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MESROP — MESSALIENS


d’avoir, par la création d’un alphabet indigène, source d’une littérature nationale, fondé les assises d’une liturgie et d’un culte arméno-hayeaniens.

Sur Y alphabet « mesropi’ii » et la liturgie hayeanoarménienne, fondée par Mesrop, il y a lieu de remarquer encore ceci :

Il est d’abord un fait important à signaler, longtemps méconnu et seulement mis en lumière par l’arniénologie des temps les plus récents (le savant Hubschmann, Armenische Grammutik, p. 5 et 323, notel, était encore de l’avis opposé), celui de l’existence d’une littérature et d’une écriture arménienne antérieure à l’introduction du christianisme en Arménie. Cette littérature proto-arménienne, servant à l’usage diplomatique, national, ainsi que religieux (culte des KhouTmes ou prêtres païens), n’aurait été que pour une faible par ! écrite en lettres grecques ou syriaques. Car, ainsi que le font supposer les témoignages d’Agathange, vers, arm., c. cvni, cxxvii, de Fauste de Byzance, Hist., t. iii, p. 13, t. iv, p. 4, de Lazare Pharpetzi. c. ix-x, de Moïse de Khorène, t. iii, p. 3(i, et de Qoriun (dans Langlois, Collect. des historiens de l’Arménie, t. ii, ]). 10, introd. p. 5), il ne peut y avoir de doute, qu’il n’ait existé, bien des siècles déjà avant Mesrop, voire même longtemps avant l’ère chrétienne, un alphabet arménien primitif, comme instrument et réceptacle d’une littérature pagano-arménienne assez considérable. Cet alphabet figurait comme intermédiaire et membre de liaison entre l’araméo-palmyrien et l’écriture pehlvie-arsacidienne [pahlavî-parthique], cette dernière dérivée elle-même du type commun araméen.

Or, lorsque, à la suite de la réception du christianisme par l’Arménie grégorienne-prémesropienne (fin du nie siècle), le grec et le syriaque se furent exclusivement imposés à titre de langues liturgiques et cultuelles en Arménie Mineure aussi bien qu’en Grande-Arménie, lesquelles dorénavant ne formèrent pour ainsi dire plus que deux filiales dépendant l’une de Byzance, l’autre de Syrie, il est à supposer que, sous l’influence prédominante de ces langues et de ces littératures sacrées, la littérature indigène, fondée sur l’alphabet proto-arménien de caractère araméo-pehlvioïde a dû peu à peu tomber en désuétude, d’autant plus que cette seriptio à caractère avocalique se trouvait être visiblement inférieure à l’alphabet grec. De la sorte, cet ancien alphabet pagano-arménien n’était, vers le ive siècle de notre ère, certainement plus connu que de quelques savants, tels que l’évêque et philosophe syrien Daniel, d’après lequel l’alphabet fût appelé dès lors le daniélien. — Entre temps la scène politique avait changé de fond en comble par rapport à la situation de l’Église arménienne. L’antagonisme séculaire entre l’Empire romain et l’Empire iranien avait abouti, après la chute des Arsacides arméniens (d’abord sous Mérujan, puis sous la domination des Marzbans), à la prohibition et à la suppression de la littérature hellénique et de l’idiome grec sur le territoire arméno-sassanide. Moïse de Khorène, t. iii, p. 50. Le grec ayant été éliminé ainsi comme langue du culte, et le syriaque, favorisé par les Sassanides, paraissant trop allogène à la nation arménienne, le patriarche Sahak, secondé par le prince Verham-Chapouh, inaugura résolument une réforme liturgique, conditionnée par l’introduction d’un nouvel alphabet composé par Mesrop. Ce dernier eut recours, à cet effet, à l’ancien alphabet proto-arménien, dit daniélien, une variante de l’écriture araméo-pehlvie, qui lui servit de base pour son innovation. Celle-ci, selon tous les indices, se borna à transformer cet alphabet avocalique sur le modèle du type grec et de l’aveslique, en le dotant de signes vocali ques, en le coordonnant, le conformant et l’adaptant à l’arrangement des alphabets helléniques et asiaiiohéthitiques, dans lesquels probablement Mesrop aura puisé aussi certains signes spéciaux destinés à exprimer certains sons spécifiques à l’idiome hayeanien. Bien que les sources citent un calligraphe grec Rouphanos (en arménien Hrophanos) de Samosate comme aide et conseiller technique de Mesrop dans son travail alphabétique, bien que cette œuvre mesropienne se révèle plutôt comme une transformation géniale que comme une création originale, l’effet produit par elle a été radical : la constitution de l’alphabet mesropien a conditionné une liturgie nationale arménienne, et en provoquant une florissante littérature hayeano-chrétienne a été la principale sauvegarde du peuple arménien, qui aurait été, sans cela, menacé d’être absorbé dans les nations limitrophes. Mentionnons encore le frappant parallélisme entre l’œuvre accomplie par Mesrop en Arménie et celle qu’il mçna à bien en Ibérie. De même que l’alphabet mesropo-arménien est issu et perfectionné de l’alphabet daniélien c’est-à-dire d’un type araméopehlvien, ainsi l’alphabet, khoulzouri-ibérien (l’écriture sacrée des Ibéro-Géorgiens, constituée par Mesrop) se révèle manifestement comme un produit de transformation d’un type alphabétique plus ancien, lequel, représenté encore aujourd’hui par l’écriture civile, dite mekhédrouli, de ce même peuple, se dévoile comme une dérivation du même type araméopehlvien.

Qoriun, Agathange, Lazare Pharpetzi, Mo se de Khorène, ouvrages cités ; s tr/ygowsli, Bauhunst <icr Armenier and Europa, 1918, t. i, p. 29-."2 ; Dus JCtschmiudzin-Evangeliar, p. 8 ; Murad, Ararat et Masis, p. 73 ; Karakashian, Kritische Geschichte Arméniens (passun) ; Haruthji nean, Die Schrift der Armenier, Tiflis, 1892 ; Fr. Millier, L’ebcr < ! en Ursprung der grazinischen Schrift, Acad. de Vienne 1898 ; du même, Ueber den Ursprung der Vokalzeichen der armenischen Schrift, dans Wiener Zeiischrift fur die Kunde des Morgent andes t. Vin, 2, p. 155 sq. et t. iv p. 234 sq. Théorie d’une source copte pour l’ccri’ure mesropienne : Paul de La^arde dans Gôtiinger Gelehrle Anzeigen, 1883, p. 281 ; 1888, p. 80 ; iaghawarian, Der Ursprung der armenischen’Schriftzeichen, ienne, 1895 ; Menewishian dans Handâs amsor, 1896, p. 213 sq. (théorie d’une source hellénique). Catergian-Dæhian, Liturgie chez les Arméniens, pussim ; F. Né’6, L’Arménie chrétienne et sa li Itératnre, dans Zeitsch. der deulsch. morgent . Gesells., t. xxx, p. 74-80 ; Fr. Xournebize, Histoire polit, et religieuse tic l’Arménie, Paris, 1900, p. (533 sq ; Gardthausen, Ueber den Ursprung der armenischen Schrift, 1921 ; Jos. Marquait, U cher den Ursprung des armenischen Alphabets in’erbindung mit der Biographie des heil. Masl’oc, ^ ienne, 1917 ; Heinr. F. J. Junker, Dus Aweslaalphabet und der Ursprung der armenischen und georgischen Schrift, dans la revue Caucasien, de A. Dirr, fasc. 2, p. 1-92, fas. 3, p. 62-1 39.

J. Karst.

    1. MESSALIENS##


MESSALIENS, c’est le nom araméen de ceux qu’en grec on appelait les Eucuites, voir leur article, t. v, col. 1454-1465.

Depuis que cet article a été rédigé, une curieuse trouvaille a jeté un jour nouveau sur les doctrines de la secte. En même temps s’est trouvé résolu, d’une manière qui semble définitive, le problème de l’origine de la littérature pseudo-macarienne, que nous avions seulement effleuré à l’art. Macaire d’Égvpte, t. ix, col. 1452 sq.

Les doctrines de la secte messalienne n’étaient connues, jusqu’en ces derniers temps, que par les témoignages d’écrivains catholiques, Épiphane, Théodoret, Timothée de Constantinople, Jean Damascène. Cf. t. v, col. 1455 sq. Il semble bien que, désormais on en pourra juger par une série d’ouvrages en provenance plus ou moins directe des milieux messaliens eux-mêmes. Cette littérature n’est autre que celle qui a circulé sous le nom de saint Macaire d’Egypte, à