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MESSE DANS L'ÉCRITURE. LA DERNIÈRE CÈNE


reproduit la phrase de l’Exode : « Voiei le sang de l’alliance (8ta0-/)xir ; < ;), que Dieu a conclue avec vous » v. 20, Il est diflicile de découvrir une preuve qui démontre mieux que le mot 81a6ï ; X7) signifie dans l'Écriture tantôt alliance et tantôt testament. On peut même se demander si parfois il n’exprime pas en même temps ces deux notions. Ainsi le contexte seul permet de fixer le sens. Cf. Lamiroy, op. cit., p. 184185.

Sans doute, le mot SiaOïjy.v ; flans les inscriptions et les papyrus ne signifie pas alliance. Mais il suffît qu’il ait ce sens dans l'Écriture. L’objection tirée du l’ait que la Vulgale a traduit ce mot par fœdus et non par testamentum n’est pas plus recevable. Jésus n’employait ni le latin ni le grec. Pour connaître sa pensée, il faut se rappeler quel est le sens du mot traduit dans les Septante par 81a8r ; x7 ;. Ce terme berît est bien connu. Pris au sens religieux, tantôt il signifie ordonnance, loi, règlement divin, tantôt il désigne, une alliance, l’union avec Dieu. Il est facile de voir comment les deux sens sont connexes : une alliance fait loi pour les deux contractants ; un ordre met en bonnes relations celui qui commande et celui qui obéit. Les Septante ont constamment rendu berît par 8ta67)xv), ordonnance, disposition, et non par auv0T)X7), acte, convention. On a donné de ce fait une explication fort plausible : l’alliance de Jahvé avec Israël n’est pas un contrat entre égaux. L’un est le maître, l’autre le serviteur. Alors même que, par pure bonté, Dieu s’engage à l'égard de son peuple, il fait l’offre, il impose des conditions, il commande l’obéissance, il punit les révoltes. On comprend donc à merveille que le mot Siaô^xT) ait été préféré pour la traduction de berît. Soucieuses de rendre littéralement la pensée biblique, les versions latines devaient naturellement être portées à traduire ce terme par testamentum. Encore ne l’ont-elles pas fait toujours. Précisément dans la parole de l’Exode par laquelle Moïse promulgue l’antique alliance, berît est rendu par fœdus. « Ecce sanguis jœderis : Voici le sang de l’alliance. » Ex., xxiv, 8.

La conclusion s’impose. Il est impossible d’affirmer que le mot SiaOïjxY) dans l'Écriture signifie exclusivement et toujours testament. Pour connaître sa signification exacte, il est nécessaire d’examiner le contexte, de tenir compte de toutes les circonstances et de suivre les bonnes règles d’interprétation du langage humain.

Or, dans les deux récits de la cène, ceux de Paul et de Luc, à côté du mot SLaO/jx ?), testamentum, se trouve le mot xoavv), novum. Il y a donc ici quelque chose qui se substitue, non à un testament, mais à l’antique contrat conclu entre Israël et Jahvé. Il faut traduire : « Cette coupe est la nouvelle alliance. » D’autre part, la ressemblance totale, l’identité absolue qu’on relève entre la phrase de Moïse et celle de Matthieu et Marc oblige à conclure que dans un cas comme dans l’autre, il s’agit d’une convention de Dieu avec son peuple. Donc il est impossible que dans la formule de la cène le mot 8ta6r)Xï) ne désigne rien qu’un testament. Ou bien on doit croire qu’il signifie alliance et pas autre chose ; ou mieux, puisque berît peut vouloir dire aussi bien disposition que pacte ; puisque l’Epître aux Hébreux, loc cit. (voir encore Gal., iii, 13-17), semble présenter les paroles de Jésus au repas d’adieu à la fois comme ayant conclu un nouvel accord entre Dieu et Israël et comme ayant trouvé leur accomplissement par la mort du Christ ou enfin, puisqu’on doit « tenir compte du sens normal » du terme SiccOtjxt), on est autorisé à voir dans le sang de Jésus celui d’une alliance nouvelle qui est son testament. Lagrange, Évangile selon saint Marc, p. 355. « Ce n’est d’ailleurs qu’une question de nuance. » On a

déjà fait observer avec raison « qu’il est facile de passer d’un sens à l’autre et que beaucoup d'écrivains catholiques (Bossuet par exemple) se sont plu à montrer dans l’Eucharistie le testament du Seigneur. Lebreton, Diction, apol., art. Eucharistie, col. 1565.

Vôlker reconnaît que ces mots doivent s’expliquer par le récit de l’Exode et il conclut, lui aussi, qu’est annoncée ici une alliance dans le sang, dans le sacrifice du Christ. Mais il ajoute : "Est-il vraisemblable que Jésus lui-même ait fait de sa mort un équivalent des sacrifices rituels juifs et de tous leurs elîets'.' Étant donnée la position prise par le Maître à l'égard du service du Temple, il apparaît comme souverainement invraisemblable qu’il ait attribué à son supplice cette conception à la fois judaïque et cultuelle. L’agonie de Gethsémani établit d’ailleurs le contraire. La déclaration : « Ceci est le sang de la nouvelle Alliance » ne peut pas émaner de Jésus, elle exprime la foi de la communauté primitive vingt ans après la cène, lorsqu’elle eut abandonné le culte du Temple. » Op. cit., p. 42.

On le voit, cette affirmation est une hypothèse gratuite. L’auteur ne démontre pas et il ne pourra jamais prouver qu'à sa mort Jésus dut prendre par rapport à l’ancienne alliance l’attitude qu’il avait adoptée pendant sa vie. Vôlker est même obligé, pour établir sa thèse, de nier l’authenticité des paroles du Christ et il ne le fait pas pour des motifs de critique textuelle. Son opinion se heurte à un fait historique indéniable : c’est à Jésus et non à ses disciples que toute l’antiquité chrétienne attribue la fondation du Nouveau Testament. Quant au récit de Gethsémani, il ne contredit en rien les mots : Ceci est mon sang de l’alliance. Jésus a fort bien pu prononcer cette phrase et demander ensuite à son Père que s'éloignât de lui le calice, surtout s’il faisait suivre cette prière de l’acceptation du bon plaisir divin.

Mais si Vôlker a tort de faire remonter l’origine de ces mots aux premières communautés chrétiennes et non à Jésus, il a raison d'écrire : « Dès que cette pensée fut admise, la cène, le repas du Seigneur, fut assimilée aux sacrifices du temple, et on lui attribua toutes les vertus qu’avaient les antiques offrandes : par elle on glorifiait Ditu et on lui rendait grâces, on l’apaisait et on se le rendait favorable. Par elle, on entrait en communion immédiate avec Jahvé. » Op. cit., p. 45-50.

Vôlker a aussi raison de le faire remarquer : Les mois : « Ceci est mon sang de l’alliance », supposent nécessairement qu'à l'époque où ils étaient prononcés, donc dès la première génération chrétienne, le sacrifice s’opérait sous les deux espèces et non pas seulement avec le pain, comme le croit Lietzmann. S’ils ont été prononcés par Jésus, on doit conclure qu’il avait institué l’eucharistie sous les deux espèces. Le sang était un élément essentiel pour la conclusion d’une alliance calquée sur celle de l’Ancienne Loi. Op. cit., p. 43, 44.

g) Le Christ ne dit-il pas, d’après saint Luc, que la coupe de l’alliance est répandue pour les Douze, donc que la cène est un sacrifice ! — Étudiant de>plus près la formule que le troisième évangile fait prononcer par le Christ sur le viii, certains auteurs ont cru y découvrir une nouvelle preuve de l’immolation du Christ à la cène. La phrase est la suivante : Toôto to KOTYjpiov T) xaivï) 810c0y]xt} èv tw a.ïJ.a.zi |i.ou, to ûrcèp û(xôiv èx/uvou, svov.

Aux premiers mots, ceci est la coupe, touto tô ttoty)piov, faut-il rattacher les derniers qui sont au même cas, tô ûrrsp ùu, ûv èxxuvô[i.svov, répandue pour vous ? Le sens serait alors : Cette coupe versée pour vous est la nouvelle cdliance dans mon sang. Un bon nombre d’interprètes — - et ce ne sont pas seulement des théologiens catholiques, mais encore des grammairiens ou des critiques indépendants — adoptent cette traduction.