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MERITE. SYNTHÈSE DOCTRINALE : OBJET DU MÉRITE


est. Voir de même Suarez, De merito, c. xxviii, p. 1 V 1 189. Bien que cette question d’école ne soit pas tranchée par le concile de Trente, la formule vere mereri qu’il adopte est, à n’en pas douter, bien propre à incliner dans ce stms la pensée des théologiens.

C’est d’ailleurs le cas de se rappeler, comme on l’a fait observer plus haut, col. 774, à propos de Mcehler, que la grâce et la gloire signifient, au fond, la continuité d’une même vie divine. Bien donc n’oblige à concevoir la récompense comme un don toul extérieur et arbitraire. Quoi qu’il en soit du langage populaire, où domine nécessairement l’image, le mysticisme et la théologie catholiques sont d’accord pour professer cette conception organique de la béatitude qu’on voudrait nous opposer au nom de la conscience moderne. H. Schultz, loc. cit., p. 592-595. Seulement il reste à maintenir que l’œuvre humaine entre dans ce processus à titre de condition et de moyen. C’est pourquoi le mérite, au lieu d’être « exclu de l’ordre moral », ibid., p. 594, en est, devant la raison comme devant la foi, un élément constitutif.

Il n’est question en tout cela que de mérite individuel, c’est-à-dire du fruit que l’œuvre sainte procure à son agent. La réversibilité des mérites sur des tiers est un problème spécial dont la solution est commandée par les règles que suggère le dogme de la communion des saints.

b) Du mérite par rapport à nous. — Telle étant la portée objective du mérite, il reste à se demander quelle place lui revient dans la conduite de notre vie. Les protestants ne savent guère en voir que ce côté subjectif. C’est, en réalité, le plus secondaire et la théologie catholique l’explique sans peine par la simple application des principes dogmatiques déjà posés.

D’une part, puisque le mérite est une réalité, rien ne peut faire que le chrétien n’ait pas le droit d’en tenir compte. Et ceci l’autorise tout d’abord, sous la seule condition de subordonner son appétit de bonheur au service désintéressé de Dieu, à faire entrer la recherche de la récompense dans les fins de son activité morale. Tel est le principe posé par le concile de Trente, c. xi, Denzinger-Bannwart, n. 804 ; cf. can. 26 et 31, ibid., n. 836, 841. L’application est affaire de psychologie et H. Schultz lui-même veut bien reconnaître, loc. cit., p. 593, que la perspective des compensations futures n’est pas sans quelque utilité pour soutenir l’homme dans les rudes sentiers du bien. Voir là-dessus Bellarmin, De merilis operum, c. viii-ix, p. 361-363.

A plus forte raison, une fois le bien accompli, l’âme peut-elle s’entretenir dans une ferme assurance que « son effort n’aura pas été vain devant le Seigneur ». I Cor., xv, 58. En douter serait faire injure à Dieu lui-même. Hebr., vi, 10. C’est pourquoi l’apôtre par excellence de la grâce ne craint pas d’attendre la « couronne de justice » due à ses travaux. II Tim., iv, 7. Tous les chrétiens peuvent et doivent partager ie même sentiment. Il ne s’agit plus ici d’un calcul intéressé, mais d’une foi profonde en la divine Providence, où le triomphe objectif et nécessaire du bien ne se sépare pas des avantages qui doivent en découler pour ceux qui l’ont fidèlement accompli.

Mais, en même temps, de cette ferme espérance tout élément de complaisance personnelle doit être banni. Car le chrétien conscient de sa foi ne saurait oublier que ses mérites sont l’œuvre de la grâce, et de ce dogme l’expéiience de chacun permet dans une large mesure de constater pratiquement la profonde vérité. Au surplus, comment pourrait-il perdre de vue le souvenir de sa misère et les exigences de la divine justice ? Ce double motif de défiance est rappelé par le concile de Trente, c. xvi, Denzinger-Bannwart,

n. 810. Il explique l’humilité dont les saints ont toujours fait preuve et qui se retrouve, en proportion même de leur sincérité, chez les plus modestes croyants. Aucune religion et aucune Eglise ne sont à l’abri de ce fléau spirituel qu’est le pharisaïsme ; mais on ne saurait, sans la plus flagrante injustice, rendre l’Église catholique responsable d’un mal que tous ses principes tendent au contraire à prévenir ou a corriger.

Dans l’ordre de la grâce comme dans l’ordre de la nature, le grand mystère est toujours celui des rapports entre le fini et l’infini. L’histoire de la pensée religieuse aussi bien que de la pensée philosophique est faite des poussées alternatives de systèmes qui pèchent, à cet égard, tantôt par excès, tantôt par défaut. Tandis que les uns compromettent la part de l’homme, les autres méconnaissent trop celle de Dieu. Au lieu de sacrifier l’un à l’autre ces deux agents solidaires du salut, l’Égiise catholique s’applique à les unir. De cette union, qui inspire tout son système de la grâce, la doctrine du mérite n’est qu’un cas particulier, qui soulève les mêmes problèmes, repose sur les mêmes principes et peut, quand elle est bien comprise, s’autoriser des mêmes bienfaits.

Historiquement et logiquement la question du mérite est liée a celle de la justification. Dès lors, toute la bibliographie de ce dernier article, voir t. viii, col. 2221-2227, convient également à celui-ci. Il suffira de signaler ici les rares études dont le mérite forme l’objet spécial, ou du moins principal, en notant une fois pour toutes que la plupart viennent d’auteurs protestants et portent, en conséquence, la trace de leurs partis pris confessionnels.

1. Études historiques.

1° Études générales. — —1. Matériaux chez les controversistes des xvie et xvii’siècles. Parmi les protestants, les plus représentatifs sont : Martin Chemnitz, Examen concilli Tridenlini, édit. de Francfort, 1596, 1. 1, p. 174-188 ; J. Gerhard, Loci Iheologici, loc. XVIII : De bonis operibus, c. viii : De meritis bonorum operum, édit. Cotta, Xubingue, 1768, t. viii, p. 80-168 ; Daniel Charnier, Panstratiæ catholiese, I. XIV : De operibus, Francfort, 1627, t. iii, p. 226-252. — Chez les catholiques, le plus abordable et le plus précieux reste toujours Bellarmin, De iustifteatione, 1. V : De meritis operum, dans Opéra omm’a, . édit. Vives, Paris, 1873, t. VI, p. 343-386 ; résumé dans J. de la Servière, La théologie de Bellarmin, Paris, 1908, p. 705-723.

2. Renseignements épars dans les histoires modernes des dogmes. — a) Chez les protestants, on pourra surtout consulter : A. Harnack, Lehrbuch der Dogmengesehichte, 4’édit., ’lubingue, 1909-1910 ; F. Loofs, Leitfaden zum Sludium der Dogmengesehichte, 4° édit., Halle, 1906 ; R. Seeberg, Lehrbuch der Dogmengesehichte, Leipzig, 1908-1917. Résumé synthétique par J. Kunze, art. Verdienst, dans Protest. Realencyclopàdie, Leipzig, 1908, t. xx, p. 500-508. — b) Chez les catholiques : J. Schwane, Histoire des dogmes, traduction française par A. Degert, Paris, 1909-1915 ; J.’fixeront, Histoire des dogmes, Paris, 1909-1915.

3. Éludes d’ensemble.

H. Schultz, Der sittliche BegrifJ des Verdiensles und seine Anwendung au/ das Verstàndnis des Werkes Clirisli, dans Theologische Studien und Kritiken, 1894, t. Lxvii, p. 7-50, 245-314, 551-614 ; résumé par R. S. Franks, dans J. Hastings, Encgclopœdia of Religion and Elhics, art. Mérite, Edimbourg, 1915, t. vint P— 561565 ; St. Tyszkiewicz, Warum verwerfen die Orthodoxen unsere Verdienstlehre, dans Zeitschrifl jùr katholische Théologie, 1917, t. xli, p. 400-406.

Monographies.

1. Période scripluraire. — F. Weber,

Die jùdische Théologie, Leipzig, 1897 ; W. Bousset, Die Religion des Judentums im neutestamentlichen Zeitalter, Rerlin, 1906 ; E. Tobac, Le problème de la justification chez saint Paul, Louvain, 1908 ; B. Bartmann, S. Panlus und S. Jacobus ùber die Rechtfcrligung, Fribourg-en-B., 1897 : R. Neumeister, Die neutestamentliche Lehre vom Lohn. Halle, 1880 ; B. Weiss, Die Lehre Christi vom Lohn, dans Deutsche Zeitschri/t fur christliche Wissenschapl und chrisiliches Leben, 1853, t. iv, n. 40-42, p. 319, 327, 335-338 ; P. Mehlhorn, Der Lohnbegriff Jesu, dans Jahrbiicher fur protestantische Théologie, 1876, p. 721-734 ; O. Umfrid, Die