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MESSE DANS L'ÉCRITU RE, ET AT DE LA QUESTION

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sent dériver de deux antiques traditions, l’une représentée par l’anaphorc d’Hippolyte, l’autre par celle de Sérapion.

La première dérive d’une conception de l’eucharistie qui apparaît vers l’an 50 dans les lettres de saint Paul. La cène est rattachée au dernier repas de Jésus avec ses disciples, lequel n’eut rien d’un festin pascal. Elle est un mémorial de la mort du Christ. Au cours de la nuit qui précéda la passion, dans le pain que Jésus rompit au début du repas, dans le vin qu’il bénit à la fin, il montra comme un symbole de son corps qui devait être brisé par la mort et de son sang qui allait bientôt être répandu ; en même temps il signifia qu’en qualité de victime il allait mourir pour son peuple, et ainsi sceller la nouvelle alliance annoncée par les prophètes. Par l’imitation de cette cène, la communauté chrétienne commémora cette prophétie et son accomplissement, ainsi que' la résurrection du Seigneur et son avènement futur. Cette conception de Paul n’est pas primitive. Il avait reçu de l’antique tradition le récit primitif de la cène, tel qu’on le lit chez Marc. Mais, il le déclare lui-même : c’est à cause d’une révélation du Seigneur, c’est en extase que lui avait été découverte cette signification nouvelle.

Plus antique est la notion de la cène dont dérive l’anaphore de Sérapion. Elle est attestée par les Actes des Apôtres et par la Didachè. On la retrouve aussi dans certains écrits apocryphes d’après lesquels l’eucharistie ou bien s’opère par la seule fraction du pain ou bien se célèbre, non avec du viii, mais avec de l’eau (Actes de Pierre, de Jean, de Thomas, etc.).

En cette cène primitive, il n'était pas fait allusion à la mort du Christ ni à l’institution par lui de l’eucharistie. Croyant que le Christ était vivant, les premières communautés chrétiennes se réunissaient pour se mettre au cours d’un repas en communion avec lui, de même que les disciples mangeaient avec Jésus historique avant sa mort. Un membre de l’assemblée bénissait le. pain, le rompait, le distribuait. Les mets étaient simples. On buvait d’ordinaire de l’eau, rarement du vin. A la fin, une coupe de bénédiction pouvait circuler entre les convives. Tel était le repas du vivant du maître. Et, maintenant encore, on estimait que Jésus était présent au milieu des siens en esprit. Il l’avait promis : si deux ou trois disciples étaient réunis en son nom, lui-même se trouvait avec eux. Tout naturellement, le petit groupe fidèle se prenait à croire que bientôt, comme le Fils de l’homme de Daniel, le Christ reviendrait sur les nuées du ciel pour rétablir sur terre le royaume messianique. Aussi prenaiton part à ce repas avec allégresse : Le président de table prononçait le Maranatha, « Venez Seigneur Jésus », et les assistants répondaient par les acclamations de Y Hosanna.

Puis se glissèrent des idées nouvelles. Jésus avait dit que, pour offrir un sacrifice au temple, on devait avoir un cœur libre de toute haine. On exigea cette condition pour le repas de communauté. Ainsi, hors de Jérusalem, on fut entraîné à le concevoir comme un sacrifice. Cette idée admise, nombre de corollaires suivirent. A la cène fut attribuée une efficacité pareille à celle des sacrifices de l’ancienne Loi, une vertu expiatoire. Les mots furent tenus pour sacrés : en eux habitait le nom, la force du Seigneur et par la communion elle passait dans celui qui s’en approchait saintement : il recevait dans l’eucharistie, la vie éternelle.

Faut-il mentionner une explication toute différente des paroles de la cène, récemment proposée par Eister : Das letzle Abendmahl, dans Zeitschrijt fur die N. T. Wissenschaft, 1925, p. 161, 162 et 1926, p. 5-37? Le rituel juif de la Pàque aujourd’hui en usage ordonne de déposer, le soir de la fête, dans la célébration du repas liturgique, trois pains azymes : Kohen, Lévi,

Israël. Ils représentent le peuple de Dieu. Or, celui du milieu, Lévi, est rompu en deux morceaux. Le plus gros est appelé aphikomenon. On le met de côté et il réapparaît a la fin du repas. Eister estime que Vaphikomenon, c’est le pain à venir, le Messie fils de Lévi, d’abord caché, et qui ensuite se manifeste. Voilà ce que Jésus aurait béni à la cône en disant : « Ceci, Vaphikomenon, est mon corps. Je suis le Messie. » Il n’est peutêtre pas inutile de montrer à quelles extravagantes fantaisies aboutissent aujourd’hui même les savants qui cherchent hors des chemins battus les origines de la cène.

C’est sur un sol plus ferme que Vôlker appuie sa construction. Mysterium nnd Ayape, Gotha, 1927. Au cours de la dernière cène, repas d’adieu et festin pascal pris avec les Douze, Jésus sachant que sa fin était proche leur prédit par la distribution du pain et du vin qu’il subirait une mort violente. Elle est présentée par lui comme une condition requise pour que puissent se réaliser les espérances d’Israël. Ainsi s’estil soumis à sa passion pour ceux qui voyaient en lui le Messie. Jusqu'à son retour ils doivent demeurer unis entre eux, et c’est pour que cette unité se maintienne que Jésus leur enjoint de réitérer la cène, comme un repas de communion religieuse et fraternelle. Pour obéir à cet ordre, les premiers chrétiens célébrèrent la fraction du pain. Mais, quand ils se séparèrent des Juifs, ils furent amenés à découvrir dans l’eucharistie le symbole d’une alliance nouvelle : Le vin de la coupe représenta le sang du Christ dans lequel aurait été scellé entre Dieu et le peuple choisi qui remplaçait Israël un pacte substitué à celui du Sinaï. Ainsi prit-on l’habitude de faire de la cène un équivalent des sacrifices de l’Ancien Testament : sans être un banquet funèbre ni une agape, elle unit alors les premiers fidèles entre eux et avec le Christ glorifié : de même autrefois l’antique repas sacrificiel faisait entrer les Israélites en rapport avec Jahvé et formait d’eux une famille religieuse.

Survint Paul. Il essaya de faire disparaître tous les obstacles qui empêchaient paganoet judéo-chrétiens de s’asseoir à la même table. D’autre part, apôtre des Gentils, il dut combattre les sacrifices offerts aux idoles et montrer dans la cène chrétienne ce que les païens cherchaient en vain dans les rites idolâtriques. Il fut donc amené à concevoir la cène à la manière d’un sacrement : par la communion au pain et au vin les fidèles croient recevoir une nourriture et un breuvage spirituels, c’est-à-dire des forces qui font vivre selon l’esprit. Et parce que tous les chrétiens participent à un même pain, à une seule coupe, la cène les rapproche tous sans distinction de race ni d’origine en un seul corps, celui du Christ glorifié. Les communiants entrent en communion avec lui, comme les juifs participent à l’autel et les païens aux idoles, c’est-à-dire aux démons.

Le quatrième évangile présenta, lui aussi, dans la réception du pain et du vin de la cène, le rite religieux par lequel les chrétiens communient entre eux et avec le Christ. Les conceptions primitives et dérivées du judaïsme passèrent à l’arrière plan. Ce que les religions à mystères prétendaient assurer à leurs fidèles, l’union intime à la divinité et la vie éternelle, voilà ce qui fut au premier plan : Celui qui mange la chair du Christ vit en lui et il ne mourra pas. La cène devint le mystère des communautés chrétiennes, elle fut donc tenue pour l’acte suprême du culte divin.

A l'âge postapostolique, peu de changements dans le rite. Certaines sectes substituèrent au pain de l’eau, mais aucune ne se contenta de la fraction, du sacrement du pain. Quant aux croyances, elles continuèrent l'évolution attestée déjà par le quatrième évangile. L’idée juive de l’alliance tendit à disparaître. On