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MESSE DANS L'ÉCRITURE, LA DERNIERE CÈNE


.Jésus, la nuit où il fut livré, prit du pain. 24, rt après avoir rendu grâces, il le rompit et il dit : « Ceci est mon corps, pour vous. Faites ceci en mémoire de moi. » 25. De même (il prit) aussi la coupe après le repas, disant : « Cette coupe (est) la nouvelle alliance en mon sang. Faites cela toutes les fois que vous boirez, en mémoire de moi. »

2. Saint Matthieu, xxvi, 20 sq. (avant 70). — Pendant qu’ils mangeaient. Jésus ayant pris du pain et ayant prononcé une bénédiction le rompit et, l’ayant donné aux disciples, il dit : « Prenez, mangez, ceci est mon corps. » 27. Puis, ayant pris une coupe et ayant rendu grâces, il la leur donna, disant : « Buvez en tous, car ceci est mon sang de la nouvelle alliance, répandu pour plusieurs en vue de la rémission des péchés. 29. Je vous le dis, je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne, jusqu’au jour où j’en boirai avec vous du nouveau dans le royaume de mon Père. »

3. Saint Marc, xiv, 22 sq. (entre 40 et 70). -- 22. Et pendant qu’ils mangeaient, Jésus ayant pris du pain et prononcé une bénédiction, le rompit et le leur donna et il dit : « Prenez, ceci est mon corps. » 23. Et ayant pris une coupe, ayant rendu grâces, il la leur donna et ils en burent tous. 24. Et il leur dit : « Ceci est mon sang de l’alliance, répandu pour plusieurs. 25. En vérité, je vous le dis, je ne boirai plus du fruit de la vigne jusqu’au jour où j’en boirai du nouveau dans le royaume de Dieu. »

4. Saint Luc, xxii, 15 sq. (entre 60 et 70). — 15. Et il leur dit : « J’ai désiré d’un vif désir manger cette Pâque avec vous avant de souffrir. 16. Car je vous dis que je ne la mangerai plus jusqu'à ce qu’elle soit accomplie dans le royaume de Dieu. » 17. Et ayant pris une coupe, ayant rendu grâces, il dit : « Prenez ceci et partagez-le entre vous. 18. Car je vous dis que désormais je ne boirai plus du fruit de la vigne jusqu'à ce que le règne de Dieu soit venu. » 19. Et ayant pris du pain, ayant rendu grâces, il le rompit et le leur donna disant : « Ceci est mon corps donné pour vous, faites ceci en mémoire de moi. » 20. Et de même la coupe après le repas, disant : « Cette coupe (est) la nouvelle alliance dans mon sang répandu pour vous. »

Pour bien poser le problème, notons d’abord ce qui est hors de discussion. Il est clair que la cène est le dernier repas du Christ avec ses Apôtres. Elle a lieu la nuit où Jésus fut livré. II annonce qu’il va souffrir, donner son corps et verser son sang. Le contexte confirme ces données. Ainsi l’affirment les quatre témoins. Cette mort du Christ est même préfigurée. Sur le pain, Jésus dit : Ceci est mon corps, il présente la coupe comme le calice de son sang. Cette double formule, cette distinction si expressive de deux éléments qui ne peuvent être séparés l’un de l’autre sans que l’homme perde la vie, ces mots qui font penser tout naturellement à une mort violente, à une immolation, donnent à entendre que le Christ aura le sort d’une victime. De nouveau, Paul et les Synoptiques concordent.

Ils ne se contentent pas de nous montrer dans la cène un symbole de Jésus mourant. Les quatre auteurs affirment aussi que du pain et du vin de la cène le Christ a fait son corps et son sang, pour les ofirir en nourriture et en breuvage aux Apôtres. Voir Eucharistie, col. 1031 sq. Enfin, la cène complète l’immolation de Jésus. Sur ce point encore les divers récits se confirment mutuellement. Lorsqu’ils mangeaient le pain, buvaient le sang de l’eucharistie, les Apôtres recevaient le corps et le sang que le Christ devait offrir pour eux sur la croix, de même que les Israélites leurs contemporains participaient aux victimes de certains sacri lices.

En d’autres termes, la cène fut un repas d’adieu ; repas figuratif d’une immolation ; repas de communion

à une victime ; et partant repas complémentaire d’un sacrifice. Mais la question ici posée est tout autre. La cène elle-même fut-elle un sacrifice ?

a) Le Christ offre ù Dieu ce qu’il distribue aux Apôtres. - — D’après les quatre récits, Jésus affirme que son corps est pour les Apôtres (Paul), qu’il est donné pour eux (Luc). De même il déclare que son sang est répandu pour les Douze (Luc), pour plusieurs (Mathieu, Marc).

Ainsi le Christ fait savoir publiquement qu’il s’offre à Dieu. Car son langage ne signifie pas seulement : « Voici mon corps et mon sang que je vous distribue. » Jésus dit à la fois qu’il les donne aux Apôtres et qu’il les donne pour eux. La différence des deux concepts apparaît à merveille dans la formule de Luc : < Ayant pris du pain… Jésus… le donna aux Apôtres en disant : « Ceci est mon corps donné pour vous. » Ainsi le même verbe est employé mais en deux sens différents. Le troisième Évangile écrit : Jésus distribua aux Douze son corps, que pour eux il offrit ù Dieu. La parole que Paul et Luc font prononcer sur le pain : « Ceci est mon corps pour vous », et de même les mots : « répandu pour… », employés pour le vin par les trois Synoptiques, ne permettent aucune hésitation. Jésus proclame qu’il se donne à son Père au profit des siens. Si Yimmo lotion sanglante ne doit avoir lieu que plus tard, dès maintenant, à la cène, la victime s’offre à Dieu, non seulement par la pensée, le cœur ou un acte de volonté, mais par un geste et des paroles extérieures, solennelles et assez remarquées pour que le souvenir en ait été consigné dans l'Évangile et par saint Paul.

b) Le Christ s’offre à Dieu pour le salut des Apôtres et de beaucoup. — Aucun doute n’est possible sur le sens des mots : « Ceci est mon corps pour vous ». Jésus déclare que son corps et son sang sont donnés à la place (Ô7rèp) de la vie des Apôtres. Il va réaliser les paroles que rapportent Matthieu, Marc et Paul : « Le Fils de l’homme est venu… donner sa vie pour la rédemption de beaucoup », Matth., xx, 28, pour leur « rançon. » Marc, x, 45. Et « le Christ est mort pour tous » (uTrèp), II Cor., v, 15 ; Dieu l’a fait pour nous (ûïuèp) péché, c’est-à-dire sacrifice pour le péché (hatta’t).

Si donc Jésus déclare que son corps est pour les Douze, qu’il est donné pour eux, pour beaucoup, que son sang est répandu pour plusieurs, personne ne peut se méprendre sur le sens de cette affirmation. Des exégètes peu suspects de complaisance pour la tradition catholique le reconnaissent : Ces mots signifient que « le corps du Christ est livré à la mort pour le salut de ses disciples ». Loisy, Les Évangiles synoptiques, Paris, 1908, p. 532. « Jésus s’assimile à une victime immolée. » Goguel, L’eucharistie, des origines jusqu'à Justin martyr, Paris, 1916, p. 192. « Les mots : rompu pour vous, I Cor., xi, 24, répandu pour vous, Luc, xxii, 20, viennent s’ajouter à la formule d’institution de la cène et lui communiquent la note sacrificielle. » Will, Le culte, t. i, Strasbourg, 1925, p. 91. « …Au dernier repas, lorsque le Christ, par la comparaison du pain et du viii, prépare ses disciples à sa mort, il en exalte le caractère sacrificiel. » Vôlker, op. cit., p. 27.

A coup sur, le sang du Christ n’est pas séparé du corps au cénacle, il ne le sera que sur la croix. Mais déjà au cours de son dernier repas en compagnie de ses apôtres, Jésus par une déclaration publique entendue de Dieu et des hommes, livre son corps et son sang à la mort pour le salut de ses disciples, il se met en état de victime et commence ainsi sa passion. J. Brinktrine, Der Messopferbegriff in den ersten drei Jahrhunderten, Fribourg-en-B., 1918, p. 23 sq.

c) Le Clvist s’offre pour la rémission des péchés. — Le récit de saint Matthieu donne à cette affirmation