplis. Puisque le livre des Actes ne donne pas une description complète de toutes les opérations de la cène, il n’a pas à mentionner la coupe. L’explication de son silence n’est-elle pas des plus simples ? Les mots fraction du pain et cène avaient même signification. Vôlker, op. cit., p. 38.

Saint Paul et la cène chrétienne.

Saint Paul

nous apprend que les Corinthiens se réunissaient en assemblée, I Cor., xi, 18, 20, 33, 34 ; ils prenaient les uns à côté des autres de la nourriture, xi, 20-22, 33-34, et ils croyaient ainsi manger le repas du Seigneur, xi, 20. Si l’Apôtre leur reproche les fautes qu’ils commettent à cette occasion, il se garde bien de leur interdire cette assemblée. Il veut seulement qu’elle soit ce qu’elle doit être. Aussi leur rappelle-t-il le véritable sens de l’acte qu’ils accomplissent. Pour leur en montrer la sainteté, il leur enseigne qu’il a son origine dans le geste et les paroles de la cène. Après avoir distribué le pain, le Christ a dit : « Faites ceci en mémoire de moi. » La même recommandation a été donnée par lui après qu’il eut fait circuler la coupe de vin. C’est donc pour répéter les paroles, pour réitérer l’acte du Christ sur les deux éléments que l’assemblée a lieu, xi, 23-25, que les fidèles mangent ce pain et boivent ce vin. xi, 26-29.

S’il en est ainsi, le langage de Paul montre que, non seulement la communauté de Corinthe, mais toutes les Églises doivent réitérer le repas du Seigneur. L’Apôtre pour inviter ses correspondants à le faire, n’invoque pas des considérants qui vaudraient pour leur communauté seulement. On doit manger le pain et boire le vin sur lesquels sont prononcées les paroles du Sauveur, parce qu’il a lui-même ordonné de le faire. C’est donc une loi générale qui s’impose à tous les disciples, à toutes les Églises. Ainsi le texte de l'Épître aux Corinthiens nous oblige à conclure que saint Paul donnait à toutes les chrétientés fondées par lui l’ordre de réitérer le repas d’adieu.

Il nous enseigne aussi ce qu’on doit voir en cet acte. Amené à défendre aux chrétiens de prendre part aux banquets sacrés qui accompagnaient les sacrifices païens et où l’on mangeait des viandes consacrées aux idoles, Paul écrit, x, 14 : « C’est pourquoi, mes bien.aimés frères, fuyez l’idolâtrie. 15. Je vous parle comme à des hommes intelligents. Jugez vous-mêmes ce que je vous dis. 16. Le calice de bénédiction que nous bénissons n’est-il pas communion au sang du Christ ? Le pain que nous rompons n’est-il pas communion au <jorps du Christ ? 17. Puisqu’il y a un seul pain, nous sommes un seul corps, tout en étant plusieurs, car tous nous participons à ce pain unique. 18. Regardez l’Israël selon la chair : Ceux qui mangent les victimes ne sont-ils pas participants de l’autel ? 19. Que dis-je <lonc ? Que l’idole est quelque chose ou que la viande immolée aux idoles est quelque chose ? 20. (Non), mais que la victime immolée par les païens, ils l’immolent au démon et non à Dieu. Or, je ne veux pas que vous entriez en communion avec le démon. 21. Vous ne pouvez pas participer à la table du Seigneur et à la taLle du démon. 22. Ou bien, provoquerez-vous la

jalousie du Seigneur ? Sommes-nous plus forts que lui ? »

Déjà, une étude approfondie de ce morceau l’a prouvé, saint Paul affirme que les fidèles, en participant au pain et à la coupe de la cène, communient véritablement au corps et au sang du Seigneur. Eucharistie, col. 1044-1052. Reste à examiner si ce développement atteste le caractère sacrificiel de la cène chrétienne.

Un premier fait ne semble pas discutable : saint Paul oppose aux viandes mangées après certains sacrifices païens ou juifs le pain que les fidèles rompent à la table du Seigneur, x, 16, 22, et ce qu’ils boivent <luns la coupe du Seigneur, x, 16, 21. « Au repas sacriliciel des païens et des juifs correspond chez les chrétiens la cène. » Lietzmann, op. cit., p. 180, 227.

En conséquence, et ce fait admis, la conclusion ne paraît pouvoir être mise en doute par personne : les mets dont il s’agit, ceux de la réitération de la cène primitive, les aliments eucharistiques sont « quelque chose qu’on peut assimiler à une ôuaîoc ». Allô, La synthèse du dogme eucharistique chez saint Paul, Revue biblique, 1921, p. 323. « Dès là qu’il met la cène en parallèle avec le sacrifice de l’Ancien Testament, saint Paul donne en même temps à entendre que, d’une certaine manière, elle a pour les chrétiens pris sa place. » Vôlker, op. cit., p. 78.

Autre argument qui prouve la même vérité : le païen qui, dans les banquets des sacrifices, mange des viandes consacrées aux idoles, eîSmXoOutov, x, 19, entre en communion avec les démons, x, 20. L’Israélite qui consomme une partie d’un animal offert en sacrifice, Ouata, est en communion avec l’autel. Saint Paul emploie ce dernier mot soit à la place du nom de Jahvé que, par respect, les juifs d’alors évitaient le plus possible de prononcer, soit parce que la transcendance du Dieu d’Israël ne permet pas de penser qu’on communie avec lui directement, mais autorise seulement à penser qu’on reçoit un mets de sa table, soit enfin à cause de l'éminente sainteté de l’autel juif. Matth., xxiii, 18, 20. Qu’importe d’ailleurs le motif pour lequel ce mot a été employé ; ce qui est sûr, c’est que la manducation de la victime juive fait entrer en rapport non seulement avec une pierre sacrée, mais avec Jahvé luimême : le contexte le démontre et d’ailleurs cette conception était communément admise en Israël. Pourquoi les idolothytes mettent-elles en relation avec les démons, et les victimes juives avec Jahvé? L’Apôtre le dit : Parce que les premières ont été offertes en sacrifice aux démons, les secondes à Jahvé. Donc puisqu’il y a un troisième repas sacré, celui des chrétiens, et qu’il fait lui aussi, d’après saint Paul, entrer en rapport avec Dieu, c’est que les mets consommés ont été offerts en sacrifice à Dieu. Le pain que nous rompons est communion au corps du Christ, x, 16, la coupe de bénédiction est communion au sang du Christ, x, 16, parce que ces mets sont des Ouata, des aliments immolés à Dieu. La « double comparaison avec les sacrifices païens et judaïques montre bien que la participation du chrétien au corps et au sang de Jésus-Christ était une participation à un sacrifice réel, et que le pain rompu et mangé, le calice béni et bu avaient été offerts en sacrifice, aussi bien que les animaux immolés à Jéhovah par les juifs et aux idoles par les païens. » Mangenot, art. Autel, 1. 1, col. 2576.

Quelle est cette oblation à laquelle l’eucharistie fait ainsi participer les fidèles ? A coup sûr, d’abord celle de la croix. D’après saint Paul, le Christ fut « la victime propitiatoire par son sang », Rom., iii, 25, et « l’agneau pascal immolé pour nous ». ICor., v, 7. Il s’est « livré à Dieu pour nous comme une oblation et un sacrifice d’agréable odeur ». Eph., v, 2. Aussi l’Apôtre le dit-il formellement aux fidèles : « Toutes les fois que