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MESSE DANS L’ECRITURE, LE SACERDOCE DU CHRIST


stome, saint Cyrille d’Alexandrie, Ftupert, saint Thomas. Cajétan, Ainsi pensait Bossuet. Parmi les contemporains on peut encore nommer Knabenbauer, Calmes, Durand, Loisy. Voir le commentaire de Lagrange. « Je me sanctifie pour eux afin qu’ils soient sanctifiés. > Le sens est le suivant : Prêtre et victime, je m’offre à Dieu comme une chose sainte pour les apôtres, afin qu’ils trouvent en moi la sainteté dont ils ont besoin pour être à leur tour prêtres et victimes. le sacrifice dont il est parlé ici est à coup sûr celui de la croix : ainsi le comprennent généralement les commentateurs de ce passage. Il faut bien noter toutefois que Jésus ne dit pas : Je me. consacrerai, mais je me consacre. Il est donc tout naturel et légitime de penser qu' « à ce moment même », Lagrange. op. cit., p. -148, le Christ se voue à Dieu pour être l’agneau pascal immolé sur la croix.

Ainsi d’après le quatrième évangile, le pain de vie est présenté comme donné pour le salut du monde ; et ce peut être, non seulement à cause de son action dans l'âme des communiants, mais aussi parce qu'à la cène déjà Jésus s’offre en sacrifice : sa prière sacerdotale et notamment la phrase où il se pose en prêtre et en victime semblent bien l’attester.

2. L'Épitre aux Hébreux. — Le concept du Christ pontife se retrouve dans VÉpître aux Hébreux.

Jésus y est déclaré grand prêtre selon l’ordre de Melchisédech et partant supérieur à tous les ministres de l’ancienne loi. Chaque année, le souverain pontife d’Israël, en la fête de l’expiation, pénétrait dans le Saint des Saints pour y obtenir par l’aspersion d’un sang animal une purification de ses fautes et de celles du peuple, qui était toujours à recommencer. Le Christ, grand praire selon l’ordre de Melchisédech, est entré par sa mort dans le ciel et, en montrant son sang à son Père, il obtint une fois pour toutes la rémission de tous les péchés, scella une nouvelle et meilleure alliance de Dieu avec les hommes. Tel est le thème que développent six chapitres de cette lettre, v-x.

On voit aussitôt l’importance du titre de grand prêtre selon l’ordre de Melchisédech. Aussi l’auteur ne se contente-t-il pas de l’attribuer à Jésus. Pour justifier le rapprochement, il montre comment se ressemblent ces deux pontifes. Ils ont mêmes fonctions, celles de prêtre du Très-Haut, de roi de justice (Melchisédech) et de paix (Salem), vii, 1-2. L’un apparaît, l’autre est sans origine ni fin. vu. 3. Aucun ne naît de la tribu sacerdotale, vii, 13-14. Tous deux sont supérieurs à Lévi et à l’ordre d’Aaron. vii, 4-10. Chacun est unique en sa série, il est sans successeur, vii, 22-24, et n’a offert qu’un sacrifice, vii, 27. Ni l’un ni l’autre n’est investi du sacerdoce par la loi de descendance charnelle, vii, 16 ; ils sont l’objet d’une vocation divine. Lu laveur du Christ, il y eut un serment de Dieu, comme jadis pour Abraham au temps de Melchisédech. vi, 13-20 ; vii, 20-21. C’est ce que l'épître expose longuement, v-vii. Aussi peut-elle dire que Jésus est grand prêtre à la ressemblance de Melchisédech, vu. 15, et réciproquement que ce dernier a été pareil m Fils de Dieu, vii, 3.

Il est donc naturel que l'Épître aux Hébreux, à plusieurs reprises, v, 6-10 ; vi, 20 ; vii, 11, 17, 21, applique au Christ le v. 4 du psaume cix(cxde l’hébreu) : « Le Seigneur l’a juré : il ne s’en repentira pas. Tu es prêtre pour toujours à la manière de Melchisédech ». Déjà nous le savons par les Synoptiques, Matth., xxii, 11-16 ; Marc, xii, 35-37 ; Luc, xx, 41-44, les scribes contemporains de Jésus tenaient ce poème pour messianique et les apôtres ont partagé ce sentiment. Act., h, 34 ; I Cor., xv, 25 ; Eph., i, 20-22 ; Hebr., loc. cit. et i. 3 : v, 6, viii, 1 ; x, 12-13 ; I Petr., iii, 22.

D’après ce psaume que les Septante et le texte massorétique attribuent à David, le Messie doit être non

seulement un roi conquérant, mais encore un prêtre. La fin du ꝟ. 4 résout une difficulté. Puisque le Messie sera le fils de David, comment peut-il être investi du sacerdoce dont les fonctions sont réservées à la tribu de Lévi, à la famille d’Aaron ? La réponse est tirée de L'Écriture elle-même. Le livre de la Genèse ne parle-t-il pas d’un roi Melchisédech qui n’appartenait ni à la famille sacerdotale, ni même à la race d’Abraham et qui fut pourtant le prêtre du Très-Haut ? De même, dit le psaume, le Messie descendant de David sera souverain victorieux et investi du sacerdoce selon l’ordre de Melchisédech.

Nous sommes ainsi ramenés au texte de Gen., xiv, 17-19. « Comme Abraham revenait vainqueur de Chodorlahomor et des rois qui étaient avec lui, le roi de Sodome alla à sa rencontre dans la vallée de Save, c’est la vallée du Roi. Melchisédech, roi de Salem, présenta du pain et du vin ; il était prêtre du Dieu Très Haut. Il bénit Abraham et dit : Béni soit Abraham par le Dieu Très Haut qui a créé le ciel et la terre ; béni soit le Dieu Très Haut qui a livré tes ennemis entre tes mains. » Tel est le texte hébreu. Certains commentateurs ont pensé que Melchisédech se contenta de ravitailler Abraham et ses hommes. Toutefois la réflexion : // était prêtre du Dieu Très Haut ne se comprendrait guère et serait mal placée. Elle suit immédiatement les mots : // présenta du pain et du vin. Or, si ce renseignement sur le sacerdoce de Melchisédech n'était donné que pour mieux éclairer le lecteur sur cette étrange personnalité, ne semble-t-il pas qu’il devrait se trouver à un autre endroit de la phrase, à côté de la mention « roi de Salem » ? On ne peut pas dire d’autre part que cette affirmation : « il était prêtre » figure là où elle est pour justifier la bénédiction donnée par Melchisédech, cette qualité n'étant pas requise pour l’accomplissement de cet acte : un roi, un père peuvent bénir. Aussi des interprètes de ce passage ont conclu que la qualité de prêtre explique la présentation de pain et de viii, et atteste son caractère d’offrande religieuse faite au Dieu Très Haut. C’est la pensée de la Vulgate : Melchisédech, rex Salem proferens panem et vinum, erat enim sacerdos Dei altissimi, ꝟ. 18. Le texte hébreu insinue cette interprétation ou du moins ne la contredit pas. Voir Lesêtre, art. Melchisédech, Diction, de la Bible, t. iv, col. 939-9 K).

On devine quelle a été la conséquence. De nombreux écrivains chrétiens — le premier fut Clément d’Alexandrie — proposèrent cette conclusion : Le psaume cix (ex) et l'Épître aux Hébreux affirment que Jésus fut prêtre selon l’ordre de Melchiédech. Or, la Genèse nous apprend que le roi de Salem offrit au TrèsHaut un sacrifice de pain et de vin. Sacrifice est donc la cône, sacrifice est aussi la messe. Bellarmin, Petau, Thomassin ont relevé de très nombreux textes de Pères où sont émises soit ces deux conclusions, soit l’une d’entre elles. Voir aussi De la Taille, op. cit., p. 68 sq.

Aussitôt surgit une objection faite déjà par les Béformateurs du xvie siècle et maintes fois présentée. L'Épître aux Hébreux n’a nulle part proposé ce rapprochement. Or, l’auteur s’ingénie à relever les plus minuscules ressemblances qui peuvent exister entre Mclcliisédech et le Christ. Il les cherche à la loupe, il en découvre qui sont purement verbales, qui surprennent le lecteur moderne, à quoi celui-ci n’aurait jamais pensé. Si donc l’auteur de l'épître avait cru que le Sauveur offre en sacrifice le pain et le vin de la cène, comme Melchisédech a jadis fait une oblalion rituelle des mêmes mets, avec quel empressement il aurait souligné cette similitude qui aurait été, en faveur de sa thèse, le meilleur argument 1

Depuis longtemps (cf. S. Jérôme, Epist., i.xxiii, ad Evangelum, n. 2, P. L., t. xxii, 677) on a essayé d’ex-