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MESSE DANS LÉCRITURE, LA DERNIÈRE CÈN


sang de l’alliance. » Paul et Luc placent sur les lèvres du Christ cette phrase : « Cette coupe (est) la nouvelle alliance en mon sang. »

Or, les apôtres connaissaient par les Écritures et les usages liturgiques les sacrifices de l’alliance. Ils savaient que le sang d’animaux avait cimenté l’union d’Abraham et de Jahvé. Gen., xv, 18. Ils n’ignoraient pas qu’au Sinaï des holocaustes avaient scellé l’alliance d’Israël et de son Dieu. Ex., xxiv, 3 sq. Ce symbolisme apparaissait dans tous les sacrifices, surtout dans les rites d’expiation. Parce que les fautes faisaient perdre l’amitié du Seigneur, sans cesse des aspersions offraient à Jahvé, dans le sang de victimes bien choisies, la vie même du pécheur en réparation de ses offenses. « La liturgie solennelle du Kippour… donnait le ton aux rites les plus humbles mais semblables de chaque jour. En projetant sur les expiations particulières, images réduites de la grande expiation collective, l’idée de la substitution…, elle apprenait au pécheur, chaque fois qu’il offrait une hatlà't, que Dieu, à la vue du sang, voulait bien considérer les péchés comme transmis à la victime et punis par la mort ; qu’il daignait prêter l’oreille aux protestations d’amour et de dévouement que les aspersions faisaient retentir dans le sanctuaire. » Ainsi renouvelait-il sans cesse son alliance avec les membres de son peuple. Médebielle, op. cit., p. 288.

Si ces pensées étaient familières aux Douze, on devine comment ils comprirent les paroles du Christ : Ceci est mon sang de l’alliance. Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang. Il leur fut impossible de ne pas croire que Jésus s’offrait à Dieu en victime pour expier leurs fautes par sa mort, et que déjà, pour accomplir le rite traditionnel, il faisait à la face du Père l’aspersion de son sang contenu dans la coupe. Le Christ livrait à Dieu et à ses disciples la victime qui devait sceller la nouvelle alliance entre l’Israël évangélique et Jâhvé. J. Brinktrine, op. cit., p. 21-22, 25-26.

Afin même qu’il fût impossible aux apôtres de ne pas saisir le sens de l’acte dont ils étaient les témoins, Jésus voulut employer à la cène les paroles même dont Moïse s'était servi pour le pacte du Sinaï, et qui devaient être du nombre de celles que les pieux Israélites ne pouvaient oublier. Le législateur de l’antique alliance avait envoyé des jeunes gens offrira Jahvé des holocaustes et des sacrifices d’action de grâces. Puis, il avait répandu sur l’autel la moitié du sang des victimes. Après quoi il avait lu le livre de l’alliance en présence du peuple qui répondit : « Tout ce qu’a dit Jahvé, nous le ferons. » Alors Moïse avec l’autre moitié du sang avait aspergé Israël en prononçant ces mots : « C’est le sang de l’alliance que Jahvé a conclue avec vous sur toutes ces paroles. » Ex., xxiv, 8.

La même déclaration est prononcée à la cène : Ceci est mon sang de l’alliance. Tout concorde : Déjà Jésus avait promulgué son Évangile, la nouvelle loi de Dieu, et les Douze l’avaient acceptée ; force était bien de le croire : si les paroles étaient les mêmes, c’est que les rites étaient semblables. Comme autrefois sur le Sinaï, de même à ce moment au cénacle une alliance était scellée en un sacrifice.

Il est impossible de donner au mot 81a6v)XY] le sens d’amitié quelconque, de simple union fraternelle. Il n’est pas un synonyme de xoivcovia. Comme le fait observer Lietzmann, op. cit., p. 225, si des exégètes de langue allemande ont pu être tentés de confondre les deux termes, c’est parce que le mot Bund signifie à la fois alliance et union. Mais le terme employé par Jésus et ici traduit n’avait pas cette signification. L'Écriture ne l’emploie pas pour désigner la simple amitié, la fraternité, mais une convention, un pacte. Ici, l’allusion indéniable à la scène de l’Exode, xxiv, 8,

, rend toute hésitation impossible : « Dans le sang de Jésus-Christ est conclue une alliance. » Cette pensée se trouve aussi clairement exprimée par la formule de Marc (et Matthieu) que par celle de Paul (et de Luc). Puisque l’alliance est conclue quand le sang asperge l’autel et le peuple, Jésus dit donc ces mots : « Je suis la victime dont le sang est versé pour vous… afin de sceller une nouvelle alliance avec Dieu. » Lietzmann, op. cit., p. 221.

Sans doute, cette victime n’avait pas encore été mise à mort, quand elle parlait ainsi, mais parce qu’elle était le Christ lui-même, il fallait bien que Jésus fît de son vivant ce qui jadis avait pu suivre l’offrande des holocaustes. Comme celui des victimes du Sinaï, son sang devait couler à la lettre sur la croix pour être répandu sur le peuple nouveau. Mais puisque Jésus est le nouveau Moïse et fait lui-même l’aspersion, elle précéda l’effusion totale et mortelle du Calvaire. Aussi le Christ ne dit-il pas : Ceci est mon sang, celui de l’alliance à venir, mais Ceci est mon sang de l’alliance. Matthieu et Marc. De même on ne lit pas dans Paul et Luc : « Cette coupe (est) la future alliance dans mon sang », mais bien : « Cette coupe (est) la nouvelle alliance en mon sang. »

En écoutant ces mots, les convives de la cène durent se rappeler que le pacte antique avait été conclu au moment précis où Moïse avait tenu le même langage : Ceci est le sang de l’alliance. Puisqu’il était répandu sur eux comme un moyen de les unir à Dieu, le sang du Christ, à l’instant même où Jésus le présentait comme celui du nouveau pacte d’amitié, devait être déjà d’une certaine manière celui d’une victime expiatoire. Il fallait donc qu'à ce moment même Jésus se constituât en état d’immolation. Il devait alors, non seulement par le désir, mais par un acte extérieur et public, apparaître comme la victime des temps nouveaux. Il n’y a ni deux hosties, ni deux sacrifices : mais à la cène commence l’holocauste qui au Calvaire doit être consommé. De la Taille, Mysterium fldei, Paris, 1924, p. 53-54.

On a prétendu, il est vrai, que le mot 8ta0Y)xv) ne signifiait pas alliance mais testament. Luther avait déjà fait cette remarque : De caplivitate babylonica, édit. Weimar, t. vi, p. 523. Nombre d’exégètes protestants et de critiques non catholiques ont adopté cette opinion. Récemment, elle a été de nouveau défendue par Dibelins, Eine Untersuchung ùber die An/linge der christlichen Religion, Leipzig, 1911, p. 88. Pour démontrer cette thèse, on allègue des passages parallèles, dit-on, où le mot SiaGrjxï) a le sens de testament, ainsi Luc, xxii, 29, et Heb., ix, 15. On fait encore observer que les versions latines ont traduit dans les récits de la cène 81a6y)x ?] par testamentum, et que les inscriptions et les papyrus donnent toujours ce sens à ce mot.

Ces arguments démontrent-ils ce qu’on veut en conclure ? Le premier texte allégué, celui de Luc, semble ne rien prouver : l'évangéliste rapporte ces mots de Jésus : « Je vous prépare, Sta-dŒ^oa, un royaume, comme mon Père me l’a préparé, StiGe-ro. » Ces paroles ne donnent en réalité aucun renseignement sur le sens de la formule de la cène. Personne n’a jamais nié d’ailleurs que ! e mot Siaôrjxv) ne signifie parfois testament. Tel est le sens, à coup sûr, qu’il a, dans Hebr., ix, 16 : « Là où il y a un testament, 8ta0Y]XY), il est nécessaire que la mort du testateur intervienne. » Mais dans le même développement, quelques lignes plus haut et un peu plus bas, il semble bien nécessaire de traduire autrement ce même terme. L'épître parle « des transgressions commises sous la première 8ta61rjx7) >. ix, 15. Ce sont évidemment celles del’ancienne alliance. On retrouve la même expression au t. 18. Un peu plus loin encore aucun doute n’est possible. L’auteur