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771 MÉRITE DANS L’ÉGLISE C AT HOLIQUIvMO U VEM K NT T HÉOLOGIQUL 772

mérite de congruo, mais non pas pour une simple disposition négative. Ibid., adn. 43, col. 552-553.

Cette transcendance de tout l’ordre surnaturel par rapport à celui de la nature était reprise d’une manière encore plus explicite dans le nouveau texte sur lequel devait délibérer la Députai ion de la foi : Quemadmodum enim hœc ipsa vila [œterna], lia omnis dispositif) cul eam, uipote super naturam posila, ex gratuite miserentis Dei bénéficia est. En conséquence, il ne saurait y avoir de mérite que par la grâce : Hœc ipsa opéra bona, quæ gratin antécédente, comilanle et subséquente fuint, vitse seternee meritum non habent nisi ex Mo sanctilatis dono quo justi cum Cliristo consociali sunt. lbid., col. 1630.

Le Schéma reformalum, c. v, ibid., col. 564, se contentait de recueillir ces formules générales, sans qu’il y fût fait état de la suggestion d’un Père qui demandait, ibid., col. 1669, le canon suivant : Si quis dixerit ad opus quodeumque meritorium vitse seternae non requiri gratiam sanctificantem, A. S.

Ce projet de définition fut arrêté par la prorogation du concile et subsiste seulement à titre de document officieux. En admettant qu’il fût arrivé à terme, on voit qu’il n’eût ajouté à la doctrine catholique définie au concile de Trente qu’une plus claire affirmation de l’ordre surnaturel dans lequel le mérite vient s’insérer.

Mouvement théologique.

Si aucun problème

vraiment nouveau n’est venu, depuis le xvi c siècle, solliciter l’attention des théologiens catholiques, ceuxci trouvaient toujours devant eux les problèmes soulevés par la Réforme, que l’activité doctrinale de ses défenseurs ne cessait d’aviver. Ces attaques réitérées ont provoqué un mouvement non moins actif de défense, dont il reste à retracer la direction et à recueillir les résultats.

1. Conlrouersistes.

Dans la grande bataille déchaînée par les réformateurs autour de la justification et de ses suites, l’Église eut aussi ses champions. L’effort de ces controversistes relève surtout de la théologie positive. Sans s’interdire les considérations rationnelles et les précisions théologiques, dont la dialectique insidieuse des adversaires faisait sentir le besoin, il s’agissait surtout de défendre contre eux les bases de la foi, en la montrant appuyée sur l’Écriture et la tradition dont on invoquait volontiers le témoignage.

De cette controverse anti-protestante l’œuvre de Bellarmin reste le principal monument. En tout cas, elle suffit à montrer quel genre d’enrichissements la théologie catholique doit à cette vaste littérature dont elle est le plus remarquable spécimen. La question du mérite y vient au terme de la controverse relative à la justification. Controv. de justiL, 1. V : De meritis operum, dans Opéra omnia, édit. Vives, t. vi, p. 343386. Résumé dans J. de la Servière, La théologie de Bellarmin, Paris, 19C8, p. 705-723. Ces pages sont tout entières dirigées contre les protestants. L’auteur n’est d’ailleurs pas sans remarquer la nuance d’ambiguïté que présente ici leur opposition. Adversarii, dit-il des luthériens, quamvis initia valde contemptim loquerenlui de operibus bonis, paulatim tamen cœpcrunt nonnihil iis tribuere. Et il note que Calvin les suit sur ce point : In re cum lutheranis consentit, in verbis discrepat. Mais, ne videantur omnino consenlire papistis, ils corrigent leur volte-face par duo lemperumenta : c’est que nous ne saurions mériter la vie éternelle proprement dite et que la valeur de nos mérites leur vient, non ex… propria dignitate quasi re vera sint justa…, sed ex flde et indulgentia Dei. En regard de cette double erreur, son but est de prouver opéra bona justorum vere ac proprie esse mérita, et mérita non cujuscumque prœmii sed ipsius vitse œternæ contra sectarios omnes. C. i. p. 343-344.

Ainsi le principal de la démonstration porte sur la réalité du mérite, dont les deux aspects distingués ci-dessus sont traités simultanément. Bellarmin l’établit de façon méthodique sur l’Écriture, c. ii-m, puis sur la tradition des Pères, c. iv. A ce problème dogmatique l’auteur rattache duæ quæstiunculæ breviores d’ordre plutôt psychologique : una de fiducia merilorurn, altéra de intuitu mercedis, c. vii-ix. La préoccupation dominante de la controverse n’empêche pas Bellarmin d’entrer ensuite pour son compte dans l’examen des questions théologiques soulevées par le mérite. Il en étudie d’abord les conditions objectives, en insistant sur le libre arbitre, la grâce de Dieu, la promesse divine, x-xiv, pour terminer sur la charité qui en est la condition subjective, c. xv. Quatre chapitres sont ensuite consacrés à la nature du mérite, en vue d’établir que nos bonnes œuvres méritent la vie éternelle de condigno, c. xvi, et cela non solum ratione parti sed etiam ratione operum, c. xvii-xviii. bien que d’ailleurs la récompense reste toujours supra condignum. Enfin l’auteur aborde brièvement la question des objets accessibles à notre activité méritoire, c. xx-xxii.

Dans cette analyse théologique, Bellarmin s’inspire de préférence des principes posés par saint Thomas, qu’il ne sépare d’ailleurs pas de saint Bonaventure, les deux étant par lui qualifiés de principes theologorum. A leur suite, il professe une conception absolument réaliste du mérite et tient à écarter la théorie de Y acceptatio soutenue par Scot, encore qu’il reconnaisse très loyalement : Distat hœc opinio longissime ab hæresi lutheranorum, c. xvii, p. 379. Cette adhésion de l’illustre cardinal à la thèse réaliste n’a sans doute pas peu contribué au déclin de la conception adverse dans la théologie moderne.

Quel que soit l’intérêt de ces pages consacrées au problème spéculatif du mérite, la véritable originalité de Bellarmin est dans le dossier positif de preuves qu’il réunit, au préalable, à l’appui de cette doctrine. Comme il convenait en face des protestants, la démonstration scripturaire y est particulièrement soignée. Pas plus que personne en son temps, l’auteur n’a cure de l’ordre chronologique. Néanmoins, par un sens très exact du problème, il se concentre sur le Nouveau Testament et il en exploite avec vigueur tous les textes et toutes les idées qui peuvent être favorables à la valeur des œuvres humaines.

La preuve de tradition se réduit à une énumération de témoignages ; mais ce c. iv, joint au c. vi, qui réfute les objectiones ex Palribus, fournit des données suffisamment étendues pour prendre contact avec l’essentiel de la pensée patristique. Comme du reste cette question est de celles qui n’ont guère connu de développement, la dialectique de Bellarmin a ici facilement gain de cause et met généralement sur la voie de la bonne interprétation.

En somme, la doctrine catholique du mérite sortait de cette étude clairement expliquée et solidement appuyée. Les assauts que n’ont plus cessé de diriger contre elle les théologiens postérieurs de la Réforme, qui prennent tous régulièrement pour objectif cette partie des Controverses, ne sont-ils pas un hommage rendu à sa valeur ?

2. Théologiens scolastiques. — Ces problèmes spéculatifs, que les controversistes abordaient en passant, forment, au contraire, l’objet principal sur lequel continuait à s’exercer l’activité de l’École.

Ainsi, dans Suarez, le mérite occupe en entier le t. XII, le dernier de son vaste traité de la grâce. Opéra omnia, édit. Vives, t. x, Paris, 1858, p. 1-265. Toutes les questions rationnelles sur les conditions et l’objet du mérite, la nature et les qualités des actes méritoires, y sont débattues in extenso. Après