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MÉRITE, SYNTHÈSE DOCTRINALE : OBJET DU MÉRITE


est consolante pour l’âme, relève l*efïicacilé de l’absolution sacramentelle ou de la contrition parfaite. Cette double raison lui assure la laveur du plus grand nombre des théologiens.

Sous cette influence surnaturelle peuvent et doivent, bien entendu, se développer toutes les dispositions subjectives nécessaires pour que l’œuvre humaine soit agréable à Dieu. Il faut donc un acte libre et moralement bon. De plus, comme il s’agit d’un mérite surnaturel, cet acte doit procéder de la grâce actuelle, c’est-à-dire d’une impulsion divine qui le mette en rapport avec cette fin. Voir Chr. Pesch, op. cit.. p. 247-256 ; J. van der Meersch, op. cit., p. 359-364.

Quelques théologiens ont demandé comme condition sine qua non que l’acte méritoire soit produit par la vertu de charité. Plus tard les jansénistes ont abondé dans ce sens. Suarez écarte cette opinion comme trop exigeante. Opinionem liane nullo modo probandam aut tolerandam censeo, quia parum consentanea videtur Scripturis, et communi sensui Ecclesiie et Patrum, nimiumque coarctat mérita sanctorum, præter Dei magnificentiam et targitatem ac convenitntem providentiam. De merito, c. viii, 9, p. 44. La plupart des théologiens modernes adoptent ce sentiment et demandent seulement que nos actes soient rapportés virtuellement à Dieu comme notre fin dernière. Ce qui, d’après les derniers commentateurs de saint Thomas, comporte seulement deux conditions : nempe habitualem ordinationem hominis ad Deum per churitalem ac operationem cum intenlione finis operis qui sit referibilis in Deum. J. van der Meersch, op. cit., p. 369.

Par application des mêmes principes, il n’est pas nécessaire que nos actions soient proprement inspirées par un motif de foi : il suffit que le motif en soit moralement honnête. Voir J. Miillendorf, Das Glaubensmotiv als Bedingung der Verdienstlichkcit nach dessen positiven Beweisen untersucht, dans Zeitschrijt jùr kath. Théologie, 1893, t. xvii, p. 496-520.

Le degré du mérite varie à la mesure de ces dispositions de l’agent humain. Dans cette appréciation, l’œuvre elle-même compte sans doute pour sa part. Cependant la plus ou moins grande difficulté qu’elle présente n’est ici qu’un élément accidentel. Après saint Thomas, Sum. theol., P-II*, q. xx, a. 4, Suarez défend comme étant « l’opinion commune des théologiens » l’idée que la réalisation extérieure de l’acte n’ajoute rien, en soi, au mérite de la bonne volonté, sauf que, de fait, celle-ci trouve là, d’ordinaire, une 1 occasion de mieux montrer sa vigueur et sa persévérance. De merito, c. vl, p. 28-37. Ce qui donc est décisif dans la valeur du mérite, c’est la dignité de la personne ainsi que la qualité de ses actes et de ses sentiments. Voir J. van der Meersch, op. cit., p. 361364, et J. Miillendorf, Das Mass des Verdienstes in den einzelnen Werken, dans Theologisch-praktische Quartalschrift, 1909, t. i.xii, p. 43-55, 301-313. Par où le mérite se trouve une fois encore situé dans les plus pures réalités de l’ordre moral.

De ces diverses conditions, celles qui regardent l’agent doivent toujours être réalisées ; mais celles qui sont relatives à la promesse divine et à l’acte humain peuvent l’être d’une manière plus ou moins parfaite. C’est ce qui autorise la distinction, devenue classique depuis le Moyen Age. entre le mérite proprement dit ou de condigno et le mérite de simple convenance ou de congruo.

4. Objet du mérite. — Pas plus que n’importe quel acte n’est méritoire, n’importe quel bien ne peut être mérité. L’objet du mérite se détermine logiquement d’après les lois qui président à l’économie générale du salut.

a) Du mérite en soi. — bruit suprême et dernier épanouissement de la vie divine en nous, le mérite doit d’abord être considéré comme un élément objectif qui complète la doctrine du surnaturel.

Le mérite est essentiellement coordonné au dogme de la grâce. Or l’Église enseigne, contre les pélagiens, que la grâce est absolument gratuite et, avec elle, la prédestination qui n’en est qu’un aspect. De ce chef, il faut donc exclure du mérite la grâce de la première justification et toutes celles qui la préparent. Cette double vérité est formellement rappelée par le concile de Trente, sess. vi, c. v et viii, Denzinger-Bannwart, n. 797, 801. La grâce est à la base du mérite, qui sans elle ne saurait exister. Ibid., c. xvi, n. 809. En vertu de ce principe fondamental, aucune bonne œuvre, même après la justification, ne saurait donner droit à la grâce d’une conversion éventuelle en cas de faute, ni à des grâces toujours efficaces et moins encore à la dernière de toutes, la persévérance finale. Ibid., c. xiii, n. 806. On ne peut tout au plus concevoir sur ces divers points qu’un mérite de congruo.

Sous réserve de cette souveraine initiative divine qui commande le début et le terme de notre salut, l’âme une fois introduite dans l’ordre surnaturel peut mériter tout ce qui a le caractère d’une récompense.

Dans cette catégorie il faut tout d’abord faire entrer l’accroissement de la grâce sanctifiante. Saint Bonaventure n’admettait pas, à cet égard, de mérite proprement dit. In II » ’» Sent., dist. XXVII, a. 2, q. ii, voir.plus haut, col. 692. La thèse contraire est soutenue par saint Thomas, Sum. theol., l^-ll^, q. exiv, a. 8, et par l’ensemble des théologiens modernes. Voir Suarez, De merito, c. xxv, p. 154-157. Cette question est pratiquement tranchée par le concile de Trente, qui parle de « vrai mérite » à propos de l’augmentation de la grâce comme de la vie éternelle, can. 32, n. 842.

La grâce, dans l’économie chrétienne, est le germe de la gloire : voilà pourquoi, en méritant l’accroissement de celle-là, le chrétien peut mériter également celle-ci. Voir Ripalda, t. III, disp. XC, t. ii, p. 197238. Quoi qu’il en soit, en effet, du judaïsme, quis’attarda trop souvent aux promesses temporelles, dans la révélation chrétienne c’est toujours la vie éternelle que Dieu promet comme récompense à la fidélité de ses bons serviteurs. Récompense d’ordre absolument transcendant et qui, de ce chef, est une grâce, de toutes la plus grande et la plus précieuse. Les protestants n’en veulent retenir que ce caractère ; mais ils se mettent par là en formel désaccord avec les mêmes sources de la révélation, qui la donnent comme but et comme terme aux efforts de l’homme ici-bas.

Il faut donc, avec le concile de Trente, c. xvi, Denzinger-Bannwart, n. 809, la regarder en même temps tamquam gratia… misericorditer promissa et tamquam merces… fideliter reddenda, en ce sens que Dieu a voulu nous donner le moyen d’obtenir par voie de mérite le bonheur auquel il nous appelle par pure grâce. Quant à dire avec Mélanchthon et son école que nous mériterions, à défaut de la gloire elle-même, d’autres biens spirituels dans la vie présente et future, c’est une distinction sans consistance, que rien n’autorise dans l’Écriture ni dans la tradition et qui n’est qu’un médiocre expédient pour sauver contre l’évidence des faits les postulats d’un système.

Plusieurs théologiens du Moyen Age répugnaient à parler ici d’un mérite de condigno, voir col. 690, et Bellarmin témoigne que ces scrupules survivaient encore, au moins pour des raisons d’opportunité, chez quelques auteurs de son temps. De meritis operum, c. xvi, p. 376. Mais contre eux il peut affirmer : Communis autem sententia theologorum admittit simpliciter meritum de condigno. Quse sententia verissima