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MESSALIENS


l’exception, bien entendu, de la « lettre » Ad filios bci, P. G., t. xxxiv. col, 405-410, dont l’origine macarienne demeure incontestée, et par ailleurs de la lettre Lignonim copia, ibid., p. 441-444, qui est une compilation tardive (peut-être du viir siècle) de phrases empruntées à des ouvrages ascétiques bien connus. Voir sur ce dernier point A. Wilmart, dans Revue d’ascétique et de mystique, 1922, t. iii, p. 411-413. Tout le reste de la littérature pseudo-macarienne se révélerait au contraire comme ayant des accointances très étroites avec la doctrine messalienne. Il s’agît en premier lieu des Homélies spirituelles, ’Op-’.X’.oct, 7rveutx.aTi.xxt, P. G., t. xxxiv, col. 449-822, au nombre de cinquante, auxquelles il faut joindre sept autres homélies publiées par G.-L. Marriott, dans Harvard theological studies, fasc. 5, Cambridge (É-U), 1918 ; ensuite de la « longue lettre grecque », P. G., ibid., col. 409-442, dont les rapports littéraires avec les Homélies ont été mis en évidence par dom Villecourt, Revue de l’Orient chrétien, 1920-1921, t. xxii, p. 29-57 ; des Opuscules ascétiques enfin, dont le même auteur a précisé, plus exactement qu’on ne l’avait fait jusqu’ici, les relations avec les homélies. Le Muséon. 1922, t.xxxv, p. 203-212. Il reste encore fort à faire pour que cet ensemble d’écrits d’âge et d’origine assez divers soit complètement utilisable. Tel qu’il est, cependant, il se présente avec des traits communs, qui permettent d’y voir l’expression d’une même doctrine.

Or cette doctrine est étroitement apparentée avec l’enseignement mystique que les sources catholiques attribuent aux messaliens. C’est à dom Villecourt que revient le mérite d’avoir mis ce fait en bonne lumière, dans une communication à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, du 6 août 1920 ; les conclusions de cet auteur ont été reprises et perfectionnées par dom’Wilmart, dans la Revue d’asc. et de myst., 1920, t. i, p. 361-377.

On sait que Timothée de Constantinople et Jean Damascène donnent, l’un et l’autre, une série de capitula qui résument la doctrine messalienne : De recept. hxrelic, P. G., t. lxxxvi, col. 48-52 ; De hæres., 80, t. xciv, col. 729-730. Or il se trouve que, de ces propositions damnables, quelques-unes se retrouvent textuellement dans la littérature pseudo-macarienne, tandis que d’évidentes parentés, à défaut de coïncidences textuelles, se remarquent entre la doctrine générale de ces traités mystiques et les capitula attribués par les deux auteurs catholiques aux messaliens.

La coïncidence est absolue, entre Homil., viii, 3, col. 529 AB, et Jean Damascène, cap. 18, t. xciv, col. 732 (visions durant la prière) ; entre Homil., xxvii, 19, col. 708 A, et Jean Damascène, cap. 2. col. 729 ; il y a des points de contact très étroits entre Homil., I, 6 ; ii, 1-2 ; vi, 5 ; xv, 35 ; xvi, 1, col. 456, 464, 521, 600, 613, d’une part et Jean Damascène, cap. 1. 3, 16 (prise de possession de l’âme par le démon). On comparera aussi Homil., iv, 11-12, col. 480-481, et Timothée, cap. 2, t. lxxxvi, col. 49 (la nature divine peut se changer en ce qu’elle veut) ; Homil., vi, 5 et Timothée, cap. 7 (impureté première du corps du Christ). On le voit, six ou sept propositions attribuées aux messaliens se retrouvent à peu près textuellement dans les homélies.

.Mais ce qui est peut-être plus troublant encore, c’est que la doctrine ascétique profonde de l’homéliste est bien la même dont les deux séries de capitula et les descriptions plus détaillées des auteurs catholiques nous donnent une idée. A la vérité les capitula la ramènent, comme il est de règle, à des formules plus tranchantes, tandis que les homélies l’exposent avec une onction qui risque de donner le change ; mais au fond c’est bien la même série de développements. « L’homéliste, dit excellemment dom Wilmart, ramène aux trois actes suivants le drame de la vie spirituelle : d’abord la domination du diable, véritable possession consistant en une union personnelle et sensible de l’esprit mauvais avec l’âme, et faisant proprement du péché l’âme de l’âme ; puis la lutte, en l’âme, de l’esprit mauvais et de l’Esprit-Saint, du péché et de la grâce, des ténèbres et de la lumière, chacune des deux forces en présence prétendant à la domination : enfin, par le moyen souverain de la prière persévérante, le triomphe de l’Esprit-Saint en toute plénitude, Pentecôte renouvelée, baptême de feu, détruisant enfin, consumant le péché et produisant la bienheureuse impassibilité (àica6s ;.a), tandis que l’Esprit divin, maître de l’âme céleste, devient à son tour l’âme de l’âme : alors l’homme est déifié et sa grande œuvre est de prier toujours. » Que l’on veuille bien comparer ce résumé de la doctrine macarienne avec la doctrine messalienne telle qu’elle est exposée ici, t. v, col. 1462, et l’on ne pourra qu’être frappé de la ressemblance.

Au reste, un auteur spirituel plus ancien que Timothée et Jean de Damas, et presque contemporain des débuts du mouvement euchite, Diadoque, évêque de Photiké, vers 450, réfute dans ses KepâXocx yvoxTTixà êV.aTov, une doctrine messalienne des deux esprits concurrents de grâce et de malice, qui se trouve résumée dans le cap. 3 de Jean Damascène. C. lxxx, édit. YVeis-Liebersdorf (collection Teubner), p. 102 ; cf. P. G., t. lxv, col. 1196. Or, dom Wilmart le fait bien remarquer, « l’argument de Diadoque correspond si exactement à ceux de l’homéliste qu’on se demande à bon droit si ce n’est pas « Macaire » lui-même qui est visé ». Voir Homil., vii, . 2 ; xj, 13 ; xvi, 3-5 ; xvii, 5, col. 523, 553, 613 sq., 625.

Cet ensemble de coïncidences ne saurait être l’effet du.hasard, et tout esprit non prévenu doit reconnaître la parenté qui existe entre les enseignements ascétiques de pseudo-Macaire et les doctrines messaliennes. Peut-on aller plus loin et identifier l’ensemble des homélies spirituelles à cet Ascéticon qui fut dénoncé aux Pères du Concile d’Éphèse, à la session viie et fut anathématisé ? Mansi, ConciL, t. iv, col. 1447. Dom Villecourt semblait d’abord incliné à le penser ; dom Wilmart s’est montré beaucoup plus réservé. Préoccupé de ce fait que l’on ne retrouve pas dans les Homélies l’équivalent de chacun des 18 capitula de Jean Damascène (par exemple 14 et 15), il tendrait volontiers à admettre que le recueil des Homélies appartient à la première époque du mouvement messalien, tandis que, à une époque un peu plus tardive, l’Ascéticon a précisé et accentué les doctrines. Et puis le recueil lui-même est-il complet ? Il y a, çà et là, des traces non contestables de mutilation ; plusieurs questions en particulier demeurent sans réponses ; et la critique textuelle réservera peut-être bien des surprises ; elle est à peine commencée.

Ces considérations permettent de répondre aux objections que le P. Stiglmayr, S. J., un spécialiste des écrits macariens, a cru devoir faire à la thèse des Pères Villecourt et Wilmart : Pseudo-Makarius und die Aftermystik der Messalianer, dans Zeitschri/t fur kalholische Théologie, 192."), t. xi.ix, p. 244-260. II lui a paru qu’il était impossible de confondre la doctrine si élevée et si pure qui transparaît dans les homélies avec les aberrations mystiques des messaliens ; il a mis en vive opposition les enseignements de < Macaire » sur le travail, l’aumône, la pratique des sacrements et des vertus, et même la christologie, avec les divagations des pseudo-mystiques. Tout cela est exact ; mais cela prouve seulement que le tableau d’ensemble que présentent du mouvement messalien les auteurs catholiques a pu être poussé au noir. Est-ce la première et la dernière fois que des polémistes, désireux d’avoir